Santé

Jean-Jacques Muyembe Tamfum, combattant congolais d’Ebola, reçoit un doctorat honorifique de l’UA : “ Si je n’avais pas lavé mes mains, je n’aurais pas été là ”

Il a 77 ans, mais Jean-Jacques Muyembe Tamfum ne pense pas à sa retraite. Depuis quarante ans, il se bat contre le virus Ebola en République Démocratique du Congo (RDC), où une autre épidémie grave sévit actuellement à l’Est du pays. “ Nous prenons soin des patients pendant que les rebelles nous tirent dessus. ” En effet, Jean-Jacques Muyembe Tamfum a eu l’occasion de s’installer à l’étranger à plusieurs reprises. Mais peu importe la turbulence de l’histoire du Congo, l’expert Ebola est resté longtemps là où il avait le plus besoin : dans son propre pays. Comme aujourd’hui, lors de l’épidémie de maladie infectieuse mortelle dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri, près de la frontière avec l’Ouganda. Plusieurs Congolais ont contracté le virus Ebola et plus d’un millier d’entre eux sont déjà décédés.

Avez-vous combattu le virus Ebola toute votre vie ?

Jean-Jacques Muyembe Tamfum : « Depuis quarante ans. J’étais déjà à Yam Buku, où le tout premier ebola épidemie a éclaté, en 1976 à un poste de mission belge du Sacré-Cœur de Marie de Gravenwezel. J’ai ensuite prélevé l’échantillon de sang d’une des sœurs, à partir duquel l’evir lavirus a ensuite été isolé à l’Institut tropical d’Anvers. A l’époque, personne ne savait que ce virus était dangereux. J’ai d’abord pensé que les malades de Yambuku avaient la fièvre jaune ou la fièvre typhoïde. J’ai ensuite pris des biopsies du foie de victimes, après quoi mes mains étaient couvertes de sang. Je savais que cela pourrait me coûter la vie : le virus Ebola se transmet par contact avec du sang.  »

Vous n’avez pas porté de gants ?

« Nous ne l’avions pas alors, tout comme les vêtements de protection que tout le monde porte maintenant. J’ai demandé de l’eau et du savon et me suis bien lavé les mains. Cela a dû me sauver la vie. Si je n’avais pas lavé ce sang de mes mains, je n’aurais pas été là pour vous maintenant.  »

Depuis la première épidémie, il y en a eu beaucoup d’autres au Congo et en 2014, il y a eu la grande épidémie d’Ebola en Afrique de l’Ouest, qui a coûté la vie à 11 000 personnes. Qu’est-ce qu’ils nous ont appris ?

« Je vais vous dire, ce qu’ils font en premier ne nous ont pas appris : nous ne savons toujours pas dans quelle espèce se cache le virus, entre les épidémies. Les chauves-souris, nous avons pensé, mais la preuve pour cela n’a jamais été fournie. Sur dix mille échantillons de sang prélevés sur les animaux, aucune trace du virus n’a jamais été trouvée.  »

Et qu’avons-nous appris ?

« Nous avons un vaccin aujourd’hui, même deux. Avec le premier, Van Merck, des dizaines de milliers de personnes ont déjà été vaccinées. Avec la seconde, de Johnson & Johnson, quelques centaines de personnes ont été vaccinées. Dans le second cas, il s’agit d’un test medical : nous ne savons pas encore si le vaccin offrira une protection.  »

Quel est le plus grand défi dans la lutte contre l’épidémie actuelle ?

« C’est un cauchemar logistique. De Kinshasa, nous devons avoir du matériel, des médicaments et des aides sur place. Le Congo est un pays immense, comme vous le savez, et les routes sont en très mauvais état. De plus cette zone où nous devons fonctionner est dangereuse pour les travailleurs humanitaires. Une centaine d’employés ont déjà été tués ou blessés lors d’attaques contre nos centres médicaux.  »

Les rebelles tirent sur les hôpitaux. Les équipes qui enterrent les morts de manière sûre et stérile sont attaquées à la machette…

L’épidémie a éclaté dans la zone de conflit, où des milices de toutes sortes sont desservies. Mais la population attaque aussi parfois des travailleurs sociaux : il y a une rumeur selon laquelle le personnel médical est en train de propager le virus Ebola pour exterminer des habitants de la région. Certains politiciens l’acceptent et allument le feu. En conséquence, les familles vont cacher les malades au lieu de les emmener à l’hôpital. Le défunt reçoit alors un enterrement traditionnel à domicile, avec tous les risques d’infection associés. C’est ainsi que l’épidémie se propage.  »

Médicaments expérimentaux contre le dépistage des maladies, est-ce très difficile ?

“ Sans aucun doute. Ces tests ne sont pas très prometteurs. Par exemple, nous testons actuellement trois anticorps produits par la biotechnologie. Ce sont des anticorps monoclonaux, basés sur les anticorps qui ont guéri des patients dans leur sang. Ce sont des médicaments complexes qui doivent être administrés par perfusion ou par perfusions successives : une pendant cinq heures, puis deux pendant trois heures. Nous devons attendre et voir s’ils fonctionnent. Les expériences sont à un stade précoce.  »

GH/Bart De Waele

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