Politique

RDC : Les héros oubliés de l’indépendance

La RDC fête le 61e anniversaire de son accession à l’indépendance, le 61e anniversaire de son hymne national. 1960 est dans l’esprit de beaucoup d’Africains l’année zéro, où les nations, désormais libérées du joug colonial, devaient être construites dans une nouvelle ère de liberté retrouvée.
Cette année-là, 17 pays africains s’étaient libérés de l’emprise des colons. L’on commençait à rêver des lendemains meilleurs.
En République démocratique du Congo, l’indépendance avait été obtenue après une lutte acharnée menée par des ouvriers, des religieux, des militaires, mais aussi par cette classe des jeunes trentenaires qu’on appelait « les évolués ».
Alors que la lutte pour l’accession à l’indépendance se poursuit dans un bain de sang effroyable en Algérie par exemple, au Congo-belge la Belgique qui a célébré en 1956, le cinquantenaire de l’Union minière du Haut-Katanga, actuelle Gécamines, est convaincue d’accomplir une œuvre coloniale exemplaire.
Entretemps les associations tribales qui existent déjà au Congo vont se politiser, à l’exemple de l’Abako, association des Bakongo, qui devient politique sous l’influence de Joseph Kasavubu en 1954.
Dans une perspective similaire, Godefroy Munongo est l’un des ceux qui créent la Conakat en 1958, aux côtés de Moïse Tshombe.
En même temps que la Conakat, va se créer le MNC, mouvement national congolais, seule formation politique de type moderne, réunissant plusieurs tribus. À la manœuvre pour créer le MNC, il y a entre autres Patrice Emery Lumumba et Albert Kalonji.
Aujourd’hui, 61 ans après cette épopée, les Congolais connaissent par cœur l’histoire de Lumumba, Kasavubu, Mobutu, Tshombe ou Albert Kalonji.

Mais ces pères de l’indépendance n’étaient pas les seuls à avoir écrit l’histoire récente du Congo. Il y avait à côté d’eux, d’autres pionniers dont on ne parle pas beaucoup. A l’occasion des 61 ans d’indépendance du Congo, Géopolis choisit de mettre le projecteur sur certaines figures moins connues de l’indépendance du Congo.

Joseph Ileo

Premier président du Sénat, Joseph Iléo Songo, est l’un des pionniers de l’indépendance Congolaise. Alors que la situation politique était relativement terne avec une classe politique embryonnaire, Ileo est l’un des cerveaux dont la plume alerte avait eu le mérite de réveiller la conscience des jeunes déjà actifs comme Joseph Kasavubu en 1956 sur la nécessité d’exiger l’indépendance sans plus attendre.

C’est à travers un article anonyme avec le titre de « Manifeste » que la revue Conscience Africaine, que dirigeait Joseph Ileo, avait réussi à ouvrir une sorte de boîte de Pandore pour enfin forcer les choses et enclencher le processus de l’accès à l’indépendance, rejetant par le même coup, le plan Van Bilsen qui préconisait la décolonisation du Congo en 1985. Joseph Ileo s’est donc battu, retranché derrière sa plume. Lorsque les violences s’aggravent subitement en 1959, la Belgique est contrainte d’organiser à Bruxelles une « table ronde » pour octroyer l’indépendance. Joseph Ileo est de ceux qui ont participé à ces discussions fondatrices du Congo actuel.

A l’accession de l’indépendance, il va devenir le tout premier président du Sénat congolais. Nommé par Kasavubu en septembre 1960 au poste de premier ministre, il restera à ce poste juste quelques jours jusqu’au premier coup d’État du colonel Mobutu en septembre 1960. Joseph Ileo va retrouver le poste de premier ministre encore en 1961.

Jason Sendwe

Il est l’une des figures méconnues de la lutte pour l’indépendance, Jason Sendwe est un des nationalistes de l’époque, à la fois attaché au Congo, mais aussi à son Katanga. Sa lutte contre l’indépendance du Katanga l’avait forcément braqué contre Moïse Tshombe. Allié du MNC de Lumumba, Sendwe avait connu le même sort que l’ancien premier ministre, seulement 3 ans après l’assassinat de celui-ci. C’est aussi sous sa protection que Laurent Désiré Kabila forge son côté nationaliste, en tant que responsable de la jeunesse de Balubakat.

A l’approche de l’indépendance du Congo, Sendwe fonde l’Association des Baluba du Katanga (BALUBAKAT), regroupant les baluba du Nord-Katanga pour s’opposer à la tendance pro-belge de la CONAKAT de Moïse Tshombe.
Lors des premières élections générales organisées au Congo indépendant, son parti (Balubakat) rangé parmi les partis nationalistes, fut un des principaux alliés du MNC de Patrice Lumumba, avec le PSA (Parti Solidaire Africain) d’Antoine Gizenga, et le CEREA (Centre de Regroupement Africain) d’Anicet Kashamura du Kivu.

Après avoir lutté pour l’indépendance,
Jason Sendwe fut nommé par le premier ministre Lumumba au poste de Commissaire d’État de la province du Katanga, avec un droit de regard sur la gestion de la province minière, en dépit de la véhémente protestation de Moïse Tshombe. Selon certains analystes, cette désignation considérée comme un affront par Tshombe, contribua à l’accéleration de la proclamation de la  sécession Katangaise. Après l’assassinat de Patrice Lumumba en 1961, Jason Sendwe occupa d’abord les fonctions du 2e vice-Premier ministre, puis celles du vice-Premier ministre au sein du gouvernement Adoula. Du 27 septembre 1963 au 15 mars 1964, Jason Sendwe occupa les fonctions de Président de la province du Nord-Katanga, pour la première fois. En 1964, il fut assassiné.

Jean Bolikango

Il est aussi le pre­mier Commissaire général à l’information du Congo-Belge et du Rwanda-Urundi. Mais lorsque les premières communes sont mises en place à Léo, il prend ce premier pas politique de haut. Une brèche dans laquelle va s’engouffrer Joseph Kasavubu. A l’époque, dans Léopoldville où une petite élite émerge, un groupe d’élite Bangala est opposé à un autre groupe d’élite Bakongo, membres de l’Abako. Tous cependant ont les yeux fixés, de manière obsédée, sur l’indépendance du Congo.
Bolikango harangue donc de temps en temps la foule, essayant de se faire passer pour celui sur qui il faut compter. Sa fameuse phrase relayée par les historiens : « Lipanda eza na libenga na ngai, na bimisa? » Et la foule scandait : « Kobimisa te Kasavubu akoyiba! ». L’homme essayait en fait de refaire son retard sur Joseph Kasavubu. Il est entré en politique un peu sur le tard, en 1959. La table ronde de Bruxelles sera son premier grand rendez-vous politique. Commissaire Général adjoint à l’Information du Gouvernement général à Léopoldville (1959), le poste le plus élevé occupé par un Congolais dans l’administration belge au Congo; Bolikango renonça à cette fonction pour participer à la Table Ronde politique. Vice-premier ministre, ministre de l’Information et des Affaires culturelles dans le deuxième gouvernement Iléo (février 1961). Ministre de l’Information dans le premier gouvernement Iléo (septembre 1960), Jean Bolikango est le 4 février 1909 à Kinshasa. Il est mort le 17 février 1982 à Liège, en Belgique. Il a été le professeur de la plupart des jeunes Congolais qui allaient constituer le comité de rédaction de « Conscience africaine » et parmi ses anciens élèves, on peut citer Cyrille Adoula.

D’abord président de la Fédération des Bangala « Liboke Ya Bangala », Bolikango créa le jour même où s’ouvrirait la Table Ronde politique à Bruxelles (20 janvier 1960) le F.U.B., ou  » Front de l’Unité Bangala » qu’il transforma dès le congrès de Lisala (mars 1960) en P.U.NA. (Parti de l’Unité Nationale).
Dès août 1960, inspiré par la situation qui se développait dans les provinces et peut-être par l’exemple du Katanga et du Sud-Kasaï, Bolikango se prononce pour « une république de l’Équateur dans un Congo confédéral ». C’est l’occasion pour Lumumba de tenter de venir à bout du leader le plus actif de l’opposition: le président du P.U.NA. passa le mois d’août à changer de domicile tous les soirs; il est arrêté le 1er septembre 1960 à Gemena et inculpé d’atteinte à la sûreté intérieure et extérieure de l’État », d’incitation à la révolte. Il doit son relâchement à Ileo président du Sénat qui interviendra pour qu’il soit libéré ; des soldats Bangala assureront sa protection, mais il n’est en fait en sécurité qu’avec la révocation de M. Lumumba (5 septembre 1960).

En fait, les deux hommes n’avaient pas tardé à se heurter de front. Dès avril 1960, M Bolikango dénonçait les actes « de véritable barbarie » qui marquaient la campagne électorale dans certaines parties du Congo, et aussi les dangers de la surenchère que le slogan d’indépendance a déclenché, « ce mot magique, dit M. Bolikango, exploité par les uns, mal compris par les autres ».

Anicet Kashamura

Il est l’un des « Pères de l’Indépendance » dont on ne parle pas ; il avait participé à la Table Ronde. Son engagement en politique date d’août 1958. Cette année-là, il fonde le CEREA (Centre de Regroupement Africain) qui est, au début, une association culturelle mais qui deviendra, une année après (en 1959) un parti politique. Il noue alors des liens très solide avec Emery Patrice Lumumba, qui restera son ami de tout le temps. C’est durant la même période qu’il excelle aussi dans le journalisme à Bukavu, collaborant avec les journaux Belges « Temps nouveaux » et « Europe-Afrique ». Lors des élections législatives de mai 1960, il parvient à se faire élire député national du Kivu. Il se rend alors à Kinshasa siéger au Parlement et un mois après, lorsque Patrice Lumumba forme son Gouvernement, c’est à Anicet KASHAMURA qu’il confie le Ministre de l’information et des Affaires culturelles. En septembre 1960, lorsque Kasavubu révoque Lumumba et certains membres de son gouvernement, Anicet KASHAMURA perd aussi son poste.
Disparu de Léopoldville (Kinshasa) le même jour que Lumumba, Mpolo et Okito (27 septembre), il réapparaît à Bukavu en décembre 1960 pendant que beaucoup de ses partisans le croient mort (ils avaient même réclamé son corps au Président Kasa Vubu). En février 1961, il abandonne Bukavu et rejoint Stanleyville (Kisangani) où les fidèles de Lumumba s’étaient retranchés. Il est nommé Ministre des affaires économiques dans le gouvernement d’Antoine Gizenga mais en novembre 1964, lorsque Mobutu reprend la ville, Anicet KASHAMURA prend le chemin de l’exil comme tous les autres Lumumbistes.

Patrick Ilunga

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