Politique

Interview exclusive : Olivier Kamitatu : Quand la maison brûle, faire la politique de l’autruche ne sert à rien !

Il était de l’équipe qui a accompagné le chairman Moise Katumbi dans son voyage à Kinshasa, répondant à l’invitation du Président de la République pour les consultations. Lui c’est Olivier Kamitatu dont la dernière séquence politique l’a rapproché du président de l’Ensemble avec qui ils ont développé une offre politique puissante qui est à ce jour une famille politique, véritable machine d’alternative. Dans cette ambiance de folie qui a pris Kinshasa à l’arrivée du président d’Ensemble, notre rédaction a approché Olivier Kamitatu dans le but de fixer cette dynamique politique dans l’écheveau national et surtout de décrire sa force de proposition au regard de la crise qui paralyse le fonctionnement des institutions. Homme politique d’expérience, Olivier Kamitatu qui a du métier dans les négociations pour avoir été négociateur principal dans l’accord de Lusaka et celui de Sun City sait que les rapports construits sur des accords tiennent tant que les partenaires nourrissent une confiance mutuelle, et cette confiance perdue, il faut des tonnes de volonté pour restaurer des liens républicains. Ancien président de l’Assemblée nationale il connait comment dans la diversité des opinions constituer une masse critique de basculement. Ministre de Plan, il sait aussi que le temps est un facteur clé dans la résolution des crises et c’est pourquoi il appelle à tous de se donner le temps de l’élévation pour que le pays puisse sortir de cette impasse et finalement donner à la politique ses lettres de noblesse, c’est-à-dire une activité au service de l’ensemble.

Geopolis Hebdo : Vous êtes un homme expérimenté sur la scène politique congolaise. A ce titre comment définissez-vous la crise actuelle dans laquelle la Rdc semble se plonger ?

Olivier Kamitatu : La crise que nous traversons est avant tout liée à une crise de confiance. Confiance entre les partenaires de la coalition au pouvoir FCC- CACH, confiance des Congolais dans leurs institutions et leurs animateurs et confiance des Congolais dans la Démocratie. Les élections chaotiques de décembre 2018 ont conduit un très grand nombre de nos compatriotes à douter de la Démocratie élective. Certes, au prix des sacrifices les plus grands, nous avons évité le troisième faux pénalty que l’ancien arbitre s’apprêtait à siffler mais la prise en otage de la représentation nationale par la nomination d’une majorité de députés non élus a totalement confisqué l’espoir suscité par la première alternance démocratique en RDCongo.

GH : Votre mouvement politique a accepté de s’impliquer dans les consultations initiées par le président . Pensez-vous apporter une solution substantielle à la crise ou vous avez simplement user de votre liberté pour profiter d’une opportunité ?

OK : Le Président Moïse Katumbi et ENSEMBLE ont décidé de répondre présent à l’appel du Président Tshisekedi pour appuyer la démarche qui consiste à trouver une solution durable à la crise qui menace le pays. Dans l’Est du pays, à Bunia, Beni, Butembo, Goma, au Sud Kivu, dans le Katanga, des hommes, des femmes, des enfants, tous innocents, sont assassinés dans le silence et l’indifférence générale. Des groupes armés continuent à terroriser les populations. Chaque jour est une vie dit-on ! Il y a urgence à sauver ce qui peut l’être. Pensez-vous que notre devoir consiste à se croiser les bras et à adopter la politique de la chaise vide ? Non, trois fois non ! Sur le plan de la sécurité, de la paix et de la stabilité, nous devons proposer des pistes de solution. Depuis 2015, nous avons décidé de quitter l’ancienne majorité qui voulait continuer à faire main basse sur le pays pour conduire une opposition républicaine, démocratique et exigeante. Nous assumons pleinement notre choix. Moïse Katumbi ne cherche pas des opportunités sur le sang de ses compatriotes. Avec lui, nous cherchons ensemble des solutions pour le Congo !

GH : Le temps passe et ne semble pas faire avancer le destin du pays au point que de manière générale le peuple développe un sentiment de sur place . Que pensez-vous ?

OK : L’accord de pouvoir entre FCC-CACH a montré toutes ses limites. Le pays ne fait pas du surplace, il recule. A l’épreuve de la gestion quotidienne, on relève un échec global. C’est la raison pour laquelle le Président Tshisekedi a engagé les consultations. Quand la maison brûle, faire la politique de l’autruche ne sert à rien ! Les Congolais ne pourront pas supporter beaucoup plus longtemps l’immobilisme dans lequel les acteurs de la majorité ont plongé le pays. La nation s’enfonce chaque jour dans les désordres. Au discours des premiers jours et aux promesses ont succédé la réalité d’une population confrontée à davantage de misère, de pauvreté et de désespoir. Les raisons de cette situation sont connues de tous. Elle s’appelle la mégestion, l’inefficacité et l’inaptitude à gouverner ensemble de la coalition qui dirige actuellement le pays. Le diagnostic est connu. La thérapeutique aussi. Il faut du courage pour appliquer les remèdes forts en tenant compte avant toute chose et uniquement des intérêts du peuple congolais.

GH : Dans quelle proportion la personnalité des acteurs en présence influe sur la résolution ou la complication de la crise ?

OK : Certains acteurs sont uniquement obsédés par les élections de 2023. Après 20 mois de gouvernance approximative, ils oublient qu’il leur reste 40 mois de gestion des affaires du pays qu’ils ont décidé de sacrifier sur l’autel de leurs ambitions de pouvoir. Les uns veulent revenir et les autres veulent rester 300 ans disent-ils ! Ils oublient que pour des dizaines de millions de Congolais, chaque minute compte. Les ambitions débridées ont pris le pas sur la responsabilité des uns et des autres et leur redevabilité. C’est la raison pour laquelle, le président Katumbi a rappelé récemment qu’aux yeux de nos compatriotes et du monde entier le seul qui sera comptable du bilan en décembre 2023 sera le Président de la République. Les Congolais jugeront aux résultats. En ce qui nous concerne, nous, tous les leaders de ENSEMBLE, au niveau des institutions, nous nous battons sans relâche pour dénoncer au jour le jour la gestion catastrophique du pays, l’incurie qui règne dans les provinces et assurer les réformes indispensables à une gestion saine du pays y compris la tenue des élections crédibles et transparentes.
GH : Il est assez étonnant que votre groupe qui est dans l’opposition porte une attitude compatible au chef de l’Etat qui est chef de la majorité en place . Cette apparente contradiction trouve sa force dans quelles idées ?

OK : Il n’y a aucune contradiction. Nous sommes et demeurerons critiques vis-à-vis du Chef de l’Etat. Mais en tant qu’opposition républicaine, nous saluerons toujours ce qui va dans le bon sens en faveur de la population. Nous n’avons pas d’ennemis. Nous défendons des valeurs. Et lorsque le Chef de l’Etat répète à l’envie que le salut du peuple est le bien suprême, nous lui emboîtons le pas en affirmant à notre tour que les prescrits de la Constitution adoptée par plus de 85% des Congolais doivent être scrupuleusement respectés. Longtemps nous avons partagé jusqu’à un récent passé un socle de valeurs communes avec le Président de la République, ces valeurs constituent toujours à nos yeux un parfait dénominateur commun qu’il appartient au Chef de l’Etat de valoriser pour le bien commun.

GH : Olivier Kamitatu semble avoir choisi de jouer dans l’ombre , pourquoi ? Avez-vous à titre personnel cesser de nourrir des ambitions péronnelles ?

OK : Depuis février 2015, j’ai décidé d’assumer pleinement mes responsabilités avec mes amis politiques du G7, feu Pierre Lumbi, feu Charles Mwando et Moïse Katumbi. Ce combat nous a conduits à démissionner de nos fonctions pour les uns et à en être révoqués pour d’autres. Nous avons été traqués, arrêtés ou condamnés à l’exil. Des innocents qui avaient pour seuls armes à la main leur bible ont été massacrés. Au bout du compte, nous avons remporté une première bataille. J’en suis fier. J’assume pleinement les responsabilités qui sont les miennes avec mes amis derrière le président Moïse Katumbi. Depuis le premier jour, mon ambition est demeurée la même, je n’ai rien cessé du tout ! Mon ambition, c’est celle d’un Congo plus juste, plus fort et plus solidaire. Nous pouvons le construire ensemble. Je crois dans mon pays et dans sa jeunesse. Mon devoir est de me battre pour laisser à tous les enfants du Congo l’héritage que nous ont légué des pères de l’indépendance, à savoir la fierté, la dignité et le respect la grandeur de notre pays. Tout le reste n’est que concours de circonstances !

Propos recueillis par WAK

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