Politique

Grand Kivu : Doit-on passer de l’état de siège à l’état de guerre ?

Six mois après l’instauration de l’état de siège au Nord-Kivu et en Ituri, l’insécurité bat encore son plein dans ces provinces. Des groupes armés continuent à s’en prendre aux populations civiles. Il est vrai que selon les officiels de l’armée, c’est dans leur débandade que ces forces négatives commettent des exactions. Mais l’insécurité n’est plus seulement le fait des groupes disparates. Des assaillants relativement coordonnés se signalent dans le grand Kivu. Début novembre, un groupe inconnu des assaillants a fait une incursion à Bukavu, dans le Sud-Kivu. Alors que la RDC se remettait à peine de l’attaque de Bukavu, au Nord-Kivu, deux ou trois villages ont vécu la guerre lundi 8 novembre. Selon l’armée congolaise, il s’est agi d’une attaque des rebelles du M 23. Mais ces derniers nient toute implication aux confrontations militaires avec les FARDC. Dans la foulée de dénégations, l’armée rwandaise, dont le pays aurait été cité comme soutien et lieu de provenance des agresseurs, nie à son tour tout soutien ou toute implication de près ou de loin dans les hostilités. La nébuleuse de l’Est a encore fourni une autre énigme à l’équation sécuritaire déjà passablement difficile. Voilà qui fait dire à certains analystes qu’il faut carrément passer de « l’état de siège à l’État de guerre » pour en finir avec l’interminable insécurité dans le grand Kivu, car à vrai dire, la RDC est déjà dans une guerre qui ne dit pas son nom. Autant passer à la vitesse supérieure avec de grands moyens. « Il ne suffit plus d’avoir la bonne volonté. Il faut agir. On doit passer de l’article 85 [article qui dispose de l’État de siège] de la constitution à l’article 86″, dit le professeur Dady Saleh à Géopolis Hebdo. Cet enseignant d’universités basé à Goma estime que l’État de siège doit être remplacé par l’activation de l’article 86 lequel stipule : »Le Président de la République déclare la guerre par ordonnance délibérée en Conseil des minstres après avis du Conseil supérieur de la défense et autorisation de l’Assemblée nationale et du Sénat, conformément à l’article 143 de la présente Constitution ». « On doit se battre une fois pour toute. Nous sommes en guerre. Il faut prendre des lois capables de considérer que nous sommes en guerre », dit Dady Saleh. C’est ce qu’il appelle le changement de structure qui doit commencer par les textes légaux, passant par de nouvelles attitudes pour déboucher sur une stratégie globale.

Pour l’instant, l’armée congolaise annonce avoir maîtrisé la situation, mais  selon la même armée, « le mouvement M23 a attaqué Chanzu et Runyonyi avec l’intention de mener d’autres actions de déstabilisation dans le territoire de Rutshuru ». Cela veut dire qu’il y a forcément un plan qui se trame pour essayer de fragiliser l’architecture mise en place dans l’effort de rétablir la paix totale. Il est vrai que la réflexion scientifique peut ne pas être en phase avec la stratégie militaire du moment. Mais, une chose est sûre : face à la puissance de feu de l’ennemi qui semble se reconstituer, il convient de mobiliser l’intelligence anticipative.

« Les FARDC ont pris toutes les mesures nécessaires pour mettre en échec cette énième incursion du M23 sur le sol congolais. Pour l’heure, les combats se poursuivent, les FARDC sont déterminées à en finir une fois pour toutes avec ce groupe armé qui doit être neutralisé », a précisé le communiqué de l’armée congolaise. Doit-on compter sur la seule détermination des FARDC pour espérer ne plus revoir des attaques ennemies. Pour Dady Saleh, l’armée doit devenir dissuasive d’abord. Selon lui, le défi actuel dépasse le leadership de l’armée qui elle, obéit à la ligne définie par le leadership politique. Il faut que le chef de l’État donne le la d’une nouvelle stratégie. « Le président doit maintenant se concentrer sur le premier besoin des Congolais qui est la restauration de la paix », dit ce natif du Kivu qui suggère même que le chef de l’État suspende ses missions à l’étranger.

Patrick Ilunga

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