Economie

Rapport préliminaire de l’ITIE : La Sicomines botte en touche, mais le flou persiste

13 ans après la conclusion du contrat Sino-congolais et 12 ans après sa renégociation entre la RDC et des entreprises chinoises, une sorte de flou entoure ce dossier. Si à présent, les experts et observateurs du secteur minier attendent le rapport officiel de l’ITIE, le rapport préliminaire qui circule dans les réseaux sociaux et dont certains médias ont fait écho, accable le contrat Sino-congolais, le qualifiant d’un « préjudice sans précédent dans l’histoire du Congo ».
Parmi les griefs faits au « contrat du siècle », une participation inéquitable au capital des joints ventures. Alors que la RDC apporte l’essentiel des actifs de cette joint-venture sous formes de gisements miniers, elle n’a que 32% des parts sociales. De plus, l’étude de faisabilité réalisée par les Chinois a largement sous-évalué les réserves de ces gisements, ce qui accentue encore le préjudice.
Autre reproche formulé : l’existence d’un avenant au contrat. Cet avenant signé en 2017, serait en réalité un accord secret sur les bénéfices dont même le ministère des Mines ne serait pas au courant de l’existence. Cet avenant aurait prévu le versement de dividendes dès la première année aux actionnaires. Or c’est parce qu’il n’était pas question pour les actionnaires d’obtenir des dividendes que ce mégaprojet minier avait été exonéré du paiement de taxes douanières et fiscales.
Autre chose épinglé par ce rapport préliminaire, sur les trois milliards prévus pour les infrastructures, moins d’un milliard a été réellement décaissé par la partie chinoise, et de nombreux projets qui avaient été identifiés comme prioritaires n’ont jamais été réalisés. Parlant du contrat ayant créé la Sicomines, la ministre des Mines Antoinette Nsamba avait indiqué : « En, réalité, il s’agissait d’un contrat léonin parce qu’à ce jour, la Sicomines ne paie ni taxe, ni redevance. Pourtant la Sicomines exporte les minerais et importe le matériel et les produits d’exploitation gratuitement. Cette société est exonérée de tout, même en ce qui concerne le permis de conduire ».

Mais pour un officiel chinois de la Sicomines, cité par les confrères de Congo Réformes, « il est faux de dire que cet avenant était caché puisqu’il y a eu consensus entre les deux parties, chinoise comme congolaise, et que seule une petite partie des bénéfices devait être distribuée, l’essentiel servant au remboursement des prêts ».

L’État congolais n’avait obtenu que 32% des parts de la Sicomines, tout en apportant l’essentiel des actifs sous forme de gisements miniers et en assurant une exonération totale de la joint-venture sino-congolaise. Mais pour cet officiel de la Sicomines, tous ces avantages s’expliquent par le prêt de 6 milliards de dollars consenti par la Chine.

Il assure aussi que 43 projets auraient été menés à bien, notamment dans la capitale. Alors que l’ITIE estime que de nombreux projets qui avaient été identifiés comme prioritaires n’ont jamais été réalisés.

En somme, on dira que c’est parole contre parole. Plus que jamais, les observateurs attendent le rapport final ITIE pour juger. Il faut dire que le travail du rapport préliminaire a été réalisé par des consultants qui ne sont pas parties prenantes au dossier. On peut donc supposer que leur travail fait foie.

Et la voix du gouvernement dans tout ça ?

Il faut déjà précisé que le gouvernement tient beaucoup à avoir toute la lumière sur le contrat Sino-congolais et son exécution. Le chef de l’État lui-même a ordonné une évaluation par le ministre d’État en charge des Infrastructures et par la ministre des Mines. Selon le ministre d’État en charge des Infrastructures, Alexis Gisaro, cité par le compte rendu du conseil de ministres, l’exécution technique et financière des projets d’infrastructures retenus est seulement à 27,5%. « Sur un financement prévu de 3 milliards de dollars américains, le montant investi par la partie chinoise se chiffre à 825 millions de dollars américains (intérêt non compris)… Ce montant a été affecté à l’exécution de 40 projets dont 27 sont achevés et 13 en cours ».

« Un programme séquencé en six phases a été proposé pour le décaissement du solde de 2 milliards USD restants sur la période 2021-2025. D’où la nécessité de libérer les tranches de 150 millions USD prévus pour 2021 et 300 millions USD pour 2022″, précise le gouvernement qui poursuit  » le ministre d’Etat en charge d’Infrastructures et Travaux Publics a suggéré au Conseil de convaincre la Sicomines SA, au regard des flux de la Trésorerie enregistrés, à revoir son plafonnement du financement des projets d’infrastructures actuellement chiffré à 1,053 milliards de dollars américains ».

Pour ce qui est de l’exécution technique et financière du projet minier du contrat Sino-congolais. Le gouvernement note qu’il « ressort qu’environ 2,454 milliards de dollars américains ont été jusqu’alors effectivement investis sur un financement prévu de 3,2 milliards de dollars américains, soit un taux d’exécution de 77%. En ce qui concerne les problèmes majeurs d’ordre juridique, technique et financier constatés dans la convention de collaboration, la ministre des Mines a suggéré notamment une évaluation de l’exécution du projet minier par une commission interministérielle pour déterminer les dépenses engagées dans la mise en œuvre du projet et de se rendre compte du taux réel de l’exécution de la convention en vue d’envisager le futur ».

Cette commission a donc été mise en place et devrait soumettre les conclusions de ces travaux au conseil des ministres en deux semaines.

En toute logique, l’on est en droit de se demander si on pourra y voir clair dans ce qui ressemble à un écheveau à faire perdre la tête. Pendant que toutes les parties prenantes attendent le rapport de l’évaluation par l’ITIE, le gouvernement, via les ministères des infrastructures et des Mines, a fait aussi une évaluation. Mais une commission est mise en place par le même gouvernement, encore pour une évaluation. Le contrat du siècle, c’est du chinois, au propre comme au figuré.

Patrick Ilunga

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