Une nouvelle équipe s’installe à la tête de la Société Commerciale des Transports et Ports. Jean Masumbuko Mukengerwa et Jean-Pierre Bambi Nzita sont respectivement Directeur général et Directeur général adjoint de la SCTP à titre intérimaire. La nouvelle équipe a sur elle la lourde tâche de redresser l’ancien ONATRA, plus que jamais l’ombre d’elle-même depuis plusieurs années maintenant. Pour cela, la première chose à faire est de poser un diagnostic, un bon, à défaut duquel, le changement d’hommes n’aura servi à rien. Il est vrai que le changement des dirigeants au sein de cette entreprise publique est intervenu après que l’inspection générale de finances a soupçonné une mauvaise gestion, mais il faut, d’une part avoir une gestion saine au sein de la SCTP, et surtout améliorer l’outil de production. Car la SCTP est d’abord société de Transport et des Ports. Sans une bonne productivité dans les Transports et Ports, cette grande Société est totalement dépouillée de sa substance. Or c’est sur ces deux axes que résident les premiers défis à relever. La SCTP fait face à une concurrence des ports privés. Ces ports délestent l’ancien ONATRA d’une grande partie de ses revenus. On se rappelle qu’il y a quelques mois, le président Félix Tshisekedi avait dû intervenir pour ordonner « la fermeture immédiate » des ports privés à Kinshasa et dans la province du Kongo Central. Cette décision n’a jamais été suivie d’effets, car, du témoignage des agents de la SCTP, ces endroits d’embarquement « clandestins » fonctionnent encore à ce jour.
Jean Masumbuko et Jean-Pierre Bambi se doivent donc de porter le combat de fermeture des ports qui avaient été qualifiés d’illegaux par le gouvernement Ilunkamba.
Selon le magazine Jeune Afrique, un autre défi attend la SCTP : “Un terminal mixte traitant les conteneurs, les colis lourds et volumineux sera bientôt construit par le groupe de manutention philippin ICTSI, juste en amont de Matadi, sur la rive nord du fleuve. Ce terminal pourrait faire de l’ombre aux installations actuelles de la SCTP. Avec 10 % des parts, la SCTP n’en sera qu’actionnaire minoritaire”.
Pour ce qui est du défi de régénérer la SCTP comme société de Transports, le challenge est encore plus grand. La SCTP est censée exploiter 12 000 de voies fluviales. L’intensité de l’exploitation du fleuve des années 1980 n’est plus qu’un souvenir. La flotte fluviale est quasi inexistante aujourd’hui. Le souci logistique se pose avec acuité. La SCTP se doit de renouveler sa logistique et tous les engins importants comme des vedettes, des chalands, des remorqueurs, des élévateurs, des grues mobiles, des locomotives, des wagons, des voitures etc. La plupart des engins que dispose cette société publique datent des années 1950.
Selon nos informations, en 2018, la SCPT a acquis neuf autogrues qui lui permettent actuellement d’avoir une autonomie sur le chargement des containers dans les véhicules.
Un ancien dirigeant de la SCTP disait aussi que l’autre problème de cette entreprise est le manque d’un système de gestion informatisé du parc à containers pour permettre de les gérer facilement et de gagner du temps.
Aujourd’hui, l’essentiel des activités de la SCTP ont pris un sérieux coup de frein : le transport par la route a posé un énorme défi à l’ancien Onatra. Le transport par la route constitue donc une concurrence fatale au transport par la voix ferrée lequel représente 2 % seulement des moyens utilisés. Selon un ancien Directeur Général de cette société, l’ancien Onatra a commencé à connaitre de vrais problèmes à partir du moment où “les routes du Sud” ( routes menant à la Zambie) ont constitué la principale voie de sortie des produits miniers aux dépends des transports par le rail et par les voies fluviales. Le manque à gagner que représente ce changement est important. Selon un rapport de Global Witness, “les camions transportant les produits miniers peuvent payer jusqu’à 3000, voire 5000 dollars américains pour passer le poste frontalier du côté de Kasumbalesa”.
Du côté de Matadi, des tonnes de marchandises choisissent la route pour rallier Kinshasa. Cette réalité déleste la SCTP d’un grand pactole. Cette grande entreprise ne compte que 5 locomotives, dont 3 seulement sont en état de fonctionner. Ce sont ces mêmes locomotives qui doivent assurer le transport interurbain Kinshasa-Kasangulu. Avec ce déficit criant de matériel roulant, il est difficile de tenir la concurrence du réseau routier dont le rythme est rapide et est quotidien. La SCTP se doit donc d’intégrer le transport par la route afin de capter le flux financier qui lui échappe.
Au-delà du défi du renouvellement de l’outil de production, il y a l’épineuse question de la gestion des hommes. La SCTP compterait 15 000 agents, actifs comme ceux déjà à la retraite. Sans avoir été payé leur solde de fin de carrière, ces « retraités » touchent encore leur salaire, lorsqu’il y en a ( les retards de salaires font autour d’une cinquantaine des mois). Cette réalité pose un véritable problème d’un personnel improductif mais budgétivore.
Patrick Ilunga