Politique

Indépendance de la RDC : Augustin Kikukama : « C’est un gâchis que le peuple congolais doit corriger lors des prochaines élections ».

Patron du Mouvement du 17 Mai, Augustin Kikukama est l’un des pionniers du courant politique se réclamant du Centre par rapport au jeu politique congolais. Ancien proche collaborateur de l’ex-président de la République, Laurent-Désiré Kabila, l’homme a décliné toutes les « offres politiques » proposées par le pouvoir. Avec l’opposition, il ne partage pas la vision. Problème, ce qu’il n’a jamais digéré la gouvernance actuelle dont il n’hésite pas de dénoncer la « recrudescence des antis-valeurs » au sein du régime et dans la société congolaise. Augustin Kikukama n’est pas non plus prêt à tolérer « l’inconstance politique » de l’opposition.

Comme lors de son discours lors de la célébration de l’avènement de l’Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération, AFDL le 17 mai dernier, Augustin Kikukama a encore déploré « le gâchis de l’indépendance » du pays 58 ans après le départ des belges. Dans cette interview exclusive accordée à Géopolis Hebdo, l’homme pense qu’il est temps pour que le peuple congolais puisse prendre ses responsabilités en choisissant des dirigeants capables de redresser la situation. 

Géopolis Hebdo : Que vous inspire les 58 ans de l’indépendance de la RDC ?

Augustin Kikukama : Eu égard aux ambitions de pères de l’indépendance, le Congo n’a fait que du gâchis dans la mesure où sur le plan économique, le pays était très en avance par rapport au Canada ou encore l’Afrique du Sud. Le Congo était la première nation de l’Afrique subsaharienne à disposer d’une compagnie aérienne dont les appareils étaient pilotés par des congolais faisant ainsi, la fierté de tout un continent. Avec toutes ces indications, la RDC pouvait aujourd’hui se retrouver parmi les pays de G7 comme l’est le Canada. Raison pour laquelle je dis que nous n’avons fait que du gâchis. Même aujourd’hui, je ne vois pas assez de perspectives qui indiquent que nous pouvons retrouver le même niveau de développement de 1960. Cet espoir était là quand M’Zée (Ndlr : le surnom de l’ancien président de la République, Laurent-Désiré Kabila dont il était l’un de plus proches collaborateurs), est arrivée.

Durant son règne, les congolais commençaient à parler la reconstruction du Congo. La mise sur le rail de l’économie.

Et évidemment, des initiatives étaient prises dans ce sens. Mais aujourd’hui, il n’y a plus d’initiatives.

GH/ Comment, vous entant que Mouvement du 17 mai, conciliez-vous la révolution et l’indépendance ?

Augustin Kikukama/ Pour nous, au Mouvement du 17 Mai 1997, nous considérons que la Révolution   voulait tout simplement mettre fin à ce gâchis-là. Malheureusement cet espoir a été balayé par les contres révolutionnaires. Aujourd’hui nous revivons les antis valeurs que nous avions avant la Révolution du 17 Mai. Je dis que les antivaleurs mises en cause par la Révolution ont été ressuscitées par ce régime. Raison pour laquelle, nous ne sommes pas de la Majorité Présidentielle. Je l’ai même mentionné dans mon discours du 17 mai dernier. Malgré cela, moi je pense que rien n’est encore perdu parce que le Congo a beaucoup des potentialités pour pouvoir aller de l’avant.

GH/ L’élite congolaise actuelle est-elle à la hauteur de la vision des pères de l’indépendance ?

Augustin Kikukama/ Le malheur du Congo n’est pas le fait de l’élite mais plutôt de la classe dirigeante. La première question à se poser est celle de savoir si les gouvernants ont la même ambition que les pionniers de l’indépendance vis-à-vis du colonisateur. Partant de mon expérience pendant le règne de M’Zée, j’ai compris que le congolais est un peuple discipliné. S’il y’a cette volonté politique, au sommet de l’Etat de mettre fin à la corruption, aux détournements, à la tracasserie policière…Je pense que les choses peuvent aller de l’avant parce que le congolais est un peuple discipliné.

Les antivaleurs sont tel qu’aujourd’hui, un haut responsable peut détourner de l’argent mais la seule sanction reste peut-être l’éviction du gouvernement ou de la fonction occupée par la personne sans qu’une quelconque poursuite judiciaire intervienne. A mon avis, la lutte contre la corruption commence par le sommet avant d’atteindre la base.

GH/ Quel lien faites-vous entre l’indépendance et les élections ?

Augustin Kikukama/ A mon avis, les élections sont l’expression même du souverain primaire. Donc ces élections devraient être démocratiques et transparentes. Mais pour y arriver, il faut commencer par l’éducation civique et électorale de la population. Si ces élections se passent avec une bonne pédagogie, le Congo peut renaitre de ses cendres.

GH/ Quelle est votre réaction en rapport avec le message du Chef de l’Etat à l’occasion de la fête de l’indépendance ?

Je ne peux pas réagir à son message comme tel mais j’ai l’impression qu’il n’y a pas eu d’innovation dans le discours du Chef de l’Etat par rapport aux attentes de la population. Quant à nous, nous attendons les conclusions du CNSA (Conseil National de Suivi de l’Accord) avant de nous prononcer. Peut-être sur ce plan, nous pouvons dire que nous félicitons le Président (Ndlr : Joseph Kabila) pour avoir remis le CNSA dans son rôle d’institution évaluatrice du processus électoral en République Démocratique du Congo conformément à l’Accord du 31 décembre 2016. Donc, nous attendons toujours la publication du communiqué conjoint (Ndlr : CNSA-CENI-Gouvernement) avant de nous prononcer sur la question parce que nous avions beaucoup critiqué notamment l’usage de la machine à voter, les tripatouillages des listes de partis politiques alors que le CNSA avait déjà tranché. La question de la décrispation politique aussi nous préoccupe. Il est incompréhensible d’envisager des élections où la plupart des compétiteurs croupissent en prison.

GH : Le corps électoral a été convoqué depuis le 23 juin. Les BRTC (Bureaux de Réception et Traitement de Candidatures) ont été ouvert un jour après, où en sommes-nous avec la liste du M17 ?

Augustin Kikukama/ Au niveau du M17, nous nous préparons pour ça. Il y’a même un comité institué pour la sélection des différents candidats. Le grand problème que nous avons, est celui de la garantie sur la tenue des élections. En 2015, nous y avions cru sans succès : nous avions déposé nos cautions et nos listes sans avoir eu des élections. Contrairement en 2015, la caution de 2018, couterait entre 900.000 à 1.000.000 dollars à une formation politique pour les législatives nationales et provinciales. Comme la CENI rappel aux partis politiques que la caution est non remboursable, nous nous disons ok mais il faut que nous ayons la garantie que les élections auront bel et bien lieu.

J’avais déjà saisi le CNSA pour ça et nous attendons la suite quant à ce. Du fait que les partis politiques ne sont pas subventionnés par l’Etat, moi je pense que l’argent payé doit être remboursé s’il n’y a pas d’élections parce qu’il a été payé pour ça. La presse devra plutôt aider les partis politiques dans ce sens. Une fois que nous aurions eu la garantie du CNSA, nous irons déposer nos listes. Dans toutes nos représentations à l’exception des provinces issues du grand Equateur où nous accusons un peu du retard mais sur l’ensemble du pays, nous avons déjà les dossiers physiques de tous les candidats qui n’attendent que le communiqué du CNSA.

GH/ Autant dire que le M17 compte participer aux élections même avec la machine à voter et le fichier électoral actuel contrairement à une bonne partie de l’opposition ?

Je n’ai pas dit ça. Nous avions exprimé notre préoccupation à Monsieur Nangaa (Ndlr : Corneille, le président de la CENI) le 21 juin dernier lors des échanges avec les partis politiques sur ces sujets. Il a réaffirmé sa volonté d’ouvrir ses bureaux aux cabinets conseils recrutés par les formations politiques pour accréditation. Notre préoccupation aujourd’hui est celle de savoir, ces cabinets conseils auront accès à quel type de données ? Nous ne voulons pas donner des prétextes à Nangaa. Comme il l’a promis, nous allons nous y atteler mais avant toute chose, nous voudrions être fixés sur ce point parce que nous ne maitrisons pas cette technologie.

Ce sont ces cabinets conseils que nous allons recruter au niveau du M17 qui doivent nous donner des informations sur notamment l’utilisation des satellites. L’ambition étant de disposer le maximum de preuves pour s’hasarder à accepter ou critiquer la machine à voter. Dans toutes les revendications politiques, il y a toujours la phase A et la phase B. Et nous, après contestation, nous nous sommes rendu compte que la commission (CENI) a avancé dans ce sens, nous nous sommes dits ok, nous cherchons des cabinets conseils qui maitrisent mieux la technologie pour nous aider à percer le mystère de la machine à voter. Nous avons recruté deux cabinets : congolais et américain basé en Afrique du Sud. Le premier va déployer les experts sur terrain et le second nous aidera à analyser certaines données satellitaires.

GH/ En d’autres termes c’est un travail d’audit que vous recherchez auprès de ces cabinets ?

Rien du tout. Notre objectif est celui de comprendre la programmation de la machine à voter conformément aux observations des experts. Grâce à cette compréhension, nous pourront être à mesure de déterminer que les voix du M17 par exemple ont été transférées au PPRD (Parti du Peuple pour la Reconstruction et la Démocratie au pouvoir).

Cette programmation concerne notamment, les heures d’ouverture et de fermeture des machines qui doivent être bien calibrées parce qu’il peut y avoir aujourd’hui dans un bureau de vote, 2.000 votants et peut-être que les 2.000 ne seront pas là. Il peut y avoir 1.000 ou moins alors le reste de voix sont versées à un candidat quelconque.

Nous devons savoir quand on vote par exemple jusqu’à 18H, comment on ne peut plus continuer à faire des votes fictifs après la clôture des opérations. Il faut donc que la machine indique l’heure de l’ouverture et de la fermeture. C’est la première de chose à faire. La deuxième est liée à la programmation qui doit être bien spécifiée pour éviter que les voix de Géopolis soient attribuées au Potentiel par exemple.

 

GH/ Quel est votre message à la population en cette journée du 30 Juin ?

Nous demandons au peuple congolais de voter utile pour sanctionner des dirigeants qui ont fait que nous puissions quitter la position du sommet des nations que l’on occupait déjà avant l’indépendance pour que nous puissions nous retrouver aujourd’hui au bas des nations.

Propos recueillis par Jose-Junior Owawa et Vanessa Mayamuene.

 

 

 

 

Click to comment

Leave a Reply

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

To Top