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Mbuji-Mayi : Les journalistes et la centrale électorale diagnostiquent le travail des médias locaux

La salle polyvalente Polycarpe Mpoyi de CEFOP/DH a abrité, le 10 octobre 2018, un atelier d’évaluation de la couverture médiatique du processus électoral dans la province du Kasaï oriental. Ces assises ont été organisées par l’Observatoire de la Liberté de la Presse en Afrique (OLPA) dans la ville de Mbuji-Mayi. A cette occasion, Kabongo Mbuyi, membre de la délégation de l’OLPA dans la capitale diamantifère, a tenu à rappeler que l’organisation met en œuvre un projet sur la défense de la liberté de la presse durant le cycle électoral en RDC. Ce projet est soutenu par la Fondation nationale pour la démocratie (NED). Il a également expliqué la mission essentielle de l’OLPA ainsi que le contexte dans lequel se tient cet atelier et les attentes des uns et des autres.

Dans son allocution d’ouverture, M. Denis Kalombo, ministre provincial de la jeunesse, sports, éducation, communication et Médias du Kasaï oriental, a remercié l’ONG OLPA pour avoir choisi sa province pour l’organisation de cette activité. Il a estimé que le diagnostic qui sera fait sur le travail des journalistes et des médias lors des échéances électorales permettra aux professionnels de la presse de rectifier le tir et d’accompagner le gouvernement provincial dans son ambitieux projet de sortir la province du sous-développement.

 

Lors de sa communication axée sur la lecture de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) sur le rôle joué par la presse de Mbuji-Mayi durant le processus électoral : les défis et perspectives d’avenir, M. Nicolas Kalambayi wa Kalambayi, secrétaire exécutif provincial de la CENI, a expliqué que face à la mission gigantesque de son institution, cette dernière ne peut pas tout faire. C’est pourquoi, à titre exemplatif, la sensibilisation a été confiée à la société civile avec ses composantes. « L’apport des médias était toujours mis à contribution pour relayer les informations électorales dans l’arrière-pays », a-t-il déclaré. Et de rappeler une décision du 19 février 2018 de la CENI qui stipule que le but de l’intervention des journalistes dans le processus électoral est de recueillir les éléments d’informations sur le déroulement des opérations électorales et les mettre à la disposition de l’opinion publique. Pour couvrir ces opérations, le journaliste doit être accrédité par la CENI. La demande d’accréditation doit être introduite par l’organe de presse ou par le journaliste lui-même s’il est indépendant, tout en précisant que ce dernier n’est pas pris en charge par la CENI. Faisant l’état des lieux, Nicolas Kalambayi a déploré le fait que lors de l’opération d’enrôlement et inscription des électeurs, seul un journaliste a été accrédité à Mbuji-Mayi. Aucun lors des inscriptions des candidats et 33 lors des scrutins combinés du 30 décembre 2018 dont 31 de Mbuji-Mayi et 2 en provenance de Miabi. Il s’est étonné de l’afflux des journalistes lors des sénatoriales et des élections des gouverneurs des provinces.

Aspects positifs et négatifs

Le secrétaire exécutif provincial a relevé entre autre progrès le fait que les grands évènements électoraux ont été rapportés par les médias locaux. Il a salué particulièrement les séances publiques de sensibilisation sur la Machine à voter organisées par la Radio-télévision nationale congolaise (RTNC/Mbuji-Mayi) et Radio-télé Fraternité. Il note aussi que la campagne électorale a été abondamment diffusée et a occupé tout l’espace audiovisuel. Pour ce qui est de négatif, il a déploré la diabolisation de la Machine à voter par certains journalistes, propageant de faux bruits. Le non-respect du Code d’éthique et de déontologique lors de la diffusion de certaines émissions, le faible pourcentage d’accompagnement journalistique à l’intérieur du Kasaï oriental soit 2 sur 6 et le très peu d’intérêt dans la sensibilisation des électeurs. Ce comportement a eu pour conséquences : l’augmentation du nombre des doublons, l’absence des recours individuels après inscription des électeurs, déportation des électeurs vers d’autres circonscriptions, non-respect de la durée légale de la campagne électorale, diffusion de mauvaises nouvelles sur la CENI, mauvaise interprétation de la règle du « plus fort reste », intoxication de la population lors de l’élection des gouverneurs. Au regard du caractère sensible du processus électoral, il a appelé la presse à faire usage des concepts : Savoir, savoir être, savoir-faire. En d’autres termes, les journalistes devront privilégier la compétence, le professionnalisme et la responsabilité. Ils devront rechercher uniquement la vérité et la traiter en toute responsabilité en veillant sur l’encadrement des intervenants à leurs programmes.

Le libertinage des journalistes dits patriotes

De son côté, le président du Comité provisoire de l’Union nationale de la Presse du Congo (UNPC), section Kasaï oriental, Louis Kabongo, a jeté un regard critique sur la couverture médiatique des élections par les hommes des médias du Kasaï oriental. « La presse a fait l’essentiel de sa mission de récolter l’information, la traiter et informer le public sur le processus électoral », a-t-il lâché. Et de renchérir que ce travail s’est fait dans un environnement hostile et les journalistes ont été victimes des actes de vandalisme des acteurs politiques ou de leurs sympathisants, et leur matériel de travail endommagé. En tant que sentinelle, le Comité provisoire de l’UNPC Kasaï oriental a veillé à la prestation de ses membres. Il a tenu à défendre leurs droits et libertés. Des cas des violations de la liberté de la presse ont été répertoriés et les autorités provinciales ont été saisies pour ce faire. « Dans l’exercice de leur métier, les journalistes sont confrontés à un stress émotionnel lorsqu’ils couvrent des sujets sur des barrières clandestines, des tracasseries de toute forme ainsi que la mauvaise gouvernance », a fait remarquer Louis Kabongo. Critiquant la couverture médiatique des élections, il a fustigé la violation des règles du métier par des journalistes. C’est l’une des conséquences du pluralisme médiatique consacré depuis 1996. Pendant la période électorale, le libertinage a pris le dessus et des journalistes se sont étiquetés comme patriotes au lieu d’être professionnels. Il a aussi déploré la forte tendance à un mimétisme généralisé dans la conception des programmes des médias du Kasaï oriental, expliquant que la démocratie sous-entend aussi la liberté de concevoir des produits de qualité pour un audiovisuel de qualité. La loi du moindre effort, surtout à la télé, dicte beaucoup des responsables des chaînes à diffuser des programmes sans en acquérir les droits, amplifiant la descente aux enfers de la production locale en éloignant les téléspectateurs de leurs réalités. A cette faiblesse s’ajoute aussi la propension de nombreux acteurs sociaux et politiques dans l’acquisition des entreprises de presse, détournant celles-ci de leurs missions essentielles. « Il y a urgence pour que la profession ne soit laissée à quiconque pour éviter le discrédit jeté sur la presse du fait de leurs bavures », a-t-il lancé. Pendant la période électorale, plusieurs journalistes ont failli dans le respect de la neutralité et l’objectivité. Les dégâts ont été limités par le Conseil supérieur de l’audiovisuel et de la communication (CSAC) au travers de sa sous-commission de vigilance de l’éthique électorale.

Kabongo Mbuyi, avocat et acteur de la société civile, s’est penchée sur la surveillance de la liberté de la presse par les organisations de la société civile. Il a expliqué d’emblée que l’OLPA a commencé ses premiers pas dans la ville de Mbuji-Mayi vers les années 2005 dans la commune de Diulu avant que son siège social ne soit transféré à Kinshasa. Une équipe des observatrices électorales de l’OLPA été accréditées par la CENI pour surveiller la couverture médiatique du processus électoral dans les centres et bureaux de vote. La tension observée à la fin de l’année 2018 a été à la base de plusieurs entraves à la liberté de presse, citant entre autres la coupure de l’internet et des messages courts (SMS), la coupure de signal de certains médias et les actes d’intimidation contre les correspondants des médias internationaux… A l’issue des communications, deux groupes de travail ont été mis en place. L’un a réfléchi sur les obstacles à la liberté de la presse au Kasaï oriental, et l’autre a fait un état des lieux sur la couverture des élections de 2018. Des recommandations suivantes ont été faites : multiplication des séances de sensibilisation et de formation au profit des professionnels de la presse, la matérialisation de la subvention de l’Etat aux médias, l’acquisition des cartes de presse par les journalistes par le biais de leurs entreprises, la signature des contrats de travail dans les maisons de presse, la sécurisation des journalistes et de leur matériel de travail, le respect des règles du métier, promouvoir une franche collaboration entre la CENI et les médias. Dans son mot de clôture, le Secrétaire exécutif de l’OLPA a exhorté les journalistes du Kasaï oriental à s’adapter aux mutations actuelles de la société congolaise, à créer des médias en ligne, à diffuser leurs programmes sur internet et à observer l’abécédaire du journalisme. Face au besoin de formation exprimé par les participants, il a promis l’organisation prochaine d’autres assises dans cette province si l’organisation a des moyens qui seront mis à sa disposition.

Théodore Ngandu

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