Politique

État de siège en Ituri : Le temps d’une solution durable

Quand on scrute la situation sécuritaire de la République Démocratique du Congo (RDC), une chose frappe et revient comme une évidence : l’absence d’une solution durable dans la guerre qui sévit dans la partie Est du pays. La guerre dans cette partie semble être donc une réponse fatale à une urgence de survie. Depuis plus de 25 ans, l’Est de la RDC s’avère être le territoire le plus durement touché par les atrocités depuis la Seconde Guerre mondiale. Entre guerres, viols et famines, les victimes directes et indirectes sont innombrables. Avec ces provinces (Ituri, Nord-Kivu et Sud-Kivu) riches en ressources minérales, une solution durable et efficace s’avère donc une urgence. Mettre fin à la guerre dans ces provinces de manière durable est donc une lutte qu’il faut tactiquement et soigneusement mener, car lorsqu’on s’engage dans une guerre, on ne sait pas à quel moment la fin interviendra. C’est pourquoi, des experts et spécialistes sur des questions sécuritaires estiment qu’il faut de la patience. En temps de guerre, il est donc recommandé d’observer de la patience, car les questions de guerre comportent toujours une dimension stratégique qu’il faut inscrire dans une durée. La question chaude de l’insécurité à l’Est de la RDC suscite des nombreuses réactions qui ont même atteint des niveaux où il est devenu délicat de placer un mot et de cerner ce que les gens veulent exactement. Pour nous les journalistes, il est temps de fournir un effort considérable afin de cerner les contours et les limites de cette question, tout en jouant notre rôle des chiens de garde. Il n’est pas aussi complexe de creuser le fond du problème en identifiant les facteurs favorisant une solution durable à cette crise sécuritaire.

L’État de siège comme solution durable à cette question d’insécurité est aujourd’hui au coeur d’une agitation socio-politique etéconomique jusqu’au point de devenir un enjeu de positionnement sécuritaire, politique et économique, car les gouverneurs militaires nommés par le Président de la République dont le Gouverneur militaire le Lieutenant-général, Johnny Luboya Kashama, sont des cibles des attaques qui fussent de partout. Mais comment faire en sorte que l’Etat de siège soit compris comme une solution durable face à l’insécurité grandissante dans la partie Est de la RDC ? Est-ce que tous les acteurs politiques, économiques et de la société civile ne peuvent-ils pas se mettre d’accord autour de l’idée d’une solution durable à la guerre de l’Est ?

 

Sans vouloir faire de la politique, nous tentons de relever dans ce dossier les positions actuelles des différents acteurs tout en prenant en compte les opérations menées dans le cadre de la restauration de l’autorité de l’Etat et la paix dans les provinces sous état de siège. Le changement est toujours délicat à opérer surtout lorsqu’il s agit de la rupture avec l’ordre ancien à la base de l’insécurité et du chaos.

Aujourd’hui, tous les acteurs ont le devoir d’encourager le retour total de la paix en Ituri et au Nord-Kivu en soutenant l’Etat de siège, car l’on réussit lorsqu’il y a la paix et la sécurité grâce à des mécanismes qui favorisent le développement socio-économique.

Pour tenter d’en finir avec les violences qui ravagent l’est de la RDC, un état de siège a été proclamé dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri. D’après les ordonnances présidentielles signées, le lundi 3 mai 2021, par le chef de l’Etat, ces deux provinces étaient passées, à partir du 6 mai, sous administration militaire pour une durée de trente jours, prolongeable par le Congrès. Leurs gouverneurs et Vice-gouverneurs seront suspendus et remplacés par des Gouverneurs militaires et Vice-gouverneurs issus des rangs de la police. Les juridictions civiles vont également céder le pas à des cours militaires.

Le 1er novembre dernier, l’Assemblée nationale a autorisé pour la 11ème fois la prorogation de l’état de siège dans les provinces de l’Ituri et du Nord-Kivu. Mais cette reconduction s’est faite à l’absence des députés de ces deux provinces qui ont suspendu leur participation à toute plénière visant la prorogation de l’état de siège jusqu’à ce que le Gouvernement de la République prenne en compte les recommandations du Parlement notamment, la proposition d’un plan de sortie de l’état de siège avant toute éventuelle prorogation. Les députés de ces deux provinces justifient leurs positions par le fait que cet état de siège ne produit pas, selon eux, de résultats satisfaisants depuis son instauration le 6 mai dernier.

A en croire ces élus, les violences se sont répandues dans les territoires de Beni et d’Irumu où les attaques armées attribuées aux ADF ont déjà fait plus d’un millier de morts depuis l’entrée en vigueur de l’état de siège.

Préoccupées par cette situation sécuritaire dans ces deux provinces sous état de siège, les femmes leaders ont décidé de rencontrer le Premier ministre, Jean-Michel Sama Lukonde Kyenge, qui s’est montré très réceptif et attentif aux doléances de ces femmes leaders.

Selon Patience Sinamuli, cheffe de la délégation, qui s’est confiée à la presse à l’issue de cette audience, plusieurs recommandations allant dans le sens de l’amélioration de la situation sécuritaire en Ituri et au Nord-Kivu ont été soumises au Premier Ministre.

 » Nous nous sommes dit que nous devrions venir auprès de l’autorité afin qu’il entrevoie d’autres stratégies sur le terrain pour sauvegarder les vies humaines parce que nous en avons assez avec les massacres. Les mamans sont traumatisées. Toute la population en général (Nord-Kivu, Ituri), est devenue très vulnérable par rapport à ce qui sévit ces derniers moments « , a-t-elle dit. Pour mettre fin à la situation qui prévaut en Ituri et au Nord-Kivu, le Collectif des femmes leaders a émis le vœu de voir le Chef du Gouvernement s’impliquer lui-même pour sanctionner tout celui qui, de près ou de loin, contribuerait à l’insécurité dans ces deux provinces.

Une autre position qui semble rencontrer les positions de ce Collectif des femmes, c’est celle des acteurs de la société civile. Alors que certains mouvements de la société civile fustigent l’Etat de siège, l’Association Libération de la race opprimée en Ituri a recommandé, au cours d’un point de presse, au Gouvernement d’accélérer le programme de désarmement, démobilisation, réinsertion communautaire et stabilisation au niveau de la province de l’Ituri et d’intensifier les opérations militaires.

Aux communautés de l’Ituri, cette association recommande l’unité pour combattre ce mal qui a élu domicile dans cette province et éviter les discours haineux et stigmatisant qui risque de profiter à l’ennemi.

Toutefois, selon le Gouvernement central, les opérations menées jusque-là par les forces loyalistes et les services de sécurité de la RDC en Ituri et dans le Nord-Kivu suscitent l’espoir de retour de la paix et la détermination d’éradiquer les Forces négatives et les groupes armés. D’ailleurs, les deux grands bastions des ennemis dans les localités de Lipri et Nyangary, en territoire de Djugu occupés par la  coalition Codeco et FDBC/FPIC sont passés, a-t-on appris du Gouvernement militaire de l’Ituri, sous contrôle des Forces régulières. En territoire d’Irumu, l’armée régulière, sous la conduite du Lieutenant-général Johnny Luboya Kashama, a aussi repris le contrôle des villages Nyankunde et Marabu qui accueillent aujourd’hui les déplacés de la région Komanda. Dans ce territoire, les FARDC ont neutralisé les miliciens FPIC qui sémaient la terreur et la désolation.

Toutes ces opérations menées par l’armée congolaise, avec le soutien du Gouvernement et du Parlement congolais, ont un seul objectif, apporter une solution durable aux provinces sous état de siège. Les pays voisins membres de la région des grands lacs ont aussi approuvé cette décision. C’est le cas du Rwanda qui, par le biais de son président Paul Kagame, avait estimé que c’est une bonne chose de mettre en place un état de siège. Mais pour lui, cette decison doit être suivie des actions bien réfléchies et planifiées pour traiter les choses de façon concrète.

Tout en soutenant cette mesure, les organisations sous-régionales conseillent à l’administration Tshisekedi d’adopter une approche globale fixant comme priorités de rendre justice pour les crimes graves, de procéder à un réel assainissement des forces de sécurité et de mettre en place un système efficace de démobilisation des ex-combattants.

En fin de compte, elle devrait veiller à ce que l’état de siège ne donne pas à l’armée plus de latitude pour commettre des abus. Donc, il est temps qu’une solution durable soit trouvée et appliquée pour mettre un terme au cycle des violences. Tous les acteurs (Gouvernement, les Parlementaires, les mouvements de la Société civile et l’Armée) devraient s’impliquer davantage pour matérialiser cet objectif, celui d’apporter une solution durable à la guerre de l’Est.

 Djodjo Mulamba

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