Economie

100 jours du gouvernement des warriors : Professeur Dady Saleh : « Il faut changer de direction par rapport aux habitudes d’avant »

Les 100 premiers jours du gouvernement Sama Lukonde, on en parle encore. L’action du gouvernement des warriors ne laisse pas les observateurs indifférents. Si pour les uns, les grands signaux ont été donnés et que désormais la rampe de lancement a été lancée, pour d’autres, le bilan est mitigé. C’est néanmoins le point de vue du professeur Dady Saleh. Cet enseignant, spécialiste dans l’économie de développement des pays du Sud suggère que l’exécutif « change carrément de boussole » en vue d’une rupture avec le passé.

Interview

GH: Quel bilan dressez-vous du gouvernement Sama Lukonde sur le plan de l’action sociale ?

Dady Saleh : Je pense que le bilan est mitigé. Mitigé pourquoi ? Tout simplement que, il n’y a pas suffisamment d’actions sur le terrain.
Certes, il y en a eu quelques une, mais, comme le premier ministre lui-même l’a dit,
ils veulent maintenant se tourner plus sur le terrain. Je pense que le premier ministre lui-même a reconnu qu’il n’était pas vraiment tourné vers le terrain, vers le social de la population. Dans la mesure où les statistiques budgétaires disent que tout est orienté vers le fonctionnement des institutions: le président, le parlement, le gouvernement, etc qui consomment le gros du budget. Donc je pense que les 100 jours sont mitigés, mais cela étant, nous encourageons certaines actions que je peux appeler actions disparates, comme la question de la retraite dans le secteur de l’enseignement par exemple. C’est une bonne action, mais disparate. Je peux me résumer en disant, que quand on va à l’école, c’est difficile de trouver un élève avec 0 % vous pouvez avoir 10 %, 50 %, 70 % ou 80 % donc dans le sens statistiques je pense que le gouvernement n’a pas 30 % par rapport à lui-même. Parce qu’il faut noter que ce gouvernement avait donné de l’espoir et nous pensions qu’avec la philosophie du président de la République, « le peuple d’abord », tout devait être orienté vers l’intérêt direct de la population. Je précise l’intérêt direct pas indirect. L’intérêt direct aurait dû se faire sentir par des réformes. Changer de boussole carrément, donc changer pratiquement de direction par rapport aux habitudes d’avant, mais je pense que pour l’instant il n’y a pas eu des ruptures. Le constat est clair: Le budget semble être consommé comme avant d’ailleurs et ça n’intéresse pas grand monde. On n’a presque pas des investissements directs dans la population dans le sens budgétaire par rapport à la lutte contre la pauvreté qui est un des crédo du Président de la République.
Il faut noter que c’est une des politiques de développement. Après 100 jours, quelles sont les actions concrètes de lutte contre la pauvreté qu’on a pu noter ?

GH: On constate une stabilité du taux de change. Comment vous expliquez le fait que sur le marché, les prix de certains produits galopent alors que l’un des facteurs de la flambée des prix c’est le taux de change ?

D. S : Très simple ! Et on peut se référer à la politique macroéconomique qu’avait menée monsieur Matata à l’époque. La stabilité de la monnaie est du domaine macroéconomique. Oui, certes, mais ce n’est pas ça l’essentiel. La question c’est : qu’est-ce qu’on fait de cette stabilité monétaire. Est-ce qu’il y a de politique de développement qui permette effectivement
le social de la population de s’améliorer ? Je pense que parmi les meilleurs premiers ministres qu’on a eus, on peut citer Matata Ponyo, mais il avait avoué que le social était presque nul il n’y avait pas grand chose. Quand vous voyez qu’il y a hausse de prix c’est-à-dire qu’on a de mauvaise politique, quelle que soit la stabilité de la monnaie. Pour le dire de manière crue en vue d’être compris par beaucoup de gens, je dirai que les gens ne mangent pas la stabilité de la monnaie, mais plutôt ce qui est important
c’est cette capacité à satisfaire les besoins, commençant par le besoin primaire secondaire et tertiaire. Quel que soit le revenu, si vous avez la capacité à satisfaire vos besoins, alors vous avez un pouvoir d’achat.

D S: Toutes les actions initiées pour la lutte contre la corruption n’ont pas suffi pour arrêter le coulage des recettes publiques. Peut-on dire qu’il y a une certaine contradiction entre les discours tenus par certains membres du gouvernement et les actions entreprises sur le terrain ?

D. S : Oui, tout à fait, il y a une grande contradiction et cela ne commence pas aujourd’hui. Cela a commencé depuis l’indépendance. Beaucoup de gouvernements applaudissent leurs actions. Par exemple, quels sont les chiffres statistiques qui ont été donnés par le premier ministre? Pour dire que, voilà dans tel secteur ou tel autre secteur il y a eu hausse. Oui c’est vrai, on parle d’accroissement des recettes. On est d’accord, mais cela ne veut pas dire que si les recettes ont augmenté, cela a amélioré le pouvoir d’achat de la population, le social de la population. Les recettes peuvent avoir accru, mais peut-être pour multiplier les dépenses des institutions. Donc vous voyez, il n’y a pas à cause de cause à effet direct entre les recettes publiques et le pouvoir d’achat de la population et pourtant nous pensons qu’il devait y avoir de cause à effet direct, s’il n’y avait pas de corruption. Malheureusement, la corruption est encore là. Si on est en train d’arrêter les gens c’est parce que l’argent continue à disparaître. Il ne faut donc pas confondre les chiffres ou les agrégats macroéconomiques et la vie sociale de la population. On peut avoir des agrégats macroéconomiques qui s’améliorent, c’est comme des matelas, mais sur lesquels personne ne dors.

Propos recueillis par Patrick Ilunga

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