Economie

Interview exclusive : Matondo Mambungu :  » 20 ans après sa création, le BCeCo maîtrise aujourd’hui l’ensemble des préoccupations du développement ».

Première agence d’exécution des projets de développement de la République Démocratique du Congo (RDC) mise en place, par le décret présidentiel n° 039/2001 du 8 août 2001, après la reprise de la coopération avec le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale (BM), le Bureau Central de Coordination (BCeCo) est un service public placé sous la tutelle du Ministère des Finances. A ce titre, il a pour mission principale de gérer les projets et programmes sous financement propre ou des bailleurs des fonds, bi et multilatéraux. Le BCeCo est basé à Kinshasa et dispose d’un bureau de liaison à Lubumbashi, la deuxième ville du pays. Monsieur Théophile Matondo Mambungu en est le Directeur Général. Au cours d’une interview exclusive accordée à Géopolis, le jeudi 03 juin 2021, le numéro 1 du BCeCo a révélé les deux projets-phares ou axes prioritaires sur lesquels travaille actuellement en urgence son institution. Il s’agit du Fonds vert sur le climat et la gestion de la tourbière. Interview.

Bonjour monsieur le Directeur Général, quels sont les dossiers sur lesquels le BCeCo travaille aujourd’hui ?

Aujourd’hui, le BCeCo travaille sur deux dossiers ou axes propriétaires. Il s’agit du BCeCo lui-même en tant qu’entité. Ici, il s’agit des relations avec le Fonds vert pour le climat, un mécanisme financier mise en place par la Conférence des Nations unies pour le changement climatique. Il vise à aider les pays notamment, les pays sous-développés dans leur adaptation et atténuation de tous les problèmes liés au changement climatique qu’ils ont. Nous avons intensifié au courant de ces deux dernières années nos relations avec le Fonds vert et c’est ce qui nous a poussé à mettre en place ensemble un certain readiness, c’est-à-dire un fonds préparatoire, qui permet à ce que le BCeCo puisse s’ajuster par rapport aux préoccupations du Fonds notamment, en ce qui concerne la formation de son personnel. Nous avons des compétences en matière des projets mais nous n’en avons pas assez en matière de gestion des préoccupations liées au changement climatique ou à l’environnement. Donc, ce readiness va nous permettre de nous mettre à niveau par rapport à ces préoccupations mais aussi mettre à niveau, l’ensemble de nos outils de travail (Politiques, manuels de gestion et outils techniques de gestion des préoccupations liées au projet mais en rapport avec le Fonds vert pour le climat).

A la suite de nos relations, nous n’avons pas seulement mis en place ce premier readiness qui renforce les capacités du BCeCo mais nous avons également mis en place trois autres readiness liés aux préoccupations du Fonds vert. Il s’agit du Plan national d’adaptation, c’est-à-dire doter le pays d’un plan qui va lui permettre de pouvoir prendre en charge toutes les questions en rapport avec l’adaptation. Il s’agit ici de doter les différentes couches de la population des toutes les capacités ou possibilités afin de faire face aux préoccupations liées au changement climatique. Nous y travaillons et d’ici peut-être trois (3) mois, ce readiness pourra être opérationnel. Nous allons travailler ensemble avec le Ministère de l’Environnement et développement durable et les autres Ministères pour pouvoir voir quelles sont les lignes directrices que nous allons mettre dans ce Plan national d’adaptation.

Le deuxième readiness porte sur la gestion de la tourbière. La RDC regorge la plus grande quantité de tourbières en Afrique. Viennent ensuite des pays comme le Gabon, le Congo Brazzaville, pour ne citer que ceux-ci. Ce readiness va permettre au Ministère de l’Environnement et développement durable de pouvoir se doter des capacités sur comment mettre en place des instruments appropriés afin de mieux gérer ces tourbières qui sont tant convoitées et qui participent énormément à l’équilibre climatique, voire environnementale du monde entier.

Le troisième readiness sur lequel nous travaillons, celui-ci porte sur les effets néfastes de la pandémie de Coronavirus sur l’économie de la RDC. Le Fonds vert veut avoir une étude menée par des consultants indépendants pour pouvoir appréhender les impacts qui ont pu intervenir pendant cette période de Covid-19. Le dossier est lié au projet. Ici, nous avons deux volets. D’abord, les projets financés par les partenaires extérieurs ainsi que les projets financés par les ressources propres du Gouvernement. Pour les projets financés par les partenaires extérieurs, notamment la Banque arabe pour le développement économique de l’Afrique (BADEA) ainsi que les Fonds de l’OPEP pour le développement international (OFID), nous sommes en train d’exécuter deux projets.

Le premier projet porte sur l’aménagement du périmètre rizicole de Masina. Kinshasa, c’est 14 millions d’habitants. Le riz est parmi les aliments très prisés dans la capitale congolaise. Son importation coûte des millions des dollars américains à l’économie nationale (Ndlr : Devises étrangères). Le Gouvernement de la République s’est associé à la BADEA pour développer le périmètre rizicole de Masina afin de renforcer l’autosuffisance alimentaire de la ville de Kinshasa. Le deuxième projet porte sur la réhabilitation et modernisation des Cliniques universitaires de Kinshasa (CUK), une formation médicale tertiaire de première importance. On y administre non seulement les soins médicaux mais, il y a aussi la formation et la recherche. Il est question de réhabiliter et de moderniser l’ensemble des CUK. Toutes les études sont terminées et nous avons déjà recruté une entreprise pour commencer les travaux du premier lot. Nous pensons que dès que nous allons nous mettre d’accord avec le Gouvernement et le bailleur des fonds sur le bouclage financier du dossier, les travaux vont débuter.

Toujours dans ce dossier, nous avons des travaux financés sur fonds propres du Gouvernement de la République. Cas de l’hôpital général de référence de la ville province de Kinshasa (Ex Maman Yemo), la plus grande formation médicale de référence de Kinshasa. Toutes les études ont été réalisées et nous avons même choisi une entreprise qui doit commencer les travaux d’ici la fin du mois de juin 2021. Il a plu au ministre national des Finances d’inscrire ce projet dans le cadre de l’appui budgétaire attendu de la BM. Le deuxième projet porte sur la réhabilitation et modernisation de l’hôpital militaire du Camp Colonel Tshashi. C’est l’une des promesses électorales du Chef de l’État (Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo) et aujourd’hui, le BCeCo a exécuté ce projet à plus de 90%. Il ne reste qu’à acquérir les équipements médicaux et nous pensons que d’ici Juillet-Août, cet hôpital pourra être remis aux bénéficiaires, les vaillants militaires et leurs familles respectives logés dans ce camp militaire.
Le troisième projet prioritaire porte sur l’appui à la gratuité de l’enseignement de base par la construction des écoles sur toute l’étendue du territoire national en donnant plus de salles des classes, plus d’infrastructures de façon que les élèves qui retournent en masse à l’école, puissent y trouver les conditions minimales et adéquates d’apprentissage. Dans le cadre du Programme de 100 jours, le BCeCo a achevé les travaux de construction de 200 écoles et aujourd’hui, nous allons continuer ce Programme avec le financement propre du Gouvernement afin que partout où il y a pléthore d’élèves, on y apporte des salles de classes neuves afin d’atténuer la pression des bénéficiaires sur les infrastructures existantes. A part les écoles, nous avons des projets portant sur des centres de santé et autres infrastructures de base.

Monsieur, quand on vous suit on se rend compte que le BCeCo a connu une mutation. Hier, il coordonait les fonds alloué par la Banque Mondiale. Aujourd’hui, il est devenu maître d’ouvrage et gère même d’autres fonds. Pratiquement, il s’agit des fonctions de terrain. Comment gérez-vous cette mutation ? Avez-vous la vocation de tout faire ? Et comment vous êtes-vous adaptés aux préoccupations de terrain ?

Oui effectivement. Le BCeCo a connu une mutation qui doit maintenant se concrétiser sur papier. La mutation est de fait du fait que le Gouvernement, compte des résultats que nous avons engrangés sur terrain, nous a donné d’autres tâches en dehors de deux projets d’urgence que nous avons gérer pour le compte de la BM. Cesdits projets ont été à la base de la création du BCeCo. Au-delà de ces deux projets, le BCeCo a également travaillé pour le compte du Gouvernement avec les ressources propres mais aussi pour celui des bailleurs des fonds avec leurs appuis budgétaires. La construction des écoles sur toute l’étendue du territoire national a été financée sur fonds propres du Gouvernement central. Il en est de même de l’immeuble du Gouvernement, les sept (7) immeubles qui servent des cabinets ministériels à la Place Royale à Kinshasa-Gombe, les stades municipaux de Matete, Barumbu, Delvaux mais malheureusement, celui de Bandalungwa n’a pas été achevé. Il y a d’autres projets confiés au Bureau et qui ont œuvré grandement dans la mutation du BCeCo.

Au regard des activités menées aujourd’hui, quel est le statut qui convient le mieux au BCeCo ?

Il ne m’appartient pas en tant que Directeur Général du BCeCo de dire que voilà, nous voulons ou bien, nous avons maintenant tel statut et pas celui-là. Nous allons réserver la primeur de cet exercice au Gouvernement de la République, à travers le Ministère des Finances qui est notre Tutelle. Mais, il est le vrai qu’aujourd’hui le BCeCo a pu maîtriser l’ensemble des préoccupations en rapport avec le développement.

Le BCeCo ne travaille pas seulement comme agence de gestion des projets mais il travaille aussi comme agence fiduciaire des projets, agence d’appui à la passation des marchés, agence des réformes liées aux différents secteurs de la vie nationale. Donc, aujourd’hui la mutation s’impose. Mais dans quelle direction va prendre cette mutation ? La réponse nous la réservons au Gouvernement de la République.

Quel rapport avez-vous avec la Banque Mondiale aujourd’hui ? La relation continue-t-elle au moment où le pays n’est pas en programme avec cette institution de Bretton Wood’s ? Avez-vous de lien organique avec cette Banque ?

Non. Nous n’avons pas de lien organique, ni direct avec la Banque Mondiale en ce qui concerne ses opérations en RDC. Mais seulement des consultations officielles existantes et les échanges d’informations en rapport avec la gestion des projets exécutés ou réussis entre les deux institutions. A ce jour, le BCeCo n’a plus de projet gèré en lien direct avec la Banque Mondiale. Il dépend entièrement du Gouvernement de la République.

Il est vrai que depuis 20 ans vous avez géré et mené à bon port beaucoup de projets. Ce qui vous donne le droit d’en devenir les experts. Dans le cadre de la maximisation des recettes, c’est vrai ce n’est pas votre cheval de bataille, comme vous utilisez les fonds publics, vous êtes certainement au courant sur comment fonctionne l’économie congolaise. Peut-on attendre du BCeCo sa contribution dans la maximisation des recettes ou l’élargissement de l’assiette fiscale ?

Le BCeCo a abordé plusieurs secteurs. Cas de celui qui touche à la réforme des finances publiques ainsi de suite. Le BCeCo fut impliqué dans la question sur l’informatisation de la Taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Comme d’aucuns n’ignorent, une partie de ses ressources proviennent de la TVA. Après son lancement, le Ministère des Finances est en train de réfléchir de quelle manière, on peut la rentabliser, mieux faire dans la collecte. Le BCeCo a mûri cette réflexion et un projet d’informatisation de la TVA a été mis en place et touche à toutes les étapes de sa collecte afin d’avoir des informations sur les assujettis, le volume de transactions, des personnes physiques et morales… Nous avons même commencé la mise en œuvre du projet avec la Direction Générale des Impôts (DGI) mais nous attendons une harmonisation des vues avec les Finances et la Présidence de la République afin de poursuivre ce projet.

Déjà 20 passés… Quand vous regardez le parcours accompli et les défis qui restent à relever, quels sont vos sentiments ?

Ce sont des sentiments de satisfaction mais aussi de plus d’engagement. Le BCeCo a œuvré dans toutes les différentes formes d’intervention en matière de gestion des projets. Le BCeCo a travaillé sur la gestion intégrale des projets, la gestion fiduciaire, l’appui à la passation des marchés et l’accompagnement des nouvelles agences dans les différentes phases de leur mise en place (recrutement, mise en place des cadres, mise en place d’un système de référence…) non pas dans les différents territoires mais sur l’ensemble du territoire national. Deux projets nous ont permis de pouvoir connaître le Congo profond, notamment le Programme de 1000 écoles, un des rares qui a pu toucher tous les territoires avec les mêmes standards. Le projet PESS nous a permis également de construire à peu près 150 centres de santé à travers le pays. On n’a pas intervenu dans tous les territoires mais au moins une bonne partie a été touchée. Voilà le motif de notre satisfaction. Le défi du développement de la RDC est énorme dans tous les secteurs. Aujourd’hui, pour relever ce défi, nous avons besoin de plus de bras, d’intelligences, de participations et le BCeCo se tient aux côtés du Gouvernement de la République pour pouvoir l’accompagner dans toutes les préoccupations en rapport avec le développement (socioéconomique) de la RDC.

Propos recueillis par WAK. Texte par Dieudonné Buanali.

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