Politique

RDC : Lamuka, désormais deux têtes ?

Qui parlera au nom de Lamuka les trois prochains mois? La plateforme de l’opposition a désormais deux coordonateurs depuis le weekend dernier. D’une part, Adolphe Muzito, à qui Martin Fayulu a passé le flambeau, et d’autre part Moïse Katumbi qui a annoncé sa prise des fonctions à la coordination tournante de cette structure, en vertu, dit-on dans son entourage, des prescrits de la convention portant création de Lamuka. Dans son article 6, le texte qui crée la plateforme stipule que,  » à la fin du mandat du coordonnateur en exercice, la passation des pouvoirs est automatique. Elle n’est pas sujette à une cérémonie officielle ».

La confusion est à son comble. Les deux coordonateurs sont là pour l’instant. C’est un dédoublement de cette structure ? Les leaders de la plateforme vont-ils accorder leur violon pour adopter un seul coordonnateur ? Du côté de l’aile Fayulu, l’on estime que Jean-Pierre Bemba et Moïse Katumbi se sont déjà auto-exclus du fait de leur adhésion à l’union sacrée. « Aucun texte ne range cette plateforme[Lamuka], du reste électorale, ni dans l’opposition, moins encore dans le camp au pouvoir », a asséné Salomon Kalonda, un proche de Katumbi.

Il est certes vrai que le président de l’Ecidé ne se déclare pas expressément de l’opposition, mais il est, de fait dans l’opposition, du fait de sa position face au régime. Fayulu semble considérer aussi que Lamuka est d’office aussi opposé au pouvoir en place.

Dans le camp de Katumbi, l’on s’appuie également sur une disposition de la convention qui crée Lamuka. Cette disposition [article 6] dit que « chaque membre fondateur ou adhérent garde son autonomie ainsi que sa liberté d’actions et peut se prononcer politiquement en son nom propre, à celui de son parti ou de son regroupement politique dans le strict respect de quatre axes fondamentaux de Lamuka ». Le camp Katumbi accuse « Martin » de vouloir s’accaparer de Lamuka. C’est ce qu’a déclaré Francis Kalombo, proche de l’ancien gouverneur de l’ex Katanga. « Lamuka n’est pas un fait privé de Martin Fayulu », a ajouté Salomon Kalonda.

Derrière chaque prise de position, il s’agit donc d’une guerre larvée qui apparaît au grand jour au sein de la plateforme, qui ressemble maintenant à un panier des crabes. Dans le marigot, il y a plusieurs caïmans. Ceux-ci ne font plus mystère de leur divergence, ou même pire, de leur aversion mutuelle. Au sein de Lamuka, il y a deux blocs qui semblent se tenir en grippe. Pendant plusieurs mois, les quatre membres fondateurs de Lamuka ne s’étaient plus réunis formellement.

Ce weekend après le communiqué annonçant la prise des fonctions de Moïse Katumbi, Jean-Pierre Bemba l’a félicité et lui a promis son soutien. Ce qui veut dire qu’il est contre le schéma Muzito et Fayulu.

En clair, la gestion des ambitions est la clé pour comprendre les guéguerres dans la plateforme. Alors qu’ils n’ont pas été candidats à la présidentielle de 2018, Bemba et Katumbi ont soutenu Martin Fayulu. Mais depuis, ils ont tourné la page 2018 et ils voient les rôles et les statuts différemment. Plus question pour eux de laisser le champion de l’Ecidé poser en leader de la plateforme. A chaque grande sortie de Fayulu dans le cadre de Lamuka, Bemba et Katumbi, voire leurs lieutenants respectifs brillent par leur absence. De même, lorsque Katumbi fait des apparitions publiques en tant que membre fondateur de Lamuka, il ne reçoit pas le soutien de Fayulu, ni de Muzito. Autant dire que la séparation existe.

Adolphe Muzito avait déjà exprimé le fond de sa pensée sur cette guerre de positionnement.  » Nous sommes tous leaders, mais c’est lui [Fayulu] que le peuple a plébiscité. Nous devons l’accepter », disait l’ancien premier ministre, place Sainte-Therèse, il y a quelques mois, à l’occasion du retour de Martin Fayulu de sa tournée euro-américaine.

Au-delà de la coordination de Lamuka, c’est aussi la bataille pour se positionner comme le leader, donc véritable alternative au régime actuel quand il s’agira d’aller vers le souverain primaire. Depuis les élections de 2018, Lamuka a pignon sur rue. Il n’est donc pas question de se passer d’un tel instrument politique.

Patrick Ilunga

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