Politique

Au centre d’une polémique, l’argentier national tranche : Sele Yalaghuli : « Ma vocation n’est nullement de freiner l’action du Président, mais de respecter les lois des finances publiques pour l’intérêt de toute la Nation »

Etre ministre des finances est l’une des responsabilités les plus prégnantes sous toutes les latitudes, mais l’être en Afrique dans un pays post conflit et surtout quand celui est gouverné par une coalition politique, c’est vivre constamment le mythe de Sisyphe. Car ce poste aujourd’hui occupé par Sele Yalaghuli est systématiquement soumis au prisme déformant de la politique d’intérêts, dans ce sens qu’ aucune des décisions même celle prises conformément à la loi ne bénéficie de la bonne foi supposée du ministre. Personne ne pense à la loi et veut lire dans tous les arbitrages du ministre des calculs, des intentions à finalité destructrice comme celle qui a élu domicile sur les réseaux sociaux, à savoir la ferme volonté du ministre des finances de « bloquer »l’action du Président de la République. Il a beau crier son innocence face à cette récurrente accusation, personne ne veut l’écouter car il fait le « coupable »parfait, l’alibi permanent de la transposition des responsabilités.

A partir du moment où il s’est taillé la réputation de celui qui ne paie pas, alors il est devenu le joker de ceux qui refusent d’avancer et qui cherchent des boucs émissaires. Comment peut-on être ministre des finances et espérer être populaire dans un contexte de crise économique et financière aussi forte que celle qui frappe la RDCongo déjà comme pays fragile et plus encore avec la covid 19, qui a brisé son élan vers l’émergence ? Chaque chose est passée du mode urgent en mode ultra urgent. C’est pourquoi le ministre actuel des finances doit se doter des compétences d’alchimiste pour garder les règles de gestion des finances publiques et construire un semblant d’orthodoxie dans l’affectation des ressources et dans la mobilisation même de celles-ci. Connu pour être de cette école de la rigueur, il est à la croisée des feux entre ceux qui estiment que les actions du gouvernement et surtout celles du président ne bénéficient pas suffisamment d’accompagnement de la part du trésor , et ceux qui estiment qu’ il est le dernier bastion contre les dérives et les actes de mauvaise gestion. Pour diminuer ces malentendus et espérer une accalmie dans le secteur des finances car l’argent a horreur du bruit, le ministre a été obligé de révéler des vérités dures , poignantes et sans doute dérangeantes à notre quiétude de citoyens. Apprendre au cours d’une interview accordée aux journalistes (intégrale ci-dessous) que 90 % des fonds récoltés par l’Etat par mois sont affectés aux rémunérations et quel Etat fonctionne avec seulement 10 % des ressources, alors on comprend que chaque décision est perçue par ceux qui n’en bénéficient pas comme une forme de salve d’exécution, une condamnation à mort du document présenté.

Aujourd’hui comme hier le pays est confronté au grand défi de son décollage économique et le temps qui est une denrée non renouvelable et non stockable doit être géré avec parcimonie a renchérit le ministre des finances, c’est pourquoi il exhorte les différents acteurs qui interviennent sur la place publique de tenir compte de ce facteur et de faire avec lui pour sortir le pays de sa situation non enviable. Des gros dossiers comme celui du dépassement budgétaire, du rôle de la cour des comptes, des salaires des fonctionnaires, des exonérations, de la rétrocession, des indemnités d’anciens mandataires, des réformes fiscales pour un élargissement de l’assiette ont été passées à peigne fin. Sele Yalaghuli a certainement fourni l’effort de redevabilité dans un contexte de grande suspicion. C’est aussi cela le caractère des hommes d’Etat, qui sont plus préoccupés du sort de l’ensemble que de préserver à tout prix leur image.

Robert Tanzey

Christian Lusakweno (CL) : Monsieur le ministre, vous n’avez pas recueilli l’avis de la cour des comptes. Mais vous publiez des comptes qui font beaucoup de bruits et contestations. Est-ce que cela n’ entame pas la crédibilité de la démarche. Je rappelle que nous sommes dans la phase réédition des comptes avant l’application d’un nouveau budget. Et que c’est le ministre des finances qui doit établir ce qui a été déjà effectué. La présidence de la république est pointée du doigt et elle a réagi sur Ton Congo. Et elle a déclaré aussi qu’il y a beaucoup de mauvaise foi dans le chef du ministère des finances.

Sele Yalaguli (SY) / Il faut que nous partions d›un certain nombre de précisions. La réédition de compte fait partie des prérogatives constitutionnelles du ministre des finances. Et conformément à la loi et avant que le premier ministre puisse présenter le budget de l’exercice à venir en l’occurrence, celui de 2021, il faut que le ministre des finances puisse rendre compte de ce qui a été fait des ressources publiques collectées et dépensées pour le dernier exercice clos. Et il s’agit en l’occurrence du budget de l’exercice 2020. Il est bien entendu que conformément en termes des lois que la cour des comptes qui est l’organe technique et conseiller du parlement, doit émettre évidemment des avis. Nous avons d’abord dans un premier temps accusé de retard pas du fait du ministère des finances parce qu’on a déployé des équipes sur le terrain comme je l’ai dit. La réédition des comptes veut s’assurer des données disponibles au niveau du compte général du trésor. Mais comme les ressources sont utilisées aussi bien à l’intérieur du territoire national qu’à l’extérieur du pays dans nos postes consulaires diplomatiques, il fallait bien mais malheureusement du fait de la pandémie, et ça vous le savez, les frontières étaient fermées aussi au niveau national ainsi qu’à l’international. Et donc, les équipes se sont finalement déployées au mois de mars pour disposer de ces chiffres là. Et nous avons remis ce document à la cour des comptes depuis le 2 novembre pour que la cour des comptes puisse émettre un avis. Dire que la cour des comptes n’a pas émis un avis, c’est non. La cour de comptes a accueilli le document et a dit qu’elle est en train de délivrer des détails techniques pour pouvoir certifier ce qu’il a. Et ces discussions vont pouvoir constituer au niveau de la commission économique et financière de l’assemblée nationale. Mais je ne vois pas où se trouverait la mauvaise foi du ministre des finances.

CL/ Quand vous dites que vous avez déposé ça le 2 novembre et que cela se trouve déjà à l’assemblée nationale. Et où du côté de votre partenaire du cach, on dit certainement qu’il y avait certains députés qui étaient préparé pas forcément financé et pas forcément celui de l›économie avec le chiffre d›une rubrique de 14 100 % de dépassement rien que dans les voyages du Chef de l›Etat. Est-ce qu›il n›y avait pas plutôt là possibilité que la cour des comptes rende son avis et la copie de la cour des comptes soit seule rendue public ?

SY/ Il y a deux choses. La première, c’est la problématique du dépassement. Il faut dire qu’il y a toujours dépassement sur un certain nombre des institutions, la présidence de la république, la primature, le ministère des finances, le ministère de la défense nationale. Mais quand en ce qui concerne la hauteur, je pense que c’est encore sujet à débattre. Donc ça, c’est la première des choses. Et je ne suis pas là pour fustiger que la présidence ait consommé beaucoup plus que ce qui était prévu. Deuxième chose, je viens de le dire que les discussions techniques sont en train de se tenir au niveau de la commission économique et financière de l’assemblée nationale. Donc, c’est justement le moment que la cour des comptes est en train de verser ses avis techniques. Et je pense que pour tout service qu’il estime être pointé de doigt, c’est le moment d’aller contester les chiffres sur base évidemment de ce que vos comptables intérieurs disposent. Parce que la présidence dispose d’un comptable d’Etat qui doit produire des chiffres en contestation ou en confirmation. Mais il faut retenir que le ministre des finances n’est pas là pour fustiger tel chiffre mais c’est de rendre compte de ce qui a était utilisé sur base des données produit par les services de la direction du trésor de la Banque Centrale et des comptables publics se trouvant au niveau de chaque service utilisateur des crédits budgétaires. C’est tout.

CL/ Lors d’une émission, le conseiller principal du Chef de l’Etat en matière économique a dit qu’il aurait fallu, selon lui, réunion avec la présidence de la république. Que dites-vous ?

SY/ Non, c’est faux. La cour des comptes n’a que la reddition des comptes. Et moi, j’ai toujours dit qu’avant de se prononcer sur quelque chose il faut se documenter. La cour des comptes n’a pas à se réunir avec la présidence. Le ministère des finances n’a pas à se réunir avec la présidence. La réédition des comptes est une collecte de données chiffrées des comptables publics sur ce qui a été, d’un côté dans la partie dépenses et il y a aussi la partie recettes, donné comme assignation aux services mobilisateurs des recettes qui sont les trois régies financières, DGI, DGDA et DGRAD. Et d’autre coté, comment ses ressources ont-elles été dépensées ? Et ces données, seuls les comptables qui peuvent disposer de ça. Mais les diligences ne disent pas qu›il faut aller dans une confrontation. Moi, je pense que ce n›est pas nécessaire.

CL/ Peut-être, il y a l’argent qui est prévu et il y a l’argent décaissé parce qu’on parle de 57 milliards FC pour la présidence qui étaient prévu pour le budget. On en était arrivé à 200 000 FC. On parle aussi du chiffre des 300 000 FC engagé. Est-ce que pour que tout ce monde soit d’accord ? Il n’était pas nécessaire que c›est en tout cas ce que lui aurait souhaité. Il a d’ailleurs parlé des coutumes en la matière ?

SY/ Il n’y a pas de coutume en la matière dans ce sens là. Lisez le texte. La réédition des comptes est un exercice de collecte des fonds. Et conformément à la constitution, le ministre rend compte aux deux chambres du parlement qui est l’autorité budgétaire. Mais dans tout le cas, on fait la reddition des comptes pour deux raisons. D’abord, c’est pour s’assurer que les ressources sont été utilisé correctement. Deuxième, c’est une loi. La réédition de comptes s’érige en loi pour rectifier et approuver les crédits qui ont été dépassé. Et essayer de corriger en projection du projet à venir. Parce que peut-être on avait moins prévu pour tel service et qu’il faut corriger.

Patient Ligodi (PL) / Expliquer et rendre compte. On a l’opportunité de vous avoir aujourd’hui mais il y a également des beaucoup des questions qui ont été posé. L’une de ces questions, c’est de savoir votre réponse par rapport à ceux qui parlent de l’explosion du budget 2019 sur la ligne présidence de la république est également dû à la prise en charge très coûteuse de l’ancien président, Joseph Kabila ?

SY/ Non, absolument pas. Vous savez que je peux vous dire que la ligne qui prend en charge l’ancien président ne marge pas sur le budget de la présidence. Je crois que c’est au niveau du ministère du budget qu’on impute ça. Il n’y a pas que ça. Il y a également les anciens premiers ministres. Puisqu’il y a une loi qui les autorise à recevoir les indemnités. Et donc, ça emmarge plutôt ministère du budget.

PL/ Ils ajoutent aussi que les dépenses à la présidence font que c’est comme si on avait deux présidences en termes que ça représente au budget global.

SY/ Absolument pas. C’est faux. Il faut dire qu’il y a un seul président. La présidence n’est pas une institution. Elle est plutôt un service qui accompagne ne président de la république. Donc, il y a une seule présidence.

PL/ Mais en termes des dépenses, est-ce que ça gêne pas, vous qui gérez cet secteur là, que l’ancien président de la république coûte autant à la république ?

SY/ Écoutez. Ce n›est pas moi. Ce sont plutôt des prévisions. En ce qui concerne ma politique salariale, c›est décidé au niveau du ministère de budget et c›est voté par le parlement. Mais le ministère des finances se trouve au pôle où il exécute cette politique qui a été conçu par le ministère de budget et qui a fait l’objet de vite au niveau des deux chambres de parlement.

PL/ De tous les temps, vous l’avez dit. Le dépassement budgétaire, c’est toujours la présidence, la primature, les grands ministères comme les finances. Comment vous expliquez tout ça ?

SY/ Il y a deux raisons. La première, je crois que c’est un problème des prévisions aussi bien en recettes et en dépenses. Il se fait que lors de l’exécution budgétaire, il y a beaucoup d’impondérables qui font que tant que nous ne sommes pas encore dans ce qu’on appelle le budget programme et nous allons faire toujours face à ces aléas. Je vais donner un exemple : il y a une urgence humanitaire qui se déclare et dans une partie du territoire parce qu’il y a eu des pluies diluviennes qui se sont abattues. Alors pour venir au secours de nos compatriotes victimes qui ont connu une telle calamité, on ne peut pas passer par la chaînes des dépenses. Il se peut que les dépenses soient autorisées par la présidence pour intervenir. Parfois, il est demander que ça soit le comptable qui est affecté au ministère des finances puisse percevoir les recettes des ressources nécessaires et donner pour pouvoir rencontrer ce type.

PL/ Pourquoi seulement la présidence, la primature et les ministères comme le votre ?

SY/ Justement, c’est pour éviter l’urgence comme je vous ai dit.

PL/ Il n’y a que d’urgence dans ce secteur là ?

SY/ Non. C’est un problème opérationnel. Parce que le budget est toute une série d’engagement. Il y a des règles budgétaires. Il faut commencer par l’engagement, la liquidation, l’ordonnancement et le paiement. C’est pour des raisons techniques que pour des raisons institutionnelles.

PL/ Selon vous, pourquoi aucun responsable n’a jamais été sanctionné pour le dépassement budgétaire ?

SY/ D’abord. L’autorité budgétaire, c’est le parlement. Et je crois que cette question devrait être poser au parlement. Mais, une autre tentative de réponse à cette question, c’est que si les raisons de dépassement budgétaire sont accepté par l’autorité budgétaire lors de l’exercice de la reddition des comptes, pourquoi il faut sanctionner.

CL/ Aujourd’hui, le parlement pourrait sanctionner la présidence de la république, la primature et tous les ministères, notamment celui de 730 000 % du dépassement du ministère de l’environnement et développement durable ?

SY/ Christian, je viens de donner cette réponse à Patient Ligodi. L’exercice de reddition des comptes est l’exercice de rétablissement de la vérité. Donc, les discussions continuent à se tenir à la commission économique et financière de l’assemblée nationale. Tous les services et les régies financières vont justifier pourquoi elles n’ont pas atteint les assignations budgétaires. Et si les raisons sont acceptée, le parlement prend acte. Et on vote le texte. Il en est de même en ce qui concerne les dépenses. Il faut que chacun justifie pourquoi ce dépassement. Et si le projet est voté, ça devient une loi.

Thierry Kabundi (TK) / Est-ce que ce projet de loi était débattu en conseil des ministres ?

SY/ Ça fait déjà un certain de temps que le conseil des ministres ne se tienne plus.

TK/ Ça fait deux semaines seulement. Mais on parle de reddition des comptes depuis un peu plus longtemps.

SY/ Le document de la reddition des comptes a été apprêté juste au moment où il n’y avait plus eu le conseil des ministres. J’ai pris la disposition d’envoyer tous les volumes nécessaires aussi bien à la présidence de la république, la primature, au ministère du budget, donc tous les services centraux en ce qui concerne les recettes mais également ma hiérarchie, la présidence et la primature.

TK/ La présidence dit ne l’avoir reçu que le 13 novembre. C’est Marcelin Bilomba qui l’a dit.

SY/ C’est archi-faux. Les accusés de réception font foi. Vous pouvez les vérifier. C’est depuis le même jour où on a déposé le document à la cour des comptes et on a déposé aussi à la présidence. Donc, le 2 novembre, c’est parvenu à tous les services.

TK/ Je voudrais revenir sur la cour des comptes. Vous dites que vous avez déposé à la cour des comptes le 2 novembre. Et le 11 novembre, vous avez déposé à l’assemblée nationale. Et vous avez souligné tout à l’heure que les remarques techniques de la cour des comptes suivraient au niveau de la commission économique et financière de l’assemblée nationale. Mais Marcelin Bilomba vous accuse d’avoir violé les articles 84 et 87 de la loi sur les finances publiques. En amont, bous devriez attendre les avis de la cour des comptes avant d’aller déposer le projet de loi.

SY/ La cour des comptes a fourni des avis. Mais la cour des comptes dit qu’au stade actuel elle n’est pas encore en mesure en mesure de se prononcer sur la certification qu’elle va verser au niveau de commission dans tous les cas. Le projet a été jugé recevable. Il est en cours d’examen.

TK/ Mais la procédure n’a pas été respecté.

SY/ La procédure a été respecté. La cour des comptes a été saisi.

TK / Mais elle n’a pas émis ses avis techniques. C’est ce que prévoit la loi.

SY/ J’ai dit que les avis sont émis par la cour des comptes. Mais la cour des comptes dit qu’au stade actuel, elle n’attend pas seulement verser les avis techniques mais par contre elles certifient. Mais en ce qui concerne la certification, j’interviens lors des travaux. La cour de comptes n’a pas dit qu’elle n’était pas d’avis avec cette loi. La procédure a été respecté.

TK / Alors, la seule raison pour laquelle elle n’a pas été débattu et traite en conseil des ministres est que vous ne tenez plus de conseil des ministres depuis quelques semaines ?

SY/ Mais pourquoi on ne va pas le faire ? Toutefois, j’ai saisi bien la primature et la présidence comme je vous l’ai dit tantôt.

TK/ Avec tout ce que vous avez déplorer comme faiblesse dans la mobilisation des recettes, est-ce qu’un pays comme le Congo peut se permettre un tel train de vie pour un ancien président, des anciens premiers ministres et des anciens chefs de corps ?

SY/ Je crois que dans la pratique nous sommes un pays démocratique. Et qu’un certain nombre d’avantages sont conféré à travers le monde entier aux anciens présidents, aux anciens premiers ministres.

TK/ Mais ce n’est pas à cette hauteur.

SY/ En ce qui concerne la hauteur, je vous ai dit que la politique salariale est présenté par le ministère du budget et voté par le parlement. Pourquoi est-ce que je vais aller donner un avis sur ce que les élus du peuple ont dit ? L’effort à faire, c’est poursuivre vers l’élargissement de l’assiette fiscale pour avoir assez des recettes.

TK/ Ça ne va pas poser problème ? Est-ce que vous êtes sûr alors qu’une catégorie des agents de l’Etat ne sont pas payée, notamment les nouvelles unités ?

SY/ Là, vous ouvrez un autre chapitre. Et je suis d’accord avec ça. Lors de ma dernière participation à l’émission Face à Face ici sur à Top Congo, j’avais dit que toutes les dépenses contraignantes seront rencontrées essentiellement même si elles se sont fait pour un certain nombre des rubriques avec un décalage. Mais les dépenses contraignantes sont bel et bien rencontrées. Je l’ai déjà dit. Vous pouvez le retrouver dans vos archives. Je ne me dédit pas de ce que j’avais dit au mois de janvier.

Willy Kalengay (WK)/ Est-ce qu’il y a un lien entre la gestion d’urgence et le dépassement ?

SY/ Naturellement, il y a un lien. Parce qu’au niveau de chaque service utilisateur des crédits budgétaires, il y a ce qu’on a appelle les sous-gestionnaires des crédits qui ont pour rôle de s’assurer qu’il existe des crédits disponible avant de procéder à l’engagement budgétaire. Voilà pourquoi le budget qui est coulé en loi des finances exige le respect de la procédure pour que les sous-gestionnaires fassent son travail et de voir les disponibilités des crédits budgétaires avant d’engager .

WK/ Donc si un ministre, le président ou le premier ministre veut faire un dépassement volontaire, la première de chose qu’il faut faire est de paralyser la chaîne de la dépense ?

SY / Je ne dirai pas ça. Il y a des urgences qui sont tout à fait justiciables. J’ai donné le cas de calamité.

WK/ Qui valide ? Puisque finalement c’est le ministre des finances qui prend la décision de sortir le fond du trésor public. Si la présidence de la république atteint ce chiffre de dépassement, c’est parce que vous avez signé chaque sorti. Donc, vous allez accepté cela ?

SY/ Je crois que nous devons bien situer les choses. Nous parlons de l’exercice 2019 et je n’ai pas géré une bonne partie des cet exercice. J’ai géré pratiquement à partir du mois de septembre. Donc, je n’ai géré que le dernier trimestre. Dans la mesure du possible, j’ai fait ce qu’il fallait pour limiter les dépenses exécutées en mode d’urgence. Mais comme je l’avais dit, pour l’exercice 2019, je devais me présenter au nom de la continuité de l’Etat.

WK/ Alors, à gauche, il y a de dépassement mais à droite, il y a pratiquement ceux qui n’ont rien reçu, c’est aussi une faute de ne pas payer ce qui devrait être donné. Alors, je prend un cas simplement, notamment la banque centrale au niveau de la rétrocession. Puisqu’on se rend compte que le montant remis aux régies financières est cinq fois plus que celui qui est remis aux provinces. Ce n’est quand même pas normal.

SY/ Encore une fois de plus, c’est un problème de loi. Les régis financières sont rémunérées selon les discussions que le pays a eu avec le Fond Monétaire Internationale juste après la reprise de la coopération structurelle en 2001. La philosophie était de dire que pour endiguer le phénomène de la fraude fiscale et la fraude douanière mais aussi de mettre les agents des règles financières dans une certaine condition de travail, il fallait donc leur rétrocéder 5% du montant mobilisé. Donc, plus il mobilise, on leur donne ces 5 %. Et ça n›a pas seulement été décidé au ministère des finances.

WK/ 140 Millions USD sur 10 millions qu’on donne aux régies financières et les provinces ne reçoivent même pas le un tiers. Qu’est-ce qui justifie cela ?

SY/ Je parle des régies financières. Parce que j’ai été Directeur Général de la Direction Générale des impôts avant de venir au ministère des finances. C›est l›une des plus importantes régies financières du pays. Et l’Etat doit beaucoup investir dans ces régies pour leur rendre plus efficace. Mais dans les rétrocessions, il y a des fonds qui permettent aux régies pas seulement pour rémunérer le personnel et investir aussi pour améliorer l’outil du travail.

WK/ En tant que ministre des finances, vous faites aussi la politique du gouvernement. Vous êtes certainement au courant que l’on pense que c’est vous qui bloquez l’action du président de la république. Et même, il y a des fatois qui sont lancés contre vous. On suppose même que vous êtes un « mercenaire » pour torpiller l’action du président de la république et finalement pour paralyser ce gouvernement afin que le président ait un bilan négatif. Vous avez certainement entendu ces choses là. Au début, vous pouvez en rire. Et ça persiste et ça devient une position politique. Que répondez-vous à tour cela ?

SY/ J’ai beaucoup choses à dire. D’ailleurs, je me pose aussi la question de savoir pourquoi je dois bloquer le président. Jai souvent entendu ça et j’en ai personnellement parlé avec le président. Commençons par dire que je n’ai pas reçu mandat ni de mon parti, ni de mon regroupement politique d’être nommé ministre pour bloquer le Chef de l’État. Et j’espère que les gens comprendrons une fois pour toute. Moi, j’exécute et je délivre le travail conformément aux prérogatives constitutionnelles imparti au ministère des finances. Le rôle du ministre des finances n’est pas seulement de s’occuper de paiement. D’ailleurs, il faut dire que ça évolue dans beaucoup des pays. Ici, dans notre pays, le ministre des finances est transformé en agent payeur. En clair, le paiement est un travail de la direction du trésor de l’ordonnancement ou de l’ordonnateur délégué à qui le ministre a conféré le pouvoir. Tout ministère joue d’abord un rôle stratégique et opérationnel. En ce qui concerne le ministre des finances, la politique d’endettement, la politique fiscale, la politique de coopération et développement, la politique des assurances et tout un tas des politiques. Pourquoi cet état des choses ? Je vais vous dire que nous sommes au gouvernement en 2019. Nous avons commencé à prendre en charge la gratuité de l’enseignement de base. Quelque chose qui n’a pas été budgétisé dans l’exercice 2019. Aucun gouvernement ne l’a fait avant. La gratuité veut dire que tout ce que les parents payés, l’Etat paye. Du coup, ça réduit sensiblement la capacité de l’Etat, de part le trésor public, à rencontrer la plupart des dépenses. Mais en même temps, le ministre des finances doit garantir ce qu›on appelle la stabilité du cadre macro-économique et ça personne ne le dit. Et la stabilité du taux de change et de prix intérieurs. Mais quand ça bouge un peu, on dit que le ministre des finances ne fait pas son travail. Au Congo, le problème de déficit budgétaire a souvent été monétisé c’est-à-dire financer par les avances de la banque centrale. Mais on appelle ça avance parce que la banque centrale crée de la monnaie ex nihilo pour rencontrer les besoins supplémentaires de l’Etat. Donc, on suppose qu’après l’Etat collecte l’impôt pour pouvoir rencontrer ces avances. Si la collecte est inférieure à ce qui a été émis, ça fait ce qu’on appelle une création monétaire nette et on retrouve sur le marché de change et qui alimente la hausse des prix, des biens et services. Le rôle du ministre est de jouer cet équilibre là avec les ressources disponibles. Il faut payer en commençant par les extrêmes urgences. Et les extrêmes urgences sont les dépenses contraignantes des rémunérations. Et il en reste quelque chose, vous commencez à rencontrer les autre dépenses. Je vais vous dire une chose. Vous savez que l’enveloppe salariale pour l’année passée oscillait autour de 300 milliards FC mensuellement. Et pour cette année, l’enveloppe salariale est autour de 400 milliards FC mensuel. Les effectifs de la fonction publique prise en charge par le trésor public l’année passée était 1,267 millions agents. Et cette année, c’est 1,412 millions agents. Donc, il y a 150 000 agents supplémentaires. Donc, il est arriver des moments où les ressources non permis de payer et les salaires ont consommé 90 %. Il reste des ressources environ 10 %. Et là, faut faire de gymnastique pour rencontrer les autres dépenses.

WK/ Et avec le 1 % pour les investissements, on ne pourra jamais se développer.

SY/ Mais justement. Pour ceux qui ont comme souvenir, j’avais dit que nous discutions sur le budget de l’exercice 2020. Et je n’ai pas dit que le Congo n’est pas en mesure d’atteindre un budget de 10 milliards. Mais il faut faire ses réformes pour atteindre ce niveau de budget. Et donc, le budget a été voté pour 11 milliards USD. Il s’exécute dans une optique virtuelle de 11 milliards USD. Or en recettes, on est autour de 5 milliards USD. Il y a un décalage. Et pourquoi bloquer le président de la république. D’ailleurs, je me suis posé cette question. Parce qu’on dit que je bloque le Chef de l’Etat. Mais finalement aussi, je bloque la regideso, la snel, les léopards et les balayeurs.

WK/ En réalité, vous pouvez dire qu’on n’a plus d’argent. Et on ne peut pas avoir des ambitions au-dessus de nos moyens. La Snel et la regideso ne reçoivent plus rien de l’Etat. Vous avez demandé qu’on fasse deux mois de consommation gratuite mais vous n’avez rien donné.

SY/ Ces sociétés sont d’abord des sociétés commerciales. Et on va payer.

WK/ Avec un actionnaire majoritaire qui est l’Etat. Et l’Etat n’a rien mis dans ces sociétés là. Donc, elles sont commerciales pour rien ?

SY/ L’Etat congolais prend énormément d’engagements internationaux que ça soit au niveau de la banque mondiale, la banque africaine de développement pour mettre à la disposition de ces sociétés pour améliorer les productions et leur réactivité.

WK/ Sur votre table, il y a les factures des institutions, notamment de la Snel, de la regideso. Donc, ça semble qu’il y a une grande farde. Parce que vous ne la lisez plus jamais. Mais l’Etat doit payer ce qu’il consomme.

SY/ Je l’ai dit. Et je vous ai donné les chiffres. Vous savez 420 milliards FC mensuellement. Et que vous payez les salaires de 410 milliards FC. Il vous reste 10 milliards FC pour gérer tout le reste. Mais on programme dans l’année pour rencontrer, dans la mesure du possible, certaines dépenses.

CL/ Il ne vous reste que 10 milliards FC. Et les salaires sont payés. Et vous arrivez à faire des excédents dans tout ce qui est rubrique institutionnelle. Willy Kalengay l’a bien dit. La reconstruction, c’est 10 %. Développement durable, 11, 7 %.

SY/ Vous revenez encore sur la reddition des comptes. Ces chiffres sont des 2019.

CL/ Vous avez dit le ministère de finances doit appliquer certaines choses. Parce que la loi est ainsi faite, tout ne serait donc qu’un problème de loi. A qui incombe alors la responsabilité de changer cette loi qui ne participe pas au développement du pays ? Comment aussi établir les priorités de paiement ? Et pourquoi les ministères ont beaucoup et d’autres moins.

SY/ Pour des raisons évidentes, je vais donner un exemple : quand vous avez de problème d’intégrité du territoire, on ne peut qu’intervenir pour ce genre de choses. C’est des situations qui ne sont jamais prévu dans le cadre du budget au préalable. Qu’est-ce qu’on peut faire pour changer ces lois ? Disons quelle le changer en recettes qu’en dépenses. C’est ainsi que le ministère des finances participe en ce qui concerne les prévisions budgétaires avec des mesures fiscales pour améliorer les recettes d’un côté. Mais également avec un certain nombre de mesures pour contrôler l’exécution de dépenses parce que si les dépenses sont bel et bien contrôler, on peut dégager quelque chose pour affecter ailleurs. Mais aussi surtout, des procédures pour éviter que beaucoup des secteurs viennent en évincer d’autres. En ce qui concerne par exemple, la surconsommation qui fait dépasser finalement le niveau des investissements dont on a besoin pour produire des externalités positives dans le système.

CL/ On a parlé des dépenses. Vous avez rappelé qu’ avant d’être ministre des finances vous avez été Directeur Général des impôts. Parlons recettes. Mini scandale aussi. 53 % des recettes en exonérations à la DGDA sans avantages évidents. C’est un responsable de la DGDA qui dit. Vous donnez, semble-t-il, pas forcément aux meilleures personnes. Pourquoi je dis pas forcément à certaines personnes ? Parce qu’il y a des sociétés qui ont forcément pignon sur rue, travaillent normalement, payent aussi la taxe et se trouvent en concurrence avec d’autres sociétés qui ne payent pas leur taxe et peuvent donc vendre moins chères. Quels sont les avantages de toutes ces exonérations ? A quand la fin de ces exonérations qui ne donnent pas plus à l’Etat ?

SY/ C’est une bonne question qui fait couler beaucoup d’encres et des salives. Vous savez que le ministre des finances n’est pas à l’origine des exonérations. Les exonérations procèdent de 19 textes-lois qui octroient des exonérations en République Démocratique du Congo. De ces 19 textes-lois, il n’y a qu’un seul qui est du pouvoir du ministre. Ce sont des exonérations accordées aux marchés sur financement extérieur. Ce qui veut dire que lorsque nous recevons un don des institutions et nous disent qu’elles ne peuvent pas donner un don et payer encore de taxes et droits sur ce qu’elles ont donné en don. C’est tout à fait logique. Lorsque quelqu’un vous donne et dit qu’il va construire pour vous une école gratuitement, vous n’allez pas lui demander de payer les impôts sur ce qu’il vous a donné. C’est tout ce qui relève de la compétence du ministère des finances. Et toutes les autres exonérations viennent du ministère de l’agriculture, des courbes des investissements ( Ce qui veut dire que lorsqu’un veut investir passe par l’ANAPI où il y a toute une commission là bas dirigé par le ministère du plan et auquel participent tous les ministères sectoriels. Quand l’ANAPI a validé les investissements, ces projetés vont l’objet d’un arrêté interministériel entre le ministre du plan et le ministère de finances). Donc, il y a beaucoup d’exonérations qui sont revérifier, si je peux le dire, au niveau du ministère des finances. Et où on dit ça, on ne peut pas accorder. Donc, je voudrais dire que ce n’est pas le ministre des finances qui est à l’origine. L’origine, c’est les 19 textes-lois. S’il faut corriger les volumes de ces exonérations, le gouvernement doit avoir l’opportunité d’évaluer les 19 textes-lois pour se priver des ressources. Alors, dire que le ministre des finances accorde des exonérations a des gens qu’il choisit, c’est une aberration. Parce que ces personnes ne sont en contact avec moi. Ces personnes sont en contact avec l’ANAPI. Je n’ai pas vu personnellement quelqu’un au profit duquel j’ai signé des exonérations. Vous savez, nous sommes dans ce qu’on appelle Etat de droit. C’est-à-dire nous devons respecté nos propres textes. Si vous avez dit que vous êtes investisseur et que vous voulez investir, l’Etat peut vous dire qu’il vous donne certaines facilités. L’investisseur amène les documents nécessaires et que l’Etat lui donne ces quelques facilités. Mais maintenant, le rôle de l’administration douanière dans ce contexte précis est de faire le contrôle de destination parce que je suis d’accord qu’il y a beaucoup de personnes qui ont reçu des exonérations et au lieu de les utiliser à bon escient, elles ont vendu. Depuis que je suis ministre, on en a attrapé un. Quelqu’un qui a bénéficié des exonérations au titre des investissements parce qu’il voulait construire, un soit disant un hôtel à l’Est de la république. Il a fait enter le ciment au niveau de lufu et les services de douane ont demandé mais pourquoi vous voulez construire là bas ? Puisque le ciment pouvait venir à l›Est, donc de la Tanzanie où de l›Ouganda. Et on l›a attrapé et non seulement il a payé des pénalités sur mon instruction et on lui a retiré les titre d’exonérations. Donc, le rôle de l’administration est de se lancer au contrôle de destination des exonérations même si elles sont légales il faut le contrôler.

CL/ Perte sèche. 5 milliards par an selon l’inspection générale de finances.

SY/ Avant l’inspection générale des finances, il y a quelqu’un qui avait dit que le pays perdait 15 milliards au titre des exonérations. On a attendu que ça soit ramener et ça n’a pas été ramené. En tant que ministre des finances, je serai heureux que les institutions qui disposent des preuves pour ramener se ressources puissent le faire. Et, ça serait une aubaine pour que j’ai un peu des moyens pour payer ceux qui attendent le paiement. Et s’ils ne sont payés, c’est mon nom qui se trouve dans les réseaux sociaux. J’aurai besoin de ces 5 milliards.

PL/ Votre nom va se trouver dans les réseaux sociaux. Et il se trouve également dans ce cadre du blocage supposé du dossier des passeports. Où est-ce qu’on en ai ?

SY/ Moi, je crois que l‘administration doit respecter les règles. Et l’une des règles de l’administration, c’est la sérénité. J’ai appris que je bloquerai des passeports. Il y a deux semaines, madame la ministre d’État, ministres des affaires étrangères, m’a fait parvenir des documents pour signer un contrat avec une firme qui doit produire des passeports. Je reçoit les documents, et un jour après j’apprend que je bloque. Mais vous savez que quand on reçoit un document administratif d’un marché public, il faut faire les diligences nécessaires. On vient d’en parler en ce qui concerne les exonérations. Il faut que les services juridiques analysent tous les documents pour s’assurer que le marché a été attribué conformément aux lois. Et j’ai signé ce document 4 jours après l’avoir reçu. Et puis s’il fait relancer un dossier auprès d’un ministre, ce n’est pas dans les réseaux sociaux. On lui écrit un courrier pour dire que j’avais envoyé un dossier qui traîne encore sur votre table.

PL/ Mobilisation des recettes. Vous avez commencé d’en parlé. La faiblesse du gouvernement, c’est justement sur le plan de cette mobilisation des recettes. Mais pourquoi on n’arrive pas à mobiliser à la hauteur des besoins du gouvernement ?

SY/ Les recettes proviennent des impôts ( L’impôt sur les rémunérations, la taxe sur les valeurs ajoutées, l’impôt sur le mobilier et l’impôt sur le bénéfice et le profit), de droit de douane et les différentes taxes qui sont géré par la DGRAD et les ministères sectoriels. Ça veut dire que les ressources de l’Etat proviennent d’une ponction sur la richesse nationale qu’on appelle le PIB. Si vous êtes en croissance au cours d’une année, les recettes croissent . Ça, ce n’est pas moi. Voyez les chiffes à l’international, la croissance va connaître un coût autour de -4, 4%. Ce n’est pas moi qui fait ces chiffres là. En RDC, on estime que ça va être de -2,2 %. Ça veut qu’il y a moins d’emplois. Et qui va payer l’impôt sur le revenu ? Puisqu’on licencie les gens dans les mines pendant un temps donné à cause de la pandémie. Ce n’est pas moi. Par ailleurs, pour accompagner les entreprises, le gouvernement avait pris au mois de mars un certain nombre des mesures. Des mesures de mitigation des effets pervers de la pandémie. Pour empêcher que la consommation baisse et que les entreprises se trouvent en difficultés, le gouvernement s’est délesté d’un certain nombre des recettes. Il y avait de mesures de la suspension de la perception de la TVA. Donc, l’Etat s’était privé des ressources même si personnellement je n’étais pas d’accord avec ça. Mais faisant partie d’un gouvernement et il y a la solidarité gouvernementale, j’ai accepté cela. Mais d’un côté, l’Etat perdait des recettes et prenait des engagements. L’État dit : ne payez pas la TVA mais il supporte la gratuité de l’eau. Vous soyez cet exercice. Vous diminuez vos recettes et vois augmentez vos propres dépenses.

PL/ Vous n’étiez pas entendu par les autres membres du gouvernement ?

SY/ Au sein du gouvernement, les délibérations ne doivent pas être porter sur la place publique. C’est une nouvelle culture aujourd’hui. Lorsque j’assumai par le passé des fonctions autres que celles du ministre, je ne voyez pas sur la place publique ce que le gouvernement a dit en conseil des ministres. Donc lors de délibération des conseils des ministres, si l’ensemble des collègues, ministres, estiment qu’il faut aller dans tel sens même si c’est contraire à vos arguments.

PL/ En parlant toujours de cette question de mobilisation des recettes et les écarts qu’on retrouve, vous avez déposé un collectif budgétaire de 5,5 milliards USD au parlement. Et pourtant il est possible que vous mobilisez jusqu’à 5 milliards. Est-ce que ce collectif budgétaire est réaliste quand on sait qu’en fin octobre on était 3 milliards seulement ?

SY/ Dans un budget, il y a les ressources intérieures et les ressources extérieures. Nous avons reçu quelques appuis budgétaires et on en attend encore. Donc, il fut intégrer ces appuis budgétaires pour faire les chiffres de 5,5 milliards.

PL/ En vous suivant et en regardant ce qui se passe, est-ce que ce gouvernement de coalition vaut vraiment la peine ? Puisqu’il y a beaucoup de contradictions qui paralysent l’Etat.

SY / Je vais être franc avec vous. Et je l’ai déjà dit que la coalition vaut la peine. Puisqu’il y a d’un côté un président élu par suffrage universel mais qui n’a pas eu la majorité. Et d’autre côté, le FCC a obtenu la majorité au parlement. Alors faire la cohabitation allait être difficile que c’est que nous vivons aujourd’hui. A mon avis, le vœu est que nous ne puissions pas nous comporter comme des gens qui sont en conquête du pouvoir. Quand on est en conquête du pouvoir, tout est permis et on se lance des quolibets. Mais moi, je pense qu’il faut que nous puissions nous mettre au travail parce que la population n’a pas besoin de nos quolibets. Ce dont on a besoin, c’est de réflexions stratégiques pour améliorer le sort de la population et les recettes.

TK/ Je voudrais revenir sur le dossier d’exonération. La suppression de certaines exonérations a été débattu en conseil des ministres. En vous entendre parler, je suis un peu perdu alors. À quel niveau, ça bloque ce qui constitue un manque à gagner ? L’IGF a recensé plus de 1300 exonérations en RDC.

SY/ Le Conseil des ministres a dit qu’il faut suspendre les exonérations illégales. Donc, on n’a pas dit qu’il faut suspendre les exonérations. Dans tous les cas, je peux vous dire que suspendre toutes les exonérations va me faire du bien parce que j’ai besoin de ressources pour avoir les moyens de bien travailler. En tant que ministre des finances, je n’ai jamais vu les rapports de la mission de contrôle effectuée l’inspection générale des finances. On en a parlé dans le conseil des ministres. D’abord, la personne qui doit recevoir le rapport sur les exonérations par procédure contradictoire, c’est le service du ministère des finances. C’est tout ce que je demande aujourd’hui.

TK / Donc, ça ne sert à rien de rêver aujourd’hui ?

SY/ Non. On n’est pas en train de rêver. L’État fonctionne selon des règles. Donner le rapport, on voit la liste de exonérations dites illégales conformément au conseil des ministres et puis après on le suspends. Par contre, je continue d’insister auprès de la DGDA qu’il faut intensifier le contrôle de destination. C’est très important parce que la plupart de ces exonérations sont trafiquées et vendues. Même si elles sont obtenues de manière légales, il faut qu’il y ait une mission de contrôle pour rétablir au cas où fraude il y a. L’État est dans ce droit retirer les titres d’exonérations qui ont été consentis.

TK / Vous avez dit que vous ne bloquez pas le président de la république. Mais certains cadres de son parti ont évoqué certains faits notamment le dossier de la cour constitutionnelle où il y a impatiemment, les agents et fonctionnaires qui ne sont pas payer aussi. On parle même des militaires et de policiers. Quel été le problème aujourd’hui ?

SY/ Je vais commencer par répondre à la question pourquoi bloquer le président de la république ? Vous voulez savoir qui sont payés et qui ne les sont pas ? Il faut aller vérifier à la banque centrale qui paye. Mais je vais vous expliquer que les salaires sont liquidés trimestriellement. Et le ministre des finances y procède à ce qu’on appelle ordonnancement de ces salaires. Aller voir au niveau de la banque centrale. Généralement, lorsque je reçoit les titres de paiement, je les libère immédiatement le même jour. Aujourd’hui, il reste une catégorie qui n’est pas encore payés. D’ailleurs, je vais vous dire que les militaires sont payés en priorité. Moi quand je suis devenu ministre des finances, c’était d’abord les enseignants. Et j’ai inversé. Et aujourd’hui, on commence par payer les militaires, les policiers, les enseignants, les médecins et les autres corps viennent progressivement. Et je vous l’ai dit que j’ai tenu ce discours le 28 janvier 2020 toujours un peu dans le même cadre. Les dépenses contraignantes sont toujours rencontrées même si pour certaines rubriques elles se vont en décalage en fonction de la trésorerie à la banque centrale. Et il n’y a pas de blocage. Pour répondre à ce problème de blocage, il faut me dire sur quel dossier je bloque le président.

TK/ Sur le dossier de la cour constitutionnelle ?

SY/ Mais aller à la banque centrale. Aujourd’hui, il y a beaucoup des titres qui sont logés à la banque centrale. S’il y avait ce qu’on appelle le fameux document du trésor et de l’ordonnancement. Vous alliez découvrir qu’il y a dans ce document une partie réserver au ministre. Et cette partie est appelé les décisions du ministre. Pourquoi je ne vais pas payer la cour constitutionnelle ? Tout le monde est payé. Peut-être que vous parlez là des différentes mise à disposition des fonds. Il ne faut pas confondre. Les rémunérations sont payées. Les mises à disposition de fonds, c’est quoi ? Ce sont les frais de fonctionnement et les frais opérationnels. Mais généralement pour faciliter les choses, les ministères disent mises à disponibilité des fonds. On ne consomme pas des crédits de l’Etat par une mise à disposition des fonds. On engage sur base des documents précis. Mais quand vous faites une mise à disposition des fonds, ça n’ a pas de sens. Mais les rémunérations de tout le monde sont bel et bien payées.

TK/ Comment expliquez-vous les propos du secrétaire général de l’UDPS qui ont été durs à votre endroit ?

SY/ Ignorance et mauvaise foi, c’est tout.

TK/ Monsieur le ministre, je vous considère comme une mère qui assure la table pour ses enfants avec autant des priorités. Comment expliquez-vous le fait les autres secteurs d’activités comme la pêche l’élevage n’ont même pas encore connu l’exécution de leur ligne budgétaire alors que d’autres ont largement dépassé ?

SY/ Là, vous revenez encore à la question de reddition des comptes de 2019. J›étais en train de dire ici que l’État ne se gère pas sur la place publique. Je suis économiste des formations. Et c’est moi qui est impulsé le programme d’urgence pour atténuer les effets de la covid-19 mais également un programme de relance. Et dans ce programme de relance que j’ai impulsé, j’ai parlé d’abord avec le président de la république. Et j’en ai parlé veux le premier ministre et le programme a été conçu au niveau du ministère du plan. Que dit ce programme en ce qui concerne la relance? Il faut mettre à la disposition des trois secteurs stratégiques que sont l’agriculture, le développement rural mais aussi la pêche et élevage. C›est moi qui est impulsé cela. Et c›est moi qui ai négocié en plus avec la banque africaine de développement pour disposer des ressources nécessaires pour financer ce programme là.

TK/ Mais ces secteurs n’ont rien reçu ?

SY/ Non. Qui vous a dit cela ? L’agriculture a déjà reçu une bonne partie. Le secteur de pêche et élevage a reçu aussi un début d’exécution. Il ne faut pas suivre le débat qu’il y a dans les réseaux sociaux.

TK/ Je parle du débat à l’assemblée nationale.

SY/ Vous parlez de 2019. Et moi, je parle de 2020. Et je vous ai dit que c’est un exercice de continuité. Je devais rendre de ce qui a été exécuté avant moi. Mais là, je vous dis ce qui est en train d’être fait. Sous mon impulsion, la banque africaine de développement a donné un appui budgétaire en don. Une partie va financer ce qu’on appelle la zone économique spéciale à maluku. C’est moi qui ai négocié ça. Je suis un ancien des institutions. Et je sais que s’il y a des difficultés pour avoir des ressources pour un tel objet, je peux négocier ça à l’extérieur. Et c’est ce qui a été fait. Le premier ministre a remis les titres de propriété aux développeurs et les ressources de la banque africaine de développement sont déjà arrivées. On va les mettre à disposition du ministre en charge de l’industrie pour lancer ce secteur là qui est un secteur stratégique.

WK/ Monsieur le ministre, vous avec la réputation d’être un intellectuel et un génie dans ce domaine de l’économie. Ministre de finances, vous avez aussi la responsabilité d’élargir l’assiette et de diversifier les moyens de l’Etat. Depuis que vous êtes ministre, qu’avez-vous inventer de nouveau pour que l’assiette fiscale puisse s’élargir parce que l’État récolte de l’impôt certes mais sur une petite assiette. Et il faut élargir l’assiette fiscale car c’est un des rôles du ministres des finances. Et qu’avez-vous fait depuis ?

SY/ J’ai fait beaucoup des chose. Je vais vous expliquer. D’abord du point de vue opérationnel, il faut faire le recensement pour capter dans la base des données de l›administration fiscale toutes les activités et les sociétés économiques qui n›ont pas été capté.

WK/ De l’informel au formel ?

SY/ Oui. D’ailleurs, il y a des sociétés qui sont dans le formel mais ne sont pas capter. Ça, c’est un exercice sur lequel j’ai énormément travaillé en dépit des difficultés de la pandémie. Aujourd’hui, lorsque vous allez à la DGI, vous verriez que depuis qu’on a suspendu les mesures de perception de la TVA sur les denrées des premières nécessités, les recettes sont en train d’augmenter sensiblement. En ce qui concerne la TVA, la DGI récoltait autour de 70 milliards de FC et aujourd’hui la TVA atteint 120 milliards FC mensuellement. Du point de vue stratégique, le système fiscal congolais est désuet. Et il faut le refondre. Et j’en ai parlé au Chef de l’Etat qui m’a donné le go. Mais moi, je ne suis pas dans le populisme. Et je me suis dit qu’il faut mettre en place une équipe d’experts composé des anciens responsables des régies financières, des députés et des sénateurs pour repenser le système. Et ce n’est que lorsqu’il est repenser, il pourrait y avoir des réformes. Parce qu’il y a des lois qui privent l’Etat des beaucoup des choses. Je vais donner un exemple : vous êtes une société immobilière et vous avez des appartements. Mais vous ne payez pas l’impôt sur le revenu locatif. Mais vous payez l’IBP. Mais la stratégie de la société, c’est quoi ? Elle ne paye ni l’IRL et l’IBP. Pourquoi ? Parce qu’elle attend dire à la fin de l’année qu’elle a fait des pertes. Comment vous avez des appartements et vous faites des pertes ? Alors qu’il y a des pays en Afrique où on peut être assujetti à l’IRL tout en payant l’IBP. Donc, il y a des lois qui nous privent nous congolais des ressources. Il faut alors repenser ces lois. Par ailleurs, il y a aussi des réformes structurelles. Est-ce que les régies financières doivent rester telles qu’elles sont ? Est-ce qu’il ne faut pas les fusionner ? Il faut questionner toutes ces histoires là. Nous devons penser aux réformes au niveau des ressources humaines. Aujourd’hui, on peut dire que les procédures de recrutement dans les régies financières sont assez politisée. J’ai toujours dit qu’il faut que les régies sortent des girons politiques où pour nommer ils font des accointances politiques pour prendre n’importe qui. Ces sont des administrations fiscales. Donc, il y a toutes ces questions stratégiques qui vont permettre à terme d’améliorer l’assiette fiscale.

Propos recueillis dans le cadre de l’émission
Top Presse
Texte, Djodjo Mulamba

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