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ELECTIONS, DIALOGUE, STABILITÉ GÉNÉRALE : ATTENTION AU SYNDROME DES RÉCUSATIONS EN CASCADE

Chaque jour qui passe, le train du dialogue avance et livre de façon progressive ce qui est au fond des idées de nos hommes politiques. C’est avec des arrière-pensées qui ne peuvent rester longtemps en arrière et selon que, dans leur traversée des réserves naturelles, elles se sont invitées au cœur du débat. A peine les commissions mises en place, les rumeurs des couloirs semblent prendre le dessus sur les communications officielles. Les interviews des uns et des autres ne parviennent pas à convaincre l’opinion au double regard de la route sur laquelle nous nous sommes engagés  et de la manière dont y évoluent les choses. Il s’agit, pour être clair, de la route à la fois du consensus et de la recherche des voies apaisées.

 

Le pourquoi de ce qui précède est à chercher dans le doute sur l’issue du Dialogue lui-même que semblent poser le rythme des récusations très  avancé ainsi que celui des départs des uns et des autres de leurs positions antérieures. L’ombre des absents pèserait-elle tant sur les présents?

Ceux qui ont accepté de participer au Dialogue, en criant à tout bout de champ qu’il faut coute que coute réaliser l’inclusivité, ne sont-ils pas en train de construire les instruments psychologiques du doute ?

On ne peut pas  annoncer le départ d’un train et en même temps déclarer qu’il est encore et toujours à la gare dans l’attente de tout derniers passagers. Il faut qu’à un moment donné, le chef de gare décide de la fermeture des portes en vue de permettre au train d’enclencher son voyage, quitte à demander aux retardataires de s’embarquer dans le train suivant où à défaut d’en apprêter un autre dans le cas où ce dernier n’était pas prévu. Mais il est un non-sens de dire que la main reste tendue alors que c’est la même main qui doit conduire le véhicule. A quel moment les congolais au dialogue vont-ils se décider de se concentrer à la matière et a contrario d’oublier momentanément les absents ?

Hélas, on constate des demandes et des pouvoirs que beaucoup se donnent en claquant la porte du dialogue sans se rendre compte qu’ils prouvent par là qu’ils avaient sous-estimé leur propre engagement face à sa nécessité.

En quittant le dialogue au nom des préalables, ils démontrent qu’ils sont préoccupés plus par leurs images publiques que par leurs convictions.

dialogue-aout-2016La politique, c’est aussi la capacité de savoir traverser des zones d’impopularité au nom de la vérité. Mais certains politiques sont le reflet des courants populistes. Ils prennent les tendances générales et les confondent aux politiques nécessaires. En plus, en exigeant massivement que les travaux soient couverts en direct, on ignore la qualité propre du dialogue qui est ici plutôt un lieu de négociations. Pour négocier, sait-on, il faut s’isoler en créant les conditions à la fois de confidentialité et d’échanges sincères. Mais à vouloir constamment ‘’plaire’’  au peuple,  on finit par le desservir,  car on subit la dictature de la populace qui est en fait de l’onchlocratie. Une Elite doit plutôt pouvoir s’assumer et c’est en cela qu’elle se met au-devant du peuple pour lui montrer le chemin.

Mais fort est de constater que la classe politique en dialogue et celle en dehors du dialogue n’ont qu’une arme à la bouche : La récusation. Ce syndrome a commencé par le facilitateur lui-même qui a été récusé par le Rassemblement pour des raisons de « partialité ». Ces raisons n’ont pas résisté à la contre-expertise conjointe de l’Union Africaine, de l’Union Européenne, de Nations Unies et naguère des Chefs d’État de la SADC. Ces derniers, faut-il le souligner, ont renouvelé leur soutien à Edem Kodjo à qui ils recommandent de s’appuyer davantage sur le groupe de soutien.  Edem Kodjo est là et le dialogue quant à lui, faut-il le reconnaître, a commencé sans récusateurs. Mais l’astuce était trouvée selon que c’est un véritable syndrome qui a saisi les politiques. Cette manie de se récuser mutuellement continue à planer sur le dialogue, constate-t-on. D’abord c’est le MLC qui a récusé ses membres  qui prennent part au dialogue, jusqu’à les radier du parti. Eux, ils se disent des élus responsables pourvus d’un mandat non impératif qui leur valent de n’agir qu’en âme et conscience. Ce qui fait que, à les en croire, ils ne doivent pas être traités comme des adolescents dans une cour de récréation.

Alors qu’ils y sont eux pour défendre la bonne cause, d’autres, comme par complexe d’extériorité, estiment qu’ils doivent récuser le dialogue lui-même du fait du non accomplissement des préalables. C’est le cas d’Albert Moleka, membre de l’UDPS/Kibassa,  qui a fait le buzz via sa déclaration ayant fait état de son retrait du Forum. Sur cette lancée, il n’était qu’à quelques encablures de l’Opposition Républicaine qui, il y a une semaine, avait aussi utilisé l’arme non conventionnelle de la récusation avec menace de suspendre sa participation au dialogue. Mais chose vite comprise, les ajustements ont été réalisées et l’O.R. est présente. Mais la plus grande menace qui pèse sur le dialogue, c’est le serpent du positionnement personnel. Ils sont nombreux qui sont venus pour monter dans le bateau du pouvoir. Pour y arriver, il leur faut faire de l’espace comme dans un disque dur. Effacer les dossiers de trop pour y copier les nouveaux programmes. Ceci serait normal dans une perspective où l’on parle d’alternance. Mais ici le vice est au cœur de la stratégie, car il faut tout récuser pour s’offrir la chance de gagner quelque chose. Le premier que l’on met dans la liste, c’est le président de la République dont certains ne jurent que sur une démission soit volontaire ou soit forcée à la date du 19 décembre 2016. Que la Cour Constitutionnelle ait rendu public un arrêt en interprétation, rien n’y fait. Il faut le récuser pour que soi-même on y monte. Sur base de quel texte, cela aussi est un grand mystère, sinon il est évoqué le fait d’une sanction morale pour n’avoir pas organisé les élections. Sur cette liste des personnes à déplacer, il ya les membres de la CENI, à qui on voudrait appliquer l’arme de la récusation sans se rendre compte que cette arme est à double tranchant car le temps que l’on veut gagner, on le perd dans les victoires d’étapes et on finit par perdre la course finale. Vouloir obtenir un calendrier qui respecte les délais constitutionnels, ou qui soit consensuel en vue de réaliser l’alternance et en même temps laisser libre cours à la gloutonnerie du pouvoir en entamant un processus de changement au niveau de la CENI est un contre-sens. Mais les politiques sont ainsi, ils véhiculent des politiques verbalement différentes de leur pratique quotidienne soient-elles égoïstement politiques. Alors qu’ils doivent se concentrer sur le contenu de l’accord politique qui va garantir à la fois la paix et la stabilité politique, ils sont dans des réunions nocturnes pour se demander qui récuser pour prendre sa place dans les institutions qui fonctionnent et qui doivent se mettre en quatre pour gagner du temps. Alors c’est parfois la tête de Nanga ou de Bashengezi qui ne plaisent pas, voire celle de certains membres des partis que l’on veut remplacer du fait de leur durée assez longue aux « affaires ». Le processus du dialogue, s’il doit aboutir à un accord politique, celui-ci ne doit pas être un mixage contre-nature entre une majorité en fin mandat et une minorité en mal de propositions. C’est un moment où la force des propositions doit primer sur les appétits de positionnement. On peut comprendre que ces discussions se fassent au niveau du gouvernement, mais ici on veut changer le bureau de l’Assemblée Nationale, les institutions d’appui comme le CSAC, la Commission Nationale des Droits de l’Homme, la CENI et la liste n’est pas exhaustive.

 

Privilégier l’essentiel

L’empressement à arriver aux affaires ou le réflexe de conserver le pouvoir le plus longtemps possible ne doit pas être le leitmotiv principal des arguments à défendre les uns contre  les autres. Ceci a pour défaut d’embrouiller la vue et de ne pas hisser les hommes au niveau des défis, car la bonne perception ne s’éclaire que par un renoncement à soi et un branchement sur l’intérêt général. Il est venu le temps des hommes d’État, et non celui des opportunistes qui cherchent, chaque fois, à se placer en posture de droit et non en celle de devoir. Demain quand les élections seront organisées et ce, de manière transparente, le peuple choisira son président, ses animateurs, mais pour l’instant le plus important, c’est de construire les conditions de la bonne tenue des élections et non d’élaborer une liste pour une chasse aux sorcières, mieux aux postes. L’une des chances de ce dialogue, c’est de pouvoir s’appuyer sur une équipe de la CENI faite des hommes compétents et qui a produit un travail de qualité, fondement à la fois d’une réflexion et d’une prise de décision responsable et réalisable.

L’essentiel est dans la connexion des forces sociales et politiques à l’âme de la Nation, l’âme d’un peuple qui a toujours souffert des divisions de son élite. Un peuple qui ne veut pas des buchers pour l’autel des ambitions personnelles. C’est alors il exige que chaque personne à qui il a été donné d’aller au dialogue commence par récuser son instinct de positionnement personnel et qu’il soit conscient du grand service qu’il lui est demandé au nom de la Nation.

 

Adam Mwena Meji (Géopolis Hebdo n° 526).

 

 

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