Société

Vie de la nation congolaise : La société civile interpellée

Les analystes les plus sévères prédisent une impasse. La Majorité Présidentielle et l’Opposition Politique ne semblent pas prêtes à accorder leurs violons. Depuis plus de 2 mois, un dialogue de sourds s’est installé sur la place politique congolaise. Les médiations qui se sont succédées sont mises à rude épreuve, ne serait-ce que parce que le « pire de sourds, c’est celui qui ne veut pas entendre ». La Nation congolaise risque de chavirer si on y prend garde. Qui devrait séparer les deux pachydermes afin que « l’herbe », la population donc, n’en pâtisse pas ? Le médiateur naturel de la classe politique congolaise demeure sans conteste la société civile dont la dénomination a été même sublimée en RD-Congo où elle est assimilée à la « force vive ». Donc, le facteur qui protège la vie et la cohésion nationale.

La Conférence Episcopale Nationale du Congo, CENCO, a donné le ton en prenant à bras le corps un problème d’intérêt national. Les évêques ne ménagent pas leurs temps et parfois leur santé. Leur savoir-faire et leur impartialité en imposent à tous malgré l’existence des quelques opinions contestatrices périphériques. Mais la CENCO, donc l’église catholique, n’est qu’une branche de la société civile congolaise. On n’ose pas imaginer les résultats qui auraient pu être obtenu si toute la société civile s’était impliquée dans cet ouvrage. Qu’est ce qui la retient donc ? La réponse est évidente. Le reste de la société civile congolaise fait sienne le phénomène « proche de… ». Une fois, elle est proche de l’Opposition Politique et une autre de la Majorité Présidentielle. Des associations de la société civile ne se donnent même plus la peine de cacher leurs accointances.

C’est ainsi que fièrement, les unes arborent les couleurs et le discours de l’opposition et que les autres se revendiquent de la majorité. Du reste, beaucoup d’acteurs de la société civile se sont transformés en acteurs politiques. Cette assimilation ne dissimule plus les tares qui minent ces groupes qui ne peuvent plus sereinement aller au devant des acteurs politiques d’un camp tout comme d’un autre sans être taxés de tous les noms de traitres. Elle en est réduite à recourir aux habitudes des acteurs politiques qui, à la nuit tombée, jouent au sous-marin. Théoriquement commanditée par la population la société civile congolaise s’est transformée simplement en bras séculier du politique. Prisonnier consentant ou victime expiatoire, elle s’est totalement discréditée au sein de l’opinion. Et pourtant les sujets d’intérêt national qui auraient pu bénéficié d’une attention particulière de la société civile ne manquent pas.

La question électorale au pays qui mobilise actuellement les feux des projecteurs nationaux et internationaux n’en est pas des moindres. Au delà d’une approche qui considère que l’alternance mécanique par voie des urnes est une panacée aux conflits de légitimités et de légalités endémiques spécifiques à la RD-Congo, des aspects conflictogènes insoupçonnés enrobent le processus électoral et auraient du attirer l’attention de la société civile depuis un long moment. En effet, pendant que le budget électoral s’accroit de manière arithmétique depuis l’année 2006, une autre donnée s’accroit elle de manière exponentielle. Il s’agit du nombre de candidats aux élections. Parti de trois fois moins en 2006, ce nombre culmine le 28.000 actuellement. Le nombre des sièges aux législatives ne va pas progresser dans la même proportion.

A priori, le nombre de sièges ne va pas trop s’éloigner de 500. Et encore qu’il faudra que les électeurs s’enrôlent davantage car les élus potentiels, membres des partis politiques, ne paraissent pas s’intéresser à la sensibilisation électorale. Par conséquent, plus de 500 élus soustraient à plus de 28.000 candidats laissent le long de la route autant de candidats insatisfaits qui ne vont pas manquer de s’attaquer à la première cible expiatoire en l’occurrence, la Commission Electorale Nationale Indépendante, CENI. Dieu seul sait si avec une transparence électorale à 200%, le nombre d’élus n’en augmenterait pas davantage. Dans un contexte politique où des acteurs politiques considèrent la CENI comme responsable de leurs déboires politiques, il est clair que la Centrale électorale va être la victime expiatoire d’une situation sociopolitique crée par l’attrait hors norme de la fonction politique dans un pays où l’activité économique est réduite à sa plus simple expression. C’est un chantier dans lequel devrait s’investir la société civile sans attendre que le pays s’embrase.

Les négociations politiques actuelles et passées représentent également un champ qui devrait attirer l’implication de la société civile. Partant du fait que le système électoral congolais radie les acteurs du système sécuritaire notamment, les policiers et les militaires. Ne pouvant choisir, cette catégorie fait souvent les frais du choix des autres qui ignorent ses malheurs et ses espoirs. Partie immergée de l’iceberg pouvoir, le système sécuritaire est un acteur invisible dont les préoccupations s’invitent à la table des négociations politiques faute de quoi, celles-ci vont être condamnées à un recommencement perpétuel tel le Sisyphe dans la mythologie grecque. Sous le prisme de la conquête et de la conservation du pouvoir, aborder cette problématique devient d’une indélicatesse rarissime. Seule une posture désintéressée par le phénomène pouvoir peut permettre une approche totale et dépassionnée de cette question qui représente l’un des écueils inconnus de la sphère politique congolaise.

Les exemples sont légions et démontrent à souhait le vide laissé par la société civile, la vraie, dans la vie nationale de la RDC suite à ses accointances avec la classe politique de gauche ou de droite. Cette autonomie de penser et d’agir seul gagne en maturité et assurance en se départissant également d’une forme de tutelle extérieure. On ne le dira jamais assez, qui paye commande et les agendas des puissances extérieures ne rencontrent pas nécessairement l’intérêt du peuple.

John Ngombua

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