INTERVIEWS

Dans une interview exclusive : Tito Ndombi martèle sur la viabilisation des médias et l’amélioration de leur contenu Et si on reparlait de la presse à l’aube de la journée internationale de la liberté de la presse.

Et si on parlait des médias en général avec le numérique qui impose des nouvelles pratiques dans le journalisme, ainsi que de la montée en flèche des journalistes qui sapent constamment les règles déontologiques mais aussi l’éthique de journaliste, Geopolis Hebdo a approché Tito Ndombi, Président du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel et de la Communication (CSAC) pour avoir de sa lecture. Le responsable de cette institution d’appui à la démocratie de la République démocratique du Congo (RDC) s’est donné à nous, dans un jeu des questions-réponses, en ne laissant rien de côté. Aujourd’hui, la RDC représente des centaines des télévisions, avec la migration à la télévision numérique terrestre « mal maîtrisée et mal préparée », avec de centaines des titres paraissant, des centaines des radios, tout ça dans un espace géographique national aux dimensions continentales.

Ce qui pose avec acquitté comme défi majeur, dans ce paysage média. Dans les lignes qui suivent, suivez le regard du Président du CSAC face à la complexité de l’évolution des médias dans le pays.Geopolis Hebdo (GH)/ Président Tito, vous avez récemment déclaré que certains journalistes montent sur des plateaux dans un état d’ébriété. Que vouliez-vous dire exactement?

Tito Ndombi (TN)/ Je voulais tout simplement dire que beaucoup de journaliste abusent de la liberté d’expression. Ils sont un peu ivres de cette liberté qu’ils exercent sans compétence, sans responsabilité et sans principes professionnels. Ils servent leurs propres intérêts, ceux de leurs amis ou de leur carrière au lieu de servir l’intérêt général.

L’ivresse de cette liberté leur donne le sentiment qu’ils peuvent s’exonérer de toutes les règles de la profession et des lois de la République. Ce qui constitue un danger pour la liberté de la presse et la société en générale dans la mesure où leur discours est susceptible de porter atteinte aux droits d’autrui, à la cohésion nationale et à la paix.

GH/ Beaucoup des personnes se plaignent des médias et leurs contenus comme s’il n’y avait pas de puissance de régulation. Qu’en est-il aujourd’hui de la régulation?

TN/ Réguler efficacement un secteur d’activité où beaucoup de professionnels exercent dans l’ignorance totale des canons ainsi que des principes éthiques et règles déontologiques, le tout dans une précarité généralisée et une prolifération presque anarchique des entreprises de presse est une tâche vraiment ardue. Ensuite, la liberté étant le principe et l’interdiction, l’exception en matière de communication audiovisuelle, aucune intervention des pouvoirs publics, d’une autorité chargée de la régulation, même en vertu de la loi, ne devrait enfreindre cette liberté mais plutôt encadrer son exercice par des mécanismes les plus souples possible.La régulation suppose une certaine flexibilité.

En cela, elle se différencie de la réglementation plus rigide et plus coercitive. Pour être en phase avec cette logique, le régulateur doit savoir faire preuve de pédagogie dans un contexte où la régulation est encore méconnue et incomprise et où le processus de maturation des médias est inachevé. C’est pourquoi le CSAC privilégie les actions pédagogiques qui permettent de sensibiliser les professionnels des médias sur leurs obligations légales, éthiques et déontologiques.

Le législateur congolais considère la liberté de la presse comme une partie essentielle des droits fondamentaux et inaliénables de chaque citoyen.

C’est dans ce cadre que le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel et de la Communication, institution indépendante d’appui à la démocratie est chargée de garantir, en toute circonstance, la protection et la promotion de la liberté de la presse d’autant plus que selon les organisations professionnelles, l’instance de régulation n’est pas neutre. Elles voient dans les sanctions prises par le régulateur une intention inavouée de musellement des journalistes les plus libres d’esprit dont l’impertinence et la turbulence dérangent des tenants de l’ordre politico-administratif au pouvoir.Je le répète la tâche du régulateur est vraiment complexe.

Les défis sont énormes. Car, il faut réguler un paysage médiatique qui regorge plus de 600 titres de presse enregistrés, des centaines de stations de radios et des centaines des chaînes de télévisions. Ajouter à cela, les nombreux médias en ligne dont le nombre ne cesse de croitre. La migration vers la Télévision Numérique Terrestre, non suffisamment préparée et mal maîtrisée, n’a pas arrangé la situation. Mais ce n’est pas tout. Car dans ces médias, les journalistes ne sont pas les seuls intervenants. Ils s’y déploient à côté des représentants de plus de 600 partis politiques homologués, et d’un nombre incalculable d’associations de la société civile, sans compter de nombreux acteurs sociaux indépendants et les citoyens qui participent au débat public. La Loi organique charge expressément le Conseil de : garantir la liberté de la presse, de l’information et de tout autre moyen de communication des masses ; assurer la protection de la presse ; veiller au respect de la déontologie en matière d’information ; veiller à l’accès équitable des partis politiques, des associations et de toute autre personne aux moyens officiels d’information et de communication.

Cette noble et exaltante mission exige des ressources tant humaines, matérielles que financières conséquentes, derrière lesquelles, le CSAC court depuis qu’il existe. L’argent demeure la ressource essentielle, car permettant l’obtention ou l’acquisition des autres ressources. Or, c’est celle qui a manqué le plus au CSAC pendant toutes ces années d’existence, alors qu’en cette matière, le législateur a eu l’ingénieuse idée, aux termes de l’article 53 de la Loi organique, de pourvoir le CSAC d’une dotation émargeant au Budget de l’Etat et de faire obligation au Gouvernement d’appliquer la procédure d’usage dans son versement. Comme vous aurez compris, le CSAC n’a jamais jusque-là accédé à ladite dotation.Au bout du compte, si l’autorité de régulation n’a ni les moyens budgétaires, ni les équipement nécessaires et ni les ressources humaines pour réguler un paysage médiatique qui compte des centaines de stations de radios, des centaines de chaînes de télévisions, des centaines des journaux, ajouter à cela les médias en ligne qui prolifèrent, le tout sur un territoire aux dimensions continentales, elle ne peut faire que ce qu’elle peut. Le dysfonctionnement structurel du système médiatique congolais ne saurait avoir de réponse idoine de la part d’une Institution si elle ne dispose pas des moyens de sa politique.

Il faut souvent l’absolu dévouement et la détermination de toute l’équipe du CSAC pour vaincre les difficultés, parfois les contourner et arriver un tant soit peu à une expression publique ordonnée et équilibrée.Qu’importe, afin de parvenir à une approche cohérente de la synergie entre régulation et autorégulation des médias, le Conseil supérieur de la communication préconise l’accompagnement des médias par la pratique d’une autorégulation interne aux médias.

En effet, plus l’autorégulation interne aux médias sera bien assurée, moins il y aura de régulation institutionnelle.

GH/ Des promoteurs des chaînes privées se sentent en insécurité, car chaque ministre qui vient, remet en cause la procédure de son prédécesseur et crie vite à l’assainissement et pourtant toutes ces chaînes ont obtenu des autorisations de l’État?

TN/ Cette situation s’explique par ce que j’appelle « un raté historique », soit l’omission de mettre sur pied un texte juridique pour organiser une migration ordonnée vers la Télévision numérique Terrestre (TNT), du paysage médiatique à l’aube des années 1990, aussi bien une déontologie pensée qui encadre la profession qu’une base philosophique cohérente qui en sustente le fonctionnement. Nous avons assisté à une migration vers la Télévision Numérique Terrestre, non suffisamment préparée et mal maîtrisée.

Les conséquences sont là : une prolifération anarchique des chaînes de télévision, toutes non viables, la plupart sans adresse « des chaînes Laptop », sans contenu, spécialistes en piratage de programmes. On parle, rien que pour la ville de Kinshasa de 260 chaînes dont deux seulement sont en ordre. Il faut assainir. Laisser la place à ceux qui peuvent évoluer et devenir de véritables entreprises de presse, des médias viables, en termes de ressources et de qualité.

GH/ Aux états généraux, le CSAC s’est-il doté d’une feuille de route particulière?

Si oui c’est laquelle ?

TN/ En plus de la feuille de route en discussion au Comité de suivi des Etats généraux, le CSAC s’est doté de sa propre feuille de route. Je cite ici de mémoire juste quelques éléments de cette feuille de route.

Le Conseil envisage d’engager le plus rapidement possible des activités pour lutter contre le discours d’incitation à la haine qui se développe dans les médias. Un travail est en cours pour déterminer les mécanismes d’octroi de l’aide à la presse pour l’aider à se viabiliser et à la production des contenus de qualité. Le CSAC prépare des propositions pour faire de la RTNC, un véritable média de service public.

Le CSAC se prépare à prendre part à l’opération d’assainissement du paysage médiatique. L’émergence de la production journalistique sur internet a profondément modifié l’univers des médias et amené à s’interroger sur le rôle des autorités classiques de régulation de l’audiovisuel face à l’émergence du numérique. Nous prévoyons approcher les moteurs de recherche et les réseaux sociaux pour amorcer une discussion dans l’optique de réguler la production en ligne. Entre-temps, l’autorité de régulation poursuit son plaidoyer pour obtenir l’accompagnement nécessaires de la part du gouvernement en termes de ressources pour opérationnaliser sa feuille de route et son plan d’activités prioritaires.

GH/ Êtes-vous optimiste sur le changement qualitatif de la Presse en ce qui concerne le contenu des médias et la responsabilité des journalistes ?

TN/ Je suis optimiste de nature. Je souligne, à chaque occasion, l’importance de renforcer les capacités des médias traditionnels, les médias de service public et privés, qui sont soumis, au vu de la forte présence des plateformes numériques dans le secteur de la production et de la diffusion des contenus audiovisuels, à une concurrence redoutable. Tous les acteurs du secteur doivent œuvrer pour la viabilisation des médias, l’amélioration de leur contenu, les aider dans leur quête des ressources et de qualité, dans l’encadrement et la professionnalisation des journalistes : aider les professionnels à exercer dans les meilleures conditions. Condition à mon avis pour une meilleure régulation et un exercice professionnel et responsable de la liberté de la presse.

Propos recueillis par WAK

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