Economie

Les défis que devra affronter le gouvernement à venir / Kabeya Tshikuku :  » le Congo doit se remettre au travail en réduisant le chômage des forces productives qui sont au pays »

Alors que le Congo a amorcé une phase importante de son histoire, un tournant pour se relever et se remettre en ordre de marche, après le constat déchec de la coalition FCC-CACH, le pays na plus droit à un faux pas. A présent, tout ou presque, dans léconomie du pays ressemble à un gouffre. Pour sortir de ce bourbier économique, le gouvernement à venir doit relever un grand nombre des défis. Selon le professeur Kabeya Tshikuku, enseignant déconomie, il y a une certaine priorité dans ce que la nouvelle équipe de lexécutif doit faire. Dans un entretien avec Géopolis Hebdo, le professeur Kabeya séquence les priorités en plusieurs points, plusieurs thèmatiques. Cela va des réformes agraires, la meilleure utilisation des ressources humaines, laccès au crédit, laccès aux informations économiques, la formation, à la rédynamisation du secteur de production. Plus que tout, le professeur Tshikuku insiste sur les mutations quil faut mettre en place dans le domaine de lagriculture. Un peu comme pour rappeler le leitmotiv énoncé par le president Félix Tshisekedi il y a peu: le sol doit prendre sa revanche sur le sous-sol.

Interview exclusive

GH : Monsieur le professeur, en votre qualité de doctrinaire et spécialiste en économie, pourriez-vous nous énumérer les défis économiques que devra affronter le gouvernement à venir ?

L.K.T : Les defis économiques que devra affronter le nouveau gouvernement sont des défis anciens et actuels. Anciens, parce que nous traînons derrière nous, en tant que pays, des problèmes qu’on aurait dû résoudre depuis les années 40. Les problemes que la colonisation a raté de résoudre et qui ont été des prétextes suprêmes pour le peuple congolais, pour demander son indépendance. Et ces problèmes sont réels. Ils n’ont jamais été résolus.

Le premier problème c’est celui de l’agriculture.
Notre agriculture telle qu’elle, est organisée sur le plan traditionnel avec la houe, l’allumette et les semences non sélectionnées, en forêt comme en savane, n’est plus capable de nourrir la campagne, la ville et en même temps expédier des produits en vente à l’extérieur et tenir le rythme de la demande d’industrie de la transformation intérieure.

Ces quatre tâches ne sont pas possibles avec ce que nous avons comme agriculture. Et donc Il faut cette fois-ci provoquer des mutations dans l’agriculture et la mutation commence par la réforme foncière.

La terre du Congo est une terre immensément riche et diversifiée, mais elle n’est pas accessible à ceux qui veulent la travailler.

Il y a beaucoup d’obstacles, notamment, les obstacles adminitratifs, coutumiers, les obstacles de croyance, les obstacles financiers et les obstacles de toutes sortes. La terre congolaise n’est donc pas disponible pour les congolais qui veulent travailler.

Si vous voulez par exemple faire un grand élevage au grand Bandundu, vous devez négocier avec les autorités coutumières, avec des voleurs des betailles et les administratifs qui prennent des impôts de gauche à droite.

Vous serez tellement découragé que vous n’arriverez pas à faire l’élevage au Bandundu.
Il en est de même de grandes cultures: Vous avez dix hectares, mais le nombre des voleurs et de ceux qui viennent vous accuser d’empiéter sur la terre de leurs ancêtres ne vous encouragera pas à avoir une bande importante pour cultiver. Donc cette agriculture n’est pas mécanisable, car on ne mécanise que quand on a de grandes surfaces. Et on na de grandes surfaces que quand on arange le peuplement.

Que le gouvernement essaie d’arranger l’habitat d’un côté pour dégager les terres agricoles en continuité de manière à passer avec tracteur. Et à ça, nous n’y arrivons pas. Il faut des réformes agraires, mais ces réformes agraires, j’insiste, ne se fera pas à notre avantage ici au Congo si on ne veille pas à contenir les convoitises extérieures.

Les terres arrosées par des pluies comme nos terres, sont convoitées par tous et beaucoup des peuples ont les moyens de faire pression sur nous pour que les réformes agraires soient à leur profit.

Il faut cependant que les Congolais soient de ce point de vue-là très vigilants. Les réformes agraires, si je les suggère comme réformes à faire rapidement c’est pour l’intérêt des congolais et non pour l’intérêt des étrangers.

La deuxième réforme c’est revoir un tout petit peu les réformes qui ont été faites à la hate. Par exemple les réformes sur l’accès à la forêt. Il y a des entreprises étrangères qui sacrifient au jour le jour nos forêts, alors qu’il nous faut trois à quatre siècles pour que ces forêts se recréent.

Le gouvernement à venir doit aussi revoir les contrats de l’abattage des bois, les contrats forestiers, les contrats miniers, ainsi de suite.
Il doit également revoir le contrat de travail, valoriser les ressources nationales et éviter par exemple que les entreprises étrangères, comme nationales qui utilisent la main d’oeuvre locale ne la gaspillent.

Revoir les lois sur le commerce

Il faut également revoir les lois sur le commerce. Ces lois octroient des avantages aux nationaux. Mais malheureusement aujourd’hui les étrangers sont sur tous les commerces allant du commerce le plus gros jusqu’au commerce le plus petit en maîtrisant toute la chaîne.

Ce genre de monopoles verticaux est contraire à la loi. Le gouvernement doit faire respecter la loi de ce point de vue-là. Cela demande également qu’il y ait le contrôle et des sanctions. Aussi, les congolais qui ont des capacités, doivent être encouragés à entreprendre dans ce domaine.

Du côté production

En ce qui concerne la production, nous avons quelques universités et instituts qui font des recherches, mais malheureusement on na jamais exploiter ce qu’on a comme patrimoine des résultats de ces recherches.

Le pays n’as jamais financer des recherches du développement dans notre pays. Le gouvernement à venir devra passer dans les universités et instituts de recherches, prendre les résultats accumulés dans les tiroirs depuis, pour les appliquer sur le terrain. Il devra valoriser le travail de réflexions scientifiques qui a été abattu par les congolais et financé par la population congolaise.

Nous avons toutes sortes de catégories d’experts que nous formons à l’intérieur de ce pays à nos propres frais, mais que nous donnons gratuitement aux autres pays qui les exploitent.
Le pays la RDC assume le coup de la production de ces hommes et femmes, et les autres les exploitent. Ce qui n’est pas normal.

Aujourd’hui les gens sont contraints de s’expatrier parce que les revenus sont très faibles, les emplois sont rares et instables, ainsi de suite.

Alors si l’on veille à ça, il y a lieu d’arriver à retenir l’expertise nationale ici à domicile, de la faire travailler de façon à ce qu’elle contribue à la prospérité nationale.

Accès au crédit

L’accès au crédit n’est pas dans notre pays un accès égal. Quand on est congolais et quand on est étranger, cest tout à fait différent. Le gouvernement devra donc démocratiser l’accès au crédit, le rendre beaucoup plus large.

L’accès à l’information économique

La foire qui était construite pour que les gens viennent y faire les démonstrations, et que les jeunes s’inspirent de ce que les autres peuples font à l’extérieur n’existe presque plus.
LEtat doit redynamiser la foire, encourager le monde des affaires congolais à participer à des foires expositives à l’extérieur du pays pour copier les autres peuples dans ce qu’ils ont de meilleur.

Redynamiser la formation professionnelle

Il faut que le gouvernement assume un peu plus ses responsabilités sur l’INPP. Cette structure a une coopération extérieure très convenable depuis un certain temps, mais il faut que le gouvernement y mette du sien et encourager les entreprises à envoyer des hommes et des femmes se former.

Il y a toute une série des choses qu’il faut faire pour redinamiser le secteur productif de notre pays, le rendre encore plus performant de manière à élargir notre productivité et améliorer la qualité de production de ce que nous fabriquons sur place ici au Congo.

La maîtrise du taux de change et de la gestion de la monnaie

Notre monnaie est mise en étroit par le dollar. Pourquoi par le dollar ? parce que, le dollar représente la grande majorité des entreprises multinationales qui sont installées dans notre pays et qui constituent à peu près 85% d’investissements dans notre pays et nous ne pouvons donc que fonctionner avec une monnaie étrangère. Mais si vous fonctionnez avec le dollar, vous perdez le bénéfice d’une monnaie nationale.

Il y a plusieurs leviers qu’on peut actionner quand on est maître de sa propre monnaie et quand cette monnaie occupe tout l’espace de l’économie nationale.

En définitive, le Congo doit se remettre au travail en réduisant le chômage des forces productives qui sont là, car l’expertise et le peuple travailleur chôment de manière cruelle d’une part; et d’autre part, des ressources financières de la terre, des forêts, des eaux chôment aussi et entre temps le peuple est au milieu, affamé et réduit à sa plus simple expression.

Propos recueillis par Édouard Funda

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