Economie

Pour ou contre l’Audit de gestion dans les entreprises du secteur de Transports ? : Deux Ministres divergent sur la question


Depuis quelques jours, le grand public congolais, assiste à une forme de jeu de Ping-pong entre deux membres du gouvernement de la République, chapeauté par le Premier ministre Jean-Michel Sama Lukonde, à travers des correspondances interposées autour d’une importante question liée à la gestion de la chose publique. En effet, en date du 29 Avril 2021, le Ministre des Transports et voies de communication, Chérubin Okende, a saisi, par une correspondance, sa collègue du Portefeuille, la Ministre d’Etat Adèle Kayinda, pour obtenir d’elle la collaboration pour l’organisation d’un audit de gestion et l’état des lieux des entreprises et établissements publics du secteur des Transports et voies de communication. Une lettre à laquelle, la patronne du Portefeuille a répondu favorablement. Par sa lettre d’accusé de réception datée 10 Mai 2021, à travers laquelle, elle accorde son accord de principe notamment sur la mise sur pied d’une équipe d’experts du Conseil Supérieur du Portefeuille (CSP) et les termes de référence pour l’exécution de la mission d’audit de gestion sollicitée par son collègue Ministre des Transports et voies de communication.

Mais à la grande surprise, dans sa lettre datée du 20 mai 2021, la Ministre d’Etat en charge du Portefeuille, Adèle Kayinda, revient sur sa correspondance du 10 mai dernier et suspend la mission d’audit que les experts du Conseil Supérieur du Portefeuille auraient déjà été à pied-d’œuvre dans les entreprises concernées.

Dans sa lettre, Adèle Kayinda justifie sa position de rejeter cette mission d’audit de gestion par le fait que les entreprises publiques sont à ce jour des sociétés commerciales régies par le droit commun et par conséquent, au regard de la Loi portant dispositions générales relatives à la transformation des entreprises publiques,  » la notion de tutelle a été supprimée pour permettre à ces entreprises d’évoluer suivant leurs statuts propres  ». Poursuivant son argumentaire, Adèle Kayinda note que les entreprises publiques citées dans la lettre de son collègue des Transports évoluent certes dans le secteur dont il a la charge de règlementation et de régulation,  » mais comme toute autre société du secteur, les questions relatives à l’évaluation de leur gestion relèvent plutôt de leurs actionnaires et dans le cas d’espèce, du Ministre du Portefeuille avec lequel leurs mandataires sont liés par un contrat-mandat « .

Tout en se basant aussi sur les instructions du Président de la République Félix-Antoine Tshisekedi liées notamment aux états des lieux qui seraient en cours de réalisation, sous la supervision du Ministère du Portefeuille, Adèle Kayinda a jugé d’interrompre simplement la mission d’audit sollicitée par son collègue des transports.

 » Force m’est d’interrompre la mission des experts du CSP que vous avez sollicitée pour les missions d’audit de gestion et états des lieux dans les entreprises publiques de votre secteur  », peut-on lire dans sa missive.

Réponse du berger à la bergère, dit-on. La réplique du Ministre des Transports et voies de communication ne s’est pas faite attendre face à ce revirement de la Ministre d’État en charge du Portefeuille.

Pour Chérubin Okende, l’interprétation faite de la notion de tutelle ne tient pas debout.  » Il me paraît impérieuse que la compréhension ou la mauvaise interprétation de la notion de tutelle ne puisse travestir de la responsabilité du Gouvernement et du Ministre telle que prescrite aux dispositions de la Constitution « , a noté Chérubin Okende.

Très indigné de la position de sa collègue du Portefeuille, Okende rappelle avec étonnement le fait que la même Ministre, dans sa lettre du 15 mai 2021, elle a pris le soin de lui transmettre la liste des experts et les termes de référence relatifs à la mission d’audit de gestion préconisée.

 » Il m’est dès lors difficile de comprendre que cette transmission eut été faite sous votre examen et prise de connaissance préalable de ces derniers comme relevé dans votre lettre en exergue « , écrit Chérubin Okende.

Tout en rejetant en bloc les arguments avancés par la Ministre d’Etat Adèle Kayinda, le Ministre des Transports et voies de communication qui dit s’inscrire dans la vision du Chef de l’Etat en sollicitant cette mission d’audit de gestion, souligne, selon lui, que la mauvaise l’interprétation faite par sa collègue de la notion de tutelle est à la base des dérives faisant croire à certains mandataires qu’ils devraient disposer de ces entreprises de l’Etat comme des biens sans maître.

Évoquant la question des réformes des entreprises publiques menées par le Comité de Pilotage de la Réforme des Entreprises du Portefeuille (COPIREP) et le Ministère du Portefeuille à l’époque, question soulevée par sa collègue du Portefeuille dans sa lettre, le Ministre Okende souligne sans crainte que :  » ces réformes sont un échec total qui précarise la situation du portefeuille de l’État  ».

Chérubin Okende invite même sa collègue à aider le Gouvernement de la République à corriger cet échec qu’il qualifie  » d’incongruités qui nuisent aux intérêts de la République « .

Pour le Ministre des Transports, la décision prise par sa collègue du Portefeuille d’interrompre la mission d’audit de gestion et l’état des lieux dans les entreprises et établissements publics du secteur des Transports et voies de communication, est prise de manière unilatérale et porte atteinte au principe de solidarité des membres du Gouvernement.

 » En tout état de cause, votre décision unilatérale d’interrompre la mission des experts du CSP alors que nous pouvions envisager une solution concertée, affecte non seulement la solidarité entre les membres du Gouvernement mais aussi jette le discrédit sur mon action, incitant certains mandataires indélicats à chasser sans ménagement les experts du CSP commis à cette mission « , s’est indigné Chérubin Okende dans sa lettre de réplique.

A la lumière de ce qui précède, il est sans nul doute impérieux que pour des questions aussi liées à l’intérêt de la République, que les deux Ministres puissent à tout prix envisager des solutions d’ensemble, dans une vision partagée. Étant membre d’un Gouvernement qui prône la bonne gouvernance et la lutte conte les antivaleurs dans la gestion de la chose publique, toute démarche liée à cette vision ne peut qu’être soutenue par les membres du Gouvernement dit des warriors qui devront rendre compte à la population.

Comme l’a souhaité le Ministre des Transports et voies de communication dans sa réplique, un réajustement des décisions dans une large vision partagée s’avère indispensable en vue de permettre au pays d’avancer. Se livrer à ce stade à un bras de fer, ne résoud pas la question. Dossier à suivre !

Théodore Ngandu

Click to comment

Leave a Reply

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

To Top