Culture

Dans le cadre du centenaire de oeuvre de Simon Kimbangu (1921-2021) : Regards croisés sur le théâtre katshimbikien, le cas de KIMBANGU, l’Africain

“ Regards croisés sur le théâtre katshimbikien” est un ouvrage de 148 pages, publié en 2016, aux éditions du Centre de Promotion de l’Art, CEPROLA, de Kinshasa et reprenant les études de ceux qui se sont penchés sur l’une ou l’autre pièce du dramaturge Katsh Katende. Dans le cadre du centenaire de l’oeuvre de Simon Kimbangu (1921-2021), et après avoir publié dans nos colonnes, du numéro 1156 de 12-13 avril 2021, la chronologie de grandes dates de notre Héros, nous revenons à la charge en vous proposabt le regard de l’artiste Joseph NDUNDU Kivwila, metteur en scène émérite et enseignant de mise en scène pendant plusieurs années à l’INA. Katsh Katende a longtemps hésité à exploiter l’un ou l’autre aspect de la vie de Kimbangu en passant par les circonstances qui ont amené à la conservation de deux ou trois photos de Kimbangu en prison. Avant de se pencher sur la fatidique journée du 12 octobre 1951 : le jour du départ de la Terre. Une fois de plus, un mélange subtil du réel et de l’imaginaire. Ndundu l’a scrutée également de l’intérieur…

« Katsh m’a fait l’amitié de me confier la rédaction d’une préface à l’une de ses pièces composée en 1981 et consacrée à la révision du procès de Simon Kimbangu. J’ai fait sa connaissance au début des années 1980, et nous avons pu constituer ensemble, plus tard en l’an 2000, une structure de production théâtrale, dénommée Tandem Ndundu Katende, en abrégé TANDUKA, nous avons réalisé deux spectacles assez réussis : Ton Combat, Femme Noire et Demain ? Un autre jour ! Ou De quoi souffre-t-elle ?

C’est donc avec plaisir et de tout cœur que j’ai accepté de lui rendre ce service et saisi l’occasion qui m’est ainsi offerte pour rendre justice à cet infatigable ouvrier de la scène théâtrale doublé d’un défenseur acharné des droits humains. Ils sont peu nombreux les auteurs dramatiques qui pratiquent autant l’écriture que la scène comme lui. A mon sens, ce sont eux qui méritent le nom de dramaturge au sens plein du terme parce qu’ils ne se limitent pas à imaginer un drame dans leur esprit, mais ils vont jusqu’à proposer les modalités de sa projection sur une scène.

L’histoire de KIMBANGU, l’Africain se déroule dans un couvent de religieuses catholiques, explicitement situé dans la ville de Lubumbashi (alors Elisabethville), là où Kimbangu décède en octobre 1951, après trente ans de détention. Le décor scénique, extrêmement dépouillé, se compose d’un « lit simple en bois, une armoire, une petite table et quatre chaises ». Comme accessoires, il y a posées sur l’armoire une valise et une petite lampe à pétrole et sur la table une boite d’allumettes. Sont accrochés au mur un crucifix et une carte géographique du Congo belge.

L’action se confine dans cette petite cellule de couvent et en quelques heures d’une nuit. Elle commence à 22 heures, alors que la sœur Esther dort déjà profondément et elle se termine avant que le jour se lève.

La dramaturgie de Katsh M’Bika Katende est toute classique. Dans cette pièce comme dans toutes les autres de son répertoire, il observe un strict respect de la règle des trois unités. Bien plus, le nombre de personnages est réduit au minimum. Ici, ils sont quatre.

Katsh M’Bika a cette particularité qu’il brûle à la fois de ses doigts pour écrire et de ses pieds pour défendre, comme un avocat au tribunal de l’histoire, la cause des victimes de l’injustice, la cause de l’homme tout court. Parmi ces victimes, la femme et l’enfant. Il revient sans relâche sur la défense de ces victimes dans bon nombre de ses pièces : L’arbre tombe…, Ton Combat Femme Noire, Demain ? Un autre jour !  Ou De quoi souffre-t-elle ?, Demain, il sera trop tard, A la croisée des chemins, C’est Lubuya qu’on assassine, etc. Même s’il n’apparaît pas en tant que tel, l’enfant joue un rôle central dans le théâtre katshmbikien et dans KIMBANGU, l’Africain, particulièrement, il est omniprésent.

Hilarion Verstappe, le personnage principal de la pièce, révèle qu’il n’était encore qu’un bébé de trois mois quand il a été guéri par le prophète Simon Kimbangu, le 11 septembre 1921, à Gombe-Lutete. De même, sœur Esther est née des parents kimbanguistes, relégués au Katanga en 1925 ; et encore petite, elle a été détournée du kimbanguisme par une religieuse belge qui s’est chargée de son éducation.

Selon la révélation de l’auteur lui-même, c’est déjà à partir de 1960, alors qu’il n’a encore que dix ans, que toute son enfance baigne dans les couleurs et les ferveurs kimbanguistes. De là vient son intérêt pour le fondateur du kimbanguisme.

Enfin, cette pièce de théâtre est dédiée à la mémoire des enfants du prophète qui étaient « gardés à vue à la section des prisonniers extrêmement dangereux de la prison de Thysville tout au long de la détention de leur père. »

Donc, outre la réhabilitation du prophète de Nkamba, la pièce milite bien en faveur des droits de l’enfant, particulièrement des enfants congolais.

«Plaidoyer pour la révision du procès de Simon Kimbangu, l’Africain.» Voilà ce que pourrait être le titre complet de la pièce. Katsh y recourt à l’expertise et aux astuces de l’avocat belge, collaborateur de Jeff Van Bilsen, celui-là même qui a imaginé un plan de trente ans pour l’émancipation du Congo belge. L’argumentation est percutante!

«Dans un langage on ne peut plus simple, mais teinté de culture bantoue, le prophète Noir parmi les Noirs, Africain pour les Africains, a rendu témoignage de Jésus-Christ et de Son Père d’une façon puissante. A tel point que le mythe de l’homme blanc, qui s’est lui-même autoproclamé l’intermédiaire incontournable entre le Créateur et l’homme noir, et par lequel devraient nécessairement passer les injonctions divines, ce mythe-là s’est volatilisé, anéanti, réduit à sa plus simple expression.» p.18

Qu’est-ce que KIMBANGU, l’Africain sinon un stratagème audacieux monté pour que la mort du prophète de Nkamba ne passe pas inaperçue et que son enterrement soit entouré de tous les honneurs dus à son rang.

Ce stratagème, le dramaturge lui a donné la forme d’une pièce de théâtre, mais elle n’en est pas moins une plaidoirie ayant pour principal objectif de faire éclater une vérité inconnue ou falsifiée. L’opération à laquelle Katsh recourt ici comme dans tout son théâtre est la révélation des choses ignorées et insoupçonnées, celles qui frappent l’imagination et ouvrent l’intelligence. »

Joseph Ndundu Kivwila

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