Politique

Une enquête minute de la rédaction : LE STATUT DE L’ARPTC SERAIT-IL REMIS EN CAUSE PAR LES EXIGENCES DU PARLEMENT ?

Pour les férus de l’actualité économique et les observateurs du processus de transition numérique, le fait n’est pas passé inaperçu quand, au niveau de l’Assemblée nationale, au moment de l’examen du budget 2022, des députés ont argué n’avoir pas retracé dans les lignes budgétaires le fameux RAM, et ont exigé que cette contribution par les usagers des télécoms soit immédiatement bannie. En réalité l’Assemblée nationale s’attendait à voir dans ces prévisions les détails sur les moyens prévus par la loi, moyens attribués au régulateur par la même loi. Cette situation est un grave malentendu que la presse spécialisée a vite fait de relever car elle a vu tout de suite comment dans la gestion de certains faits la mémoire législative n’est pas bien utilisée, car sous l’atmosphère de dénonciation d’une situation, certaines postures sont élaborées en violation même de la loi qui régit le secteur concerné.  Comment retracer les recettes d’un secteur dans le budget de l’Etat, alors que le même législateur au moment de la création de la structure, et en vertu des spécificités de ses missions, lui a permis de se préserver une capacité d’action et de réaction rapide dans un environnement lui-même soumis à une vitesse de mutation exceptionnelle.

Pour démêler le faux du vrai et permettre à nos lecteurs de se faire une idée exacte de la problématique en cours, Geopolis a tenu à descendre dans le fond des documents et d’interroger le même législateur sur la pensée première : celle à l’origine de la création de la première autorité de régulation au Congo, il y a voici dix-neuf ans. Et cette recherche en mini enquête a fait remonter un contenu expressif capable de donner de la lumière à l’imbroglio actuel. Il y a donc dix-neuf ans, le législateur avait ressenti le besoin de doter le pays d’un régulateur dans un secteur porteur : celui des télécommunications, qui était en train de vivre un boom extraordinaire. Tout de suite il est apparu que cette nouvelle structure pour être efficace et posséder les capacités d’action nécessaires, devait obtenir une indépendance de fonctionnement et une autonomie financière. On retrouve l’essentiel de cette vision dans l’exposé de motif qui accompagne la création même de cette autorité de régulation.

En effet la loi 014-2002 du 16 Octobre 2002 confère entre autres missions à l’ARPTC le rôle de contribuer et d’adapter, conformément aux orientations de la politique gouvernementale, le cadre juridique général dans lequel s’exercent les activités des postes et de télécommunications. Il est vrai qu’il y a dix-huit missions qui lui sont dévolues, mais on peut en dire qu’il doit assurer la continuité du service et protéger l’intérêt national. Pour arriver à réaliser ses grands objectifs le législateur lui a conféré des moyens sous forme de rémunérations et de subventions dans la mesure du possible. Ainsi il est attendu de l’ARPTC de gérer le spectre des fréquences, c’est-à-dire planifier et gérer les fréquences affectées aux usages de radiocommunications; il délivre les autorisations d’utilisation des fréquences et assure la coordination nationale et internationale du spectre. Il revient toujours au régulateur, selon les arrêtés du 26 février 2009, la compétence en matière de gestion des ressources de numérotation. A lui aussi revient la charge des codes dans le service mobile maritime. L’ARPTC doit aussi édicter les normes techniques des équipements et terminaux, et procéder aux homologations requises par la loi.   Toujours dans cette recherche d’efficacité du régulateur, on a pu comprendre que trois rémunérations étaient les soubassements des prestations de l’ARPTC, à savoir la taxe de régulation qui est estimée aujourd’hui à près de 7 millions de dollars l’an, la taxe de numérotation qui s’est élèvée en 2021 à près de 30 millions l’année, et les 3% de chiffre d’affaires des opérateurs télécoms payés chaque année et destinés à alimenter un Fond de service universel pour le développement des télécoms; il vaut près de 39 millions dollars. Ces moyens qui devaient augmenter la puissance d’action de l’autorité de régulation du secteur des télécoms sont curieusement orientés vers le trésor public, et prive ainsi l’ARPTC des moyens conséquents pour agir dans un secteur de plus en plus important dans la vie économique du pays.

Avec l’arrivée du nouveau régime, le gouvernement congolais, sous l’impulsion du Plan National du Numérique prôné par le Chef de l’Etat, a accentué sa volonté de combler le fossé numérique qui existe dans le pays et qui empêche des millions de congolais de basculer vers l’ère numérique, avec ses avantages sur l’économie nationale et le dynamisme des populations. Il a initié un projet d’inclusion numérique et d’assainissement du secteur exposé à la subtilisation des données personnels (vol d’appareils ) et à l’arnaque dévastatrice des appareils contrefaits, et a rajouté à l’ARPTC des moyens de fonctionnement installés par Décret du Premier ministre, l’autre voie de création des revenus de l’ARPTC, existant dans  la loi qui crée cette dernière, n’émargeant pas au budget de l’Etat. Nous avons tous suivi les réflexions et les décisions prises par les grandes instances mondiales dans le domaine du numérique, qui impliquent une adaptation rapide du secteur des télécoms, aujourd’hui dit des communications électroniques. Comment réaliser cette inclusion numérique sans utilisateurs ? Nous avons trouvé dans cette inclusion numérique, les raisons de l’engagement du régulateur d’organiser des conditions pour augmenter le nombre des usagers du numérique. Comment alors s’étonner que des initiatives soient prises par celui-ci pour implémenter des sites wifi gratuits à travers le pays et d’aller même à des endroits où les opérateurs du secteur n’iront jamais pour des raisons de rentabilité économique? Comment ne pas se réjouir de la joie des étudiants qui désormais peuvent se connecter à l’intelligence planétaire grâce à ces wifi gratuits installés dans les universités et les écoles secondaires? Comment rattraper le retard accumulé par le pays dans la maitrise des bons processus au niveau du développement ? Grâce à une généralisation de l’usage de l’internet, le pays peut faire des bonds technologues et produire une transformation culturelle et numériques, au niveau des défis qu’impose l’immense territoire.

En s’interrogeant sur la traçabilité des ressources du régulateur dans le budget national, le législateur fait un bond en arrière, car le même législateur avait décidé de ne pas les faire figurer pour des raisons évoquées ci-haut, dont l’efficacité n’est pas le moindre. En voulant que les activités budgétaires de l’ARPTC y figurent le législateur veut lui priver de son ascendance sur le secteur, car il soumet le régulateur aux conditions qui vont entrainer son inefficacité, avec tout le combat qu’il mène sur les diverses fraudes dans le secteur, sans compter la dimension sécuritaire de son travail.

Par cette mini enquête, il nous est apparu que la clameur publique qui frappe le RAM est sans doute due à une carence de communication entre les institutions, et qu’il est sans doute venu à l’ARPTC le temps de revoir profondément son business model du Ram et d’approfondir les allègements des paiements qui sont déjà en cours, et qui touchent les téléphones 2G. A l’issue de cette descente dans le secteur de la régulation et de la pratique parlementaire, il nous est apparu d’insister sur le fait que l’action des parlementaires doit consolider, sinon dépasser, les acquis parlementaires coulées en forme des lois, et non agir en cloisonnement les législatures les unes face aux autres. Aujourd hui le développement des technologies impose aux sociétés qui veulent survivre de s’adapter sinon elles disparaîtront.

Adam Mwena Meji            

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