Politique

Sous-représentation des femmes et personnes vivant avec handicap dans les institutions : Plaidoyer pour l’harmonisation de la Loi électorale avec les pertinentes dispositions de la Constitution

L’Ambassade de Belgique, la Délégation de l’Union européenne et l’ONU-Femmes ont organisé, le jeudi 02 décembre dernier, dans la salle Virunga de l’hôtel Memling, une conférence-débat de haut niveau, avec des parlementaires (sénateurs et députés), journalistes et autres personnalités influentes, sur l’appui à apporter aux candidates et électrices lors des prochaines élections présidentielle, sénatoriales, législatives nationales et provinciales, urbaines, municipales et locales en République Démocratique du Congo (RDC). En effet, une récente étude de l’ONU-Femmes montre qu’aux dernières élections générales de 2018, les candidates se sont mieux fait élire que leurs homologues masculins, ce qui montre que les congolais (es) sont prêts (prêtes) à voter pour des femmes. Pour ce faire, les réformes électorales prévues lors de la session en cours du Parlement (Assemblée nationale et Sénat) sont une opportunité pour les élus (élues) et la société civile de faire un plaidoyer pour favoriser l’organisation d’élections libres, inclusives, transparentes et renforcer la participation des candidates et des électrices.

Malgré l’Union sacrée et en dépit des Lois et des engagements pris par la RDC, les femmes restent très minoritaires aux postes des responsabilités. L’Assemblée nationale congolaise ne compte qu’environ 12% d’élues femmes et les assemblées provinciales entre 10 et 12%. Dans son rapport de janvier 2020, l’Union interparlementaire (Organisation mondiale des Parlements nationaux) classe la RDC à la 104e place sur 182 pays avec 17% de femmes au Gouvernement et la 150e place sur 189, avec 12% à l’Assemblée nationale et 20% au Sénat. D’autres statistiques confirment cette tendance : 8% de femmes parmi les mandataires publics, 12% des postes de secrétaires généraux de l’administration publique sont occupés par des femmes et moins de 10% dans les services de sécurité (armée, police, justice). En Tanzanie, au Burundi et en Ouganda, pour ne citer que ces pays voisins de la RDC, la représentation des femmes dans les institutions est respectivement de 37,2%, 36,4% et 34,9%. Comme on peut le constater, les Lois de ces pays, avec des dispositions claires et contraignantes, ont contribué à accroître le taux de participation des femmes dans les institutions avec comme conséquence, l’amélioration de la gouvernance et un impact direct sur les conditions de vie des populations.

Cadre juridique non contraignant en RDC

L’article 14, alinéa 4, de la Loi fondamentale promulguée en 2006 stipule : «  La femme a droit à une représentation équitable au sein des institutions nationales, provinciales et locales ». Quant à l’alinéa 5, celui-ci stipule : « L’Etat garantit la mise en œuvre de la parité homme-femme dans les institutions ». La Loi n° 06/006 du 09 mars 2006 portant organisation des élections générales n’avait pas prévu une disposition contraignante sur la participation des femmes sur les listes électorales pour se conformer à l’article 14 de la Constitution. En dépit de l’article 14 de la Constitution congolaise qui introduit la notion de représentation équitable des femmes dans les institutions nationales, provinciales et locales, la participation politique semble encore hors de portée de nombreuses femmes. La Loi électorale actuelle répète cette nécessité de prise en compte des femmes, mais ne l’assortit d’aucune obligation ou conséquence sur la recevabilité des listes électorales. Une représentation paritaire des femmes dans les assemblées législatives est pourtant directement liée à une attention accrue aux questions relatives aux femmes. Elle constitue, selon notre source, une condition préalable fondamentale à la lutte contre les violences faites aux femmes et aux filles, l’égalité des sexes ainsi qu’au développement durable et à l’enracinement de la démocratie.

Les personnes vivant avec handicap également sous-représentées

Depuis l’année 1984, il n’a jamais été organisé de recensement de la population totale habitant la RDC, seules des estimations ont été utilisées ces dernières années. La dernière estimation du Gouvernement date de l’année 2011, et fait état de plus ou moins 70.000.000 d’habitants, dont 52% au moins sont des femmes. Il est estimé qu’il y a, 10.500.000 personnes handicapées (Handicap moteur, handicap visuel, handicap auditif et handicap mental) en RDC, ce qui fait en termes de pourcentage, près de 15% de la population. Il n’existe aucune liste, mieux statistique, établissant avec exactitude le pourcentage de femmes handicapées en RDC. Mais que dit la Loi électorale concernant la participation politique des personnes vivant avec handicap ? Selon l’article 13 de la Loi électorale de 2006 : «  Chaque liste est établie en tenant compte, s’il échait, de la représentation paritaire homme-femme et de la personne vivant avec handicap. Toutefois, la non réalisation de la parité homme-femme n’était pas un motif d’irrecevabilité d’une liste ». L’article 49 de la Constitution de la RDC du 18 février 2006 stipule : « La personne du troisième âge et la personne avec handicap ont droit à des mesures spécifiques de protection en rapport avec leurs besoins physiques, intellectuels et moraux. L’Etat a le devoir de promouvoir la présence de la personne avec handicap au sein des institutions nationales, provinciales et locales. Une loi organique fixe les modalités d’application de ce droit ». Malheureusement, la Loi n’est pas appliquée pour cette catégorie de congolais faute des dispositions contraignantes.Il faut noter que cette conférence-débat a eu lieu durant la campagne des « 16 Jours d’activisme contre les violences faites aux femmes et aux filles », un événement international annuel qui a fêté ses 30 ans d’existence le 25 novembre dernier, date dédiée à la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes. Ladite campagne qui se poursuit jusqu’au 10 décembre, date de la Journée internationale des droits humains, sert de cadre aux personnes et organisations du monde entier qui appellent à l’action pour prévenir et éliminer la violence à l’égard des femmes et des filles.Il y a donc nécessité et l’urgence d’harmoniser la Loi électorale en vigueur avec les pertinentes dispositions des articles 13 et 14 de la Constitution qui traitent de la parité et de la personne vivant avec handicap. Ce qui permettra, de l’avis des intervenants dont l’honorable députée nationale Christelle Vuanga, Présidente de la Commission Permanente des Droits de l’homme de l’Assemblée nationale, Faïda Mwangilwa, ministre honoraire du Genre, famille et enfant, devenue conseillère spéciale de la directrice exécutive de l’ONU-Femmes en République du Mali, et éminents experts tel que le professeur Nicole Bwatshia, Directrice de cabinet adjoint du Président de la République, de rendre contraignantes les dispositions légales sur la participation politique des femmes et des personnes vivant avec handicap aux élections prévues en 2023 en RDC.

Dieudonné Buanali

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