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Spécial 17 mai : Des délices de la libération aux déboires des guerres par procuration et de la résurgence du néo-mobutisme-tshisekedisme

Il y a 25 ans, la libération du 17 mai 1997 a provoqué un séisme au pays de Patrice Lumumba. L’AFDL (Alliance des Forces démocratiques pour la libération) de Laurent-Désiré Kabila entrait à Kinshasa. L’entrée triomphale de Mzee a représenté un nouveau départ pour le peuple Congolais en termes de son émancipation politique et socio-économique.

La date fatidique du 17 mai retient que l’arrivée de l’AFDL en RDC (notons que c’était surtout le Parti de la Révolution Populaire (PRP), le parti de Laurent Désiré Kabila, créé par les intellectuels révolutionnaires, penseurs et hommes d’actions, qui étaient conscients politiquement, qui a constitué la colonne vertébrale de l’AFDL), cette date reste gravée dans l’âme des Congolais comme «sa deuxième indépendance» parce qu’elle mettait fin aux 37 ans de règne dictatorial comprador de Mobutu à la solde des puissances occidentales, plus spécialement, les Etats-Unis, la France et la Belgique (la fameuse «Troïka»), depuis son premier coup d’état du 14 septembre 1960 contre le gouvernement de Patrice Lumumba jusqu’au 17 mai 1997 quand il été chassé du pouvoir.

C’est pourquoi les Congolais commémorent le 17 mai avant tout comme une journée de libération, l’ultime victoire de la lutte de 40 ans « sans fléchir » de Laurent Désiré Kabila contre le régime de Mobutu.

«Sans fléchir» parce qu’en un certain temps, Mobutu voulait acheter, corrompre ou pêcher Laurent-Désiré Kabila. Ce dernier a toujours dit NIET !

«Mobutu, bien sûr, a plusieurs fois tenté de m’acheter. Je me souviens qu’en 1981, un de ses ambassadeurs, un certain Mukamba Jonas qu’il avait dépêché, m’avait rencontré à Rome.

Il m’a dit: «Les intellectuels doivent rejoindre le Président Mobutu, nous avons besoin de vous, le pays est dans le gouffre.» Je lui ai répondu: «Si le pays est dans le gouffre, vous venez me chercher pour aller dans le gouffre ? Pour aller servir un dictateur? Pour vous sortir du gouffre, moi je dois être dehors, c’est-à-dire, dans ma lutte. Lui, il voulait que les gens viennent s’agenouiller. Mais, on ne peut pas s’agenouiller devant un monstre qui a cassé son pays et brisé l’espoir de tout un peuple».

«J’étais partisan de l’idée selon laquelle sans la lutte armée, on ne pouvait pas mettre fin au régime de Mobutu. Et il s’est avéré que j’avais raison.

Au moment de la Conférence Nationale, notre point de vue était clair: il n’y aurait rien de positif dans ce que Mobutu tentait de manipuler les autres. Nous avions raison parce que nous connaissons la nature de Mobutu et son engagement avec les intérêts extérieurs.

Ce n’était plus un homme libre par conscience, pour avoir fait trop de mal à son propre pays et à son propre peuple.

Donc, nous avions dit que la Conférence Nationale n’allait pas aboutir à quoique ce soit. Et là encore, nous avions eu raison. La Conférence nationale n’a servi qu’à prolonger la vie politique de Mobutu, alors même que le peuple n’en voulait pas. Nous étions donc très bien renseignés, et il était prévisible pour moi que Mobutu n’avait plus aucun soutien, que le peuple voulait en finir avec ce régime», a expliqué Mzee Laurent-Désiré Kabila dans une interview qu’il a accordée à Jeune Afrique Economie début mai 1999.

Mzee Kabila n’est pas venu dans le sac des rwandais

De sa propre bouche, Mzee Laurent Désiré Kabila a expliqué aux Congolais à Libreville: «Nous étions avec le Rwanda. Cette alliance était une alliance d’intérêts. Nous l’avons clamé toujours. Nous devions passer par le Rwanda pour détrôner le régime de chez nous, qui n’était pas un régime populaire, un régime qui a apporté la misère, etc. Tout le monde le sait. Nous nous sommes réconciliés avec tout ce monde-là, à commencer par Mobutu, lui-même (révolution pardon). Mais, le régime, c’est un régime qui a plongé dans l’irresponsabilité illimitée; chose que Mobutu a reconnu parce qu’il ne faisait sur le bateau [Outeniqua] que s’étonner. Il croyait qu’il était Dieu alors qu’il n’était qu’un homme. Mais notre révolution était une révolution pardon.
Notre objectif principal de l’alliance avec les Rwandais, c’était de libérer notre pays, parce qu’aucun pays limitrophe ne supportait une entreprise révolutionnaire qui visait le changement politique dans notre pays.

Donc, nous étions laissés à nous-mêmes, un peu comme les Hutu d’aujourd’hui; les Hutu du Burundi et du Rwanda.

Personne ne pouvait écouter – tout le monde – parce qu’il [Mobutu] achetait des alliances policières dans les pays limitrophes. Alors c’était difficile même si les discours étaient des discours qui parlaient un peu bien du peuple Congolais, mais beaucoup d’hommes d’Etats étaient de mèche avec la dictature chez nous. Et puis, la police faisait le travail de traquer les opposants anti-régimes».
Pour Laurent-Désiré Kabila, suite au changement géopolitique dans la région, «il était évident que lorsque l’autre tombait au Rwanda – je parle d’Habyarimana – que le régime qui allait être établi là-bas [celui de Paul Kagame] devait être un régime, non nécessairement anti-Mobutu parce qu’il les a d’ailleurs aussi soutenus. Il a donné au Rwandais Kagame et les autres, toujours par l’entremise du même Museveni, des excitants. Et ils étaient partout dans des hôtels de Kinshasa en même temps que tombait son allié Habyarimana. Ils allaient jusqu’à Gbadolite, C’est un malin, notre frère là [Mobutu]. Un vicieux diable! Il faisait tout ça ! Et après ces gens se sont rendus compte qu’il les trompait aussi, parce qu’il soutenait Habyarimana, il a amené les Français, il entrainait les anti-Tutsi…
Alors, ils [les Tutsi] ont voulu une alliance avec un mouvement révolutionnaire, vraiment révolutionnaire (comme le PRP). Tout était marchandage politique: «Nous entrons, nous mettons fin à l’agression de votre pays à partir de notre territoire. Vous nous faites passer, nous avons des armes, vous ne serez pas renversé mais nous allons renverser le nôtre».
Et c’est ainsi qu’on nous a vus avec tout ce monde-là à l’intérieur de notre pays. Ils étaient quelque 3,000 hommes, instructeurs Rwandais et Ougandais. Nous avions recruté énormément dans notre armée, dans les environs de 55,000 hommes à notre arrivée à Kinshasa (y compris surtout les Kadogo). Toutes les assistances que nous recevions alors passaient par le Rwanda, ils en ont bénéficié beaucoup, beaucoup en armement surtout. Ainsi cette alliance était une alliance d’intérêts, uniquement POUR QUE LE REGIME DE KAGAME NE SOIT PAS RENVERSE par le Congo, le Zaïre d’alors, avec tous ceux qui le supportaient (la France, l’armée d’Habyarimana retranchée au Zaïre). Et pour nous, QU’IL NOUS DONNE LIBRE PASSAGE, pour faire entrer les armes, transit d’armement et d’autres pour renverser le régime Mobutu. C’était là l’alliance en question avec eux».

Il n’y avait pas d’accords de Lemera
Mzee Kabila a levé l’équivoque une fois pour toute sur cette question : «Les Accords de Lemera?! Nous n’avons jamais signé des accords. Ceux-là n’étaient même pas à Lemera où nous étions, les Bugera et les autres. Ce n’était même pas à Lemera qu’on a signé des accords. Et puis, quels accords étaient-ce? C’était la création du Mouvement, les objectifs, c’était surtout ce que chaque parti devait apporter. Mais, comme ils n’avaient pas de parti [proprement dite, sauf que ces Tutsi Banyamulenge AVAIENT UN PARTI UNIQUEMENT A CARACTERE ETHNIQUE ET ETHNICISTE AU SEIN DE L’AFDL QUI S’APPELAIT «ANP» ET QUI AVAIT COMME OBJECTIF: LUTTER POUR LA NATIONALITE CONGOLAISE], donc ils n’ont rien apporté. Pour eux leur parti, c’était le gouvernement Rwandais [et leur objectif: lutter pour la nationalité congolaise]. Et voilà pourquoi, ils ont pesé dans la balance. On les a amenés chez nous comme ça. Donc, ces choses-là, c’est-à-dire, les tentatives d’humilier notre pays en prétendant qu’ils peuvent faire ceci, qu’ils peuvent faire cela, nommer les dirigeants, on va faire ceci, le Congo est un grand pays. Si nous refusons d’être dominés par les Etats-Unis qui ont une prétention insupportable, et comment est-ce que nous pouvons accepter d’être dominés par les Rwandais et les Ougandais? Nous avons dit: «NON!».
Ainsi donc, la genèse actuelle, et puis les mésententes et des conflits, c’est ce que je viens d’expliquer. Eux voulaient dominer, avoir des gens qu’ils vont mettre au pouvoir pour que les Tutsi dominent toute la région [LA TUTSIFICATION DU POUVOIR DANS LES PAYS DE LA REGION DES GRANDS LACS, C’EST CE QUE MOI LOKONGO J’AI TOUJOURS DENONCE]. Ils le font déjà en Ouganda, au Rwanda, au Burundi, où il n’y a pas de régime démocratique, où ils trouvent des excuses dans des conférences internationales pour justifier leur refus de la démocratie parce qu’ils sont minoritaires, parce que s’il y a démocratie, les Hutu continueront, et eux ne vont pas participer au pouvoir. Mais en attendant, ce sont eux qui sont au pouvoir sans que les Hutu participent. Et nous avons bien fait d’expulser ces gens-là [Mzee Kabila a du dépêché une délégation dirigé par le Ministre de la Justice Jeannot Mwenze Kongolo à Kigali pour informer Paul Kagame de cette décision souveraine]. Ils ont commencé quatre jours après, le 2.08.1998, la guerre d’agression. Ils ont bombardé, bombardé… Ils ont bombardé Bukavu, ils ont bombardé Goma. Ils sont rentrés en force parce que vous savez, ils traversent. C’est une frontière là, terrestre.

Déboires des guerres par procuration qui durent plus de 25 ans maintenant

La question que nous nous posons maintenant est la suivante : pendant combien de temps le système des Nations Unies, la Grande-Bretagne et l’Amérique vont-ils fournir à Museveni et Kagame une couverture ou aider à dissimuler les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre et le génocide qu’ils commettent en RDC, y compris par les groupes armées interposés (comme les ADF et le M23) ? Pas pour trop longtemps ! La journaliste belge Colette Braeckman, en reportage pour « Le Soir » depuis le Rwanda, a confirmé « qu’il est clair qu’il y a une inquiétude croissante parmi le peuple rwandais » (Le Carnet de Colette Braeckman, 26 août 2013).

Le leadership de Kagame est maintenant largement remis en question malgré le soutien des puissances anglo-saxonnes dont il jouit. Cependant, le fait que le Rwanda et l’Ouganda continuent de commettre obstinément des crimes contre l’humanité, des crimes de guerre et des génocides en RDC, des viols, des pillages des minerais et du bois et occupation des terres n’aide pas leurs puissants mentors occidentaux à sauver la face.

Cela a été surnommé «la Première Guerre mondiale de l’Afrique», l’Angola, la Namibie et le Zimbabwe soutenant Kabila contre le Rwanda et l’Ouganda (soutenu par les puissances anglo-saxonnes).

Tout cela parce que Mzee Kabila avait refusé de leur vendre le Congo ou de leur donner ses richesses sur un plat d’or car il a annulé des projets prévus avec Bechtel et d’autres sociétés multinationales.

Les acquis de la lutte de Mzee Kabila

Sur le plan politique, avec Mzee Kabila, le Zaïre a retrouvé son ancienne appellation «Congo », le fleuve aussi. Le franc congolais s’est substitué au nouveau zaïre. L’hymne national et la devise du pays ont été changés. Mzee Kabila a à cet effet perpétué les acquis de la lutte de Patrice Lumumba.

Sur le plan sécuritaire, Mzee Kabila a jugulé le banditisme urbain quand le peuple s’est organisé en Forces d’Auto-Défense Populaire (FAP) et régulé les antivaleurs dans le transport public et restauré l’ordre dans les aéroports, une discipline qui persiste même aujourd’hui dans les taxis.

Sur le plan économique, le taux du dollar est passé de 170.000 zaïres à 60.000. L’économie du pays était redevenue stable et autocentrée au lieu de dépendre des aides étrangères et, par conséquent, Mzee Kabila a laissé le pays sans dettes et la monnaie nationale a acquis une forte valeur par rapport au dollar.

Il a mis les richesses du pays au centre du développement national, ce qui a facilité le début de la reconstruction nationale.

Il a établi les réserves stratégiques propres au pays et le service national et a privilégié le secteur agricole comme moteur du développement et en vue de l’autosuffisance alimentaire. Il a élaboré un plan de reconstruction nationale autocentré, c’est-à-dire, rien qu’à partir de nos propres ressources et non dépendant d’abord du FMI et de la Banque Mondiale et d’autres bailleurs de fonds (autoprise en charge, indépendance politique et économique, souveraineté nationale pour se faire respecter, rapport d’égalité avec l’Occident et non de domination).

Il insistait sur la discipline, a fait de la lutte pour la bonne gouvernance et contre la corruption son cheval de bataille. C’est pourquoi, il était sans complaisance avec ses proches collaborateurs de la part de qui il attendait un bon exemple. Les portes de la prison étaient restées ouvertes pour tout le monde, y compris ses propres ministres et membres de sa famille biologique élargie. Les fonctionnaires étaient payés à temps, l’amélioration de la solde des policiers et militaires qui ne rançonnaient plus la population était un acquis, tous les citoyens payaient la douane.

Sur le plan démocratique, Mzee Kabila a fait élire les gouverneurs, les bourgmestres et chefs de quartiers par le peuple à mains levées, évitant ainsi toute contestation, ce qui a présagé les Comités du Pouvoir Populaire (CPP) ou pouvoir à la base car le peuple Congolais une fois bien éduqué politiquement dans le cadre des CPP ne choisirait que des gens à qui il fait confiance. Il a suspendu et non aboli les parties politiques (nous en avons presque 1.000 aujourd’hui, qu’est ce qui change ? C’est le marasme qui s’installe. Aux Etats-Unis, la plus grande démocratie au monde, il n’y en a que 3 ou 4) en attendant l’établissement des règles du jeu claires par l’ Assemblée Constituantes qui siégeait à Lubumbashi (loin des ambassades à Kinshasa) avant l’organisation des élections présidentielles et parlementaires en 1999 (deux ans après la prise du pouvoir); un processus qui a été coupé court par la guerre d’agression (y compris le processus de la reconstruction nationale surtout des routes à moindre coût) mais que Joseph Kabila a remis sur les rails.

Nous pouvons dire sans crainte d’être contredit que sans la lutte armée de Mzee Laurent Désiré Kabila, sans la Révolution du 17 mai, Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo ne serait pas président de la République aujourd’hui. Mobutu a organisé un simulacre d’élection présidentielle en 1983 qu’il a gagnée avec 101%. Cela veut dire que son dernier mandat a expirée en 1990 mais il est resté au pouvoir jusqu’en 1997. Il serait resté au pouvoir au-delà de 1997 si Kabila ne l’avait pas renversé.

Pendant cette période, c’est Etienne Tshisekedi, le père de l’actuel président de la RDC Felix Tshisekedi qui faisait son cirque. Il insultait Mobutu le jour et allait percevoir son argent chez le même Mobutu la nuit. On l’a vu à Nice auprès du lit de malade de Mobutu pour quémander la primature alors que Laurent Désiré Kabila le libérateur était aux portes de Kinshasa ! Après l’assassinat de Mzee Kabila, c’est pendant le régime du Président Joseph Kabila que le processus démocratique a été vraiment consolidé avec des cycles électoraux normaux et réguliers grâce auxquels Felix Antoine Tshisekedi Tshilombo a accédé au pouvoir.

En guise de conclusion, Mzee a été un président exemplaire à tel point que s’il restait longtemps au pouvoir, le Congo allait se développer. Il se souciait vraiment du sort des paysans.

Si les dirigeants actuels se comportent comme Mzee Laurent-Désiré Kabila (tellement honnête, tellement nationaliste et patriote), disent les Congolais, le Congo va évoluer.

Il avait un bon projet de société comme ce bilan populaire (car il vient du peuple) le démontre; et que son Parti le PRP est en train d’actualiser dans la situation actuellement difficile (retour du néo-mobutisme-tshisekedisme).

Par Dr Antoine Roger Lokongo, Professeur des Universités

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