Société

L’arrivée des troupes Kenyanes à l’Est : Une éventualité qui pourrait aider la RDC

Dans une interview exclusive, Nicaise Kibel Bel Oka, chercheur, journaliste-spécialiste des questions sécuritaires et militaires analyse les dernières annonces faites par le premier ministre et le président de la République en ce qui concerne la nouvelle approche qui pourrait être appliquée dans la lutte contre l’insécurité dans l’Est de la RDC. Loin d’être dans un optimisme béat ou un pessimisme excessif, le chercheur dit attendre le résultat de la nouvelle politique pour juger. Néanmoins, Kibel Bel estime que l’éventualité de l’arrivée des troupes Kenyanes en RDC sera une bonne chose, du fait de leur expérience dans le combat contre le terrorisme. Mais il faut pour cela, que les choses marchent bien, insiste le chercheur.

Interview

GH : Selon le programme du gouvernement Sama Lukonde, Pour pacifier le pays, le président prévoit même l’éventualité de la proclamation de l’État d’urgence sécuritaire dans des zones en proie au conflit, avec comme conséquence, notamment, le remplacement de l’administration civile par l’administration militaire. Selon vous, cette éventualité pourrait-elle marquer un tournant dans la lutte contre l’insécurité dans les Kivu et l’Ituri ?

N. Kibel : Il revient aux députés qui sont les représentants du peuple d’apprécier. Et si les députés acceptent cette proposition, cela veut dire qu’ils auront évalué les chances de la réussite d’une telle opération. Parce qu’il faut dire que depuis 7 ans, tous les moyens qui ont été mis en marche pour lutter contre les ADF n’ont pas donné des résultats escomptés. Et si c’est cela la solution, je pense que nous devons observer et juger au résultat.

GH : Le gouvernement Sama Lukonde prévoit aussi de poursuivre l’organisation des barzas communautaires et intercommunautaires dans l’Est. Est-ce, là, la meilleure solution que de proposer simultanément des réponses militaires et non militaires pour la RDC, elle qui est en proie à une guerre asymétrique et au terrorisme ?

N.K : C’est vrai que les barzas intercommunautaires ne datent pas d’aujourd’hui. Comme vous l’avez souligné, nous sommes dans une guerre asymétrique et dans une telle guerre, on a besoin de la collaboration de la population. Nous pensons qu’on ne peut pas seulement prendre l’aspect militaire, mais il faut prendre tous les aspects d’une guerre globalisante et hybride. Les barzas pourront jouer une partition qui pourra aider le gouvernement à trouver des solutions un peu plus rapides. Ce qui se passe dans l’Est c’est que, il y a des groupes armés qui agissent au nom de leurs communautés. En ce moment-là, il n’y a que les notables dans les barzas qui pourront arriver à trouver des solutions idoines et adéquates.

GH : Il ne vous a pas échappé aussi que le président Tshisekedi a annoncé l’arrivée prochaine des troupes Kenyanes pour appuyer les FARDC. Quelle lecture faites-vous de cette éventualité ?

N. K : D’une manière ou d’une autre, il faut noter que le Kenya est le parrain du CACH( Cap pour le changement). Il est normal qu’on puisse faire appel au parrain quand la situation ne marche pas. C’est le premier aspect. Pour le deuxième aspect, je pense que si jamais les troupes Kenyanes arrivent, elles pourront renforcer les troupes. Parce qu’on a besoin de plus de troupes. Mais le problème n’est pas seulement le nombre, il faut apporter une lecture nouvelle dans cette guerre asymétrique pour arriver à mettre fin au drame que vit la population. Donc nous espérons que si ces troupes viennent, elles ne viendront pas faire du surplace mais, elles apporteront une nouvelle approche, parce que les Kenyans se battent en Somalie contre les Shebbab. Leur expérience peut aussi nous aider.

GH : Mais quel pourrait être le revers d’une telle alliance ?

Le revers pourrait être au niveau régional. Il faut que, au niveau de la sous-région des Grands Lacs, à la CIRCGL, il y ait un même langage pour ne pas avoir de dichotomie.
Sans être pessimiste, mais je pense que si ça ne marche pas, toute la région pourrait en pâtir. Les terroristes sont partout. Vous savez qu’il y a des Kenyans qui sont dans les ADF, il y a des Ougandais, des Tanzaniens. Il faut coordonner tout cela. En principe, au niveau militaire et au niveau des renseignements ça se fait, mais il reste au niveau des troupes au sol. Nous espérons que ça marchera, mais si ça ne marche pas, il faut craindre la balkanisation.

Propos recueillis par Patrick Ilunga

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