Santé

La malnutrition, le nouveau contrecoup de l’exploitation illégale de l’or : Course contre la montre pour sauver des vies au Maniema

La malnutrition fait des ravages au Maniema, province de l’Est de la République Démocratique du Congo. Selon les chiffres de l’ONG internationale Médecins Sans Frontières (MSF), en 2021, près de 2460 enfants ont été atteints par la malnutrition, particulièrement dans la ville de Salamabila. Des cas des décès ont accru parmi les enfants touchés par une malnutrition aiguë. Selon le Docteur Pierrot Yale, médecin traitant pour le compte du bureau central de la zone de santé, MSF a lancé une initiative visant à réduire les décès d’enfants dûs à la malnutrition en formant et en équipant 112 personnes de la communauté locale afin qu’elles puissent détecter la malnutrition à un stade précoce. Ces agents de santé communautaires « préventifs et curatifs » aident les parents à surveiller l’état de santé de leurs enfants. De juillet à décembre 2021, l’équipe de l’hôpital général de référence de Salamabila a traité un total de 398 enfants de moins de six ans pour malnutrition aiguë et sévère.

Dans la ville de Salamabila, MSF a mis en place un centre de nutrition thérapeutique intensive de l’hôpital général qui traite en moyenne 30 enfants par semaine pour malnutrition. En plus de la malnutrition, le Docteur Pierrot Yale affirme que le paludisme frappe également les enfants de bas âge. Ces deux maladies, ajoutées à la pauvreté, constituent une menace permanente à la vie des plus jeunes à Salamabila.

Le médecin traitant a déclaré que les équipes de MSF font une sorte de course contre la montre pour sauver des vies. Comme pour attester les dires du médecin traitant, une dame tient dans ses bras sa fille dont le cas a été stabilisé.

Arrivée il y a quatre jours, Feza, 4 ans, se fait soigner de malnutrition aiguë modérée. « Quand elle est arrivée, elle avait une forte fièvre », explique le Dr Pierrot Yale. « Elle souffre de la malnutrition et elle avait le paludisme, ce qui a aggravé son état. Nous avons dû lui faire une transfusion sanguine et aujourd’hui elle va beaucoup mieux », dit le médecin.

« Différents facteurs expliquent l’augmentation de la malnutrition », explique Jean-Marie Kamungu, infirmier MSF à l’hôpital général de Salamabila.

La ville croupit dans un dénuement total

« D’une part, l’exploitation de l’or est considérée comme l’activité la plus importante pour la survie, mais il n’est pas facile de travailler dans la production artisanale de l’or. D’autre part, les gens ont peur d’aller dans les champs par crainte de la violence. Par conséquent, par manque des moyens, les enfants ne sont nourris que d’un ou deux types d’aliments, ce qui n’est pas suffisant. », ajoute Jean-Marie Kamungu.

La ville de Salamabila connait une problématique majeure : Des creuseurs artisanaux de l’or tentent de pénétrer les zones d’exploitation industrielle pour creuser l’or artisanal. Ce qui créé un véritable problème, car ils y sont régulièrement et brutalement pourchassés par la police, parfois à coup des balles réelles. Cette question des creuseurs artisanaux qui s’infiltrent dans les zones industrielles est dans toutes les provinces de la RDC.

Au Lualaba, la chasse des creuseurs artisanaux s’est plusieurs fois soldée par mort d’homme. Depuis que le Code minier de 2018 a reconnu et autorisé l’exploitation artisanale, cette activité qui n’est plus illégale, a pris de l’ampleur.

Selon les chiffres du Service d’assistance et encadrement de la mine artisanale à petite échelle (SAEMAPE), la RDC compte environ 2 500 000 creuseurs artisanaux. Sauf que les travailleurs artisanaux ne sont pas autorisés à exploiter dans les zones industrielles. Selon la loi, ces creuseurs doivent s’inscrire dans des coopératives, autrement, leur travail est illégal.

A Salamabila, les tensions autour des zones industrielles convoitées par les artisanaux se sont intensifiées. « Au fur et à mesure que le conflit s’est intensifié, l’impact sur les résidents locaux s’est accru. La population locale a été exposée à la violence et chassée de chez elle, ce qui a entraîné une détérioration de sa condition sociale et de sa santé, notamment une augmentation des niveaux de malnutrition chez les enfants », selon les cadres locaux de MSF.

Selon le Code minier en vigueur en RDC, l’autorisation de l’exploitation artisanale des mines oblige les Pouvoirs publics à créer des zones d’exploitation artisanale. Pourtant, près de 4 ans après la mise en place de la nouvelle loi minière, ces zones n’ont toujours pas été créées.

Selon Paul Mabolia Yenga, Directeur général de la Cellule Technique de coordination et de planification minière, le besoin de créer des zones d’exploitation artisanale se bute au manque des moyens financiers qu’éprouve l’État. Ce cadre du secteur minier l’avait dit à Géopolis Hebdo en décembre 2021, au cours d’une conférence de presse organisée par la chambre des Mines de la Fédération des entreprises du Congo (FEC).

Selon le ministère des Mines, en 2021, 19,09 Kg d’or d’exportation sont provenus de l’exploitation artisanale pour une valeur d’à peine 1 million USD. Le même ministère des Mines estime entre 20 et 30 tonnes la production artisanale de l’or par an en RDC. Selon l’ONG PACT, un organisme qui œuvre dans la diligence dans l’exploitation des ressources naturelles, plus de 90% de la production artisanale de l’or vient de la contrebande et échappe totalement au contrôle de l’État congolais.

Patrick Ilunga

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