Economie

Affaire William Ruto : Des récupérations politiques à Kinshasa et à Nairobi

Lorsque William Ruto prononçait ses paroles dans la province de Nyeri, dans le centre du Kenya pour encourager les producteurs locaux de lait à produire plus, pour un marché plus large, il était loin de se douter de leur répercussions aussi bien en RDC qu’au Kenya. A plus de 4 000 km, la description qu’il a faite du Congo et des Congolais a choqué.

Suite à l’ire que cela a suscité, le Vice-président Kényan qui est candidat à l’élection présidentielle, est donc revenu sur ses propros pour en clarifier le sens. Dans un communiqué, William Ruto déclare: « Mon discours était informel et j’ai utilisé certains effets uniquement pour souligner l’ampleur de l’opportunité et l’urgence du moment pour un public local. Il ne s’agissait en aucun cas de manquer de respect au peuple congolais ». William Ruto dit regretter « tout malentendu » qui aurait pu découler de son discours. « Je saisis cette occasion pour assurer au gouvernement et au peuple de la RDC de ma profonde admiration et de ma haute considération », a écrit Ruto mercredi tard dans la soirée.

Le même jour à Kinshasa, le vice-Premier ministre, ministre des Affaires étrangères, Christophe Lutundula, avait déjà ordonné à son secrétaire Joska Kabongo de convoquer l’ambassadeur du Kenya en RDC, George Masafu, pour qu’il s’explique sur les propos tenus par le vice-président de son pays. Le Dr George Masafu a condamné ces déclarations, précisant néanmoins qu’il s’agissait d’une opinion personnelle et qu’elle n’engageait pas le gouvernement de son pays.
Jeudi, A Nairobi, l’équipe de campagne de William Ruto a visité l’ambassade de la RDC pour s’excuser. Ils ont déclaré que les canaux de communication entre les deux pays devaient rester dans le cadre du protocole diplomatique et non des réunions politiques.

Car, faut-il le dire, les déclarations de Ruto ont pris d’autres tournures. D’abord économique : plusieurs en RDC ont incité clairement à boycotter les produits et le business Kényan en RDC. Des journalistes, des activistes de droits de l’homme et même des parlementaires tels que Matata Ponyo, sénateur aujourd’hui et ancien puissant premier ministre, ou la sénatrice Francine Muyumba ont été très virulents, exigeant des excuses.
Au-delà d’un sentiment normal éprouvé par certains Congolais, une récupération politique a subtilement été faite. Chacun aura remarqué que la majorité des hommes politiques qui se sont indignés sont ceux qui ne sont pas au pouvoir. Après leurs multiples réactions indignées, certains congolais les ont félicités de « mieux défendre les congolais que ceux qui sont au pouvoir ». Des politiciens ont profité de cet incident pour montrer qu’en réalité le Congo a « une crise de leadership ».

« Ces propos du vice-président du Kenya reflètent la mauvaise réalité de la considération de nos partenaires ou plutôt de l’inconsideration envers le peuple…beaucoup de nos pays voisins pensent la même chose et nous(congolais), dans la naïveté de notre leadership faible, nous essayons de nous faire croire l’inverse », a dit le professeur Dady Saleh, économiste et homme politique.
Encore plus virulent, un internaute dit qu’il ne condamne pas les moqueries de Williams Ruto, mais plutôt « la faiblesse et naïveté » des leaders congolais.
Certains promettent « d’être durs en 2023 », année des élections en RDC.

Au Kenya, Raila Odinga, le challenger de Ruto à l’élection présidentielle, s’est emparé du sujet et a égratigné son rival : « J’ai été très dérangé et profondément déçu par les déclarations du Vice-président William Ruto… Les attaques de Ruto contre la RDC sont la manifestation d’un manque inconsidéré de vision et de prévoyance, d’une incapacité pathétique à voir où les opportunités abondent pour le Kenya », a écrit Odinga.

Patrick Ilunga

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