Economie

Commerce extérieur : Jean-Lucien Bussa : « Il a fallu du courage politique et de la détermination pour protéger l’industrie locale, je suis fier du travail accompli  ».

Au cours de l’émission Droit à la parole animé par le Directeur Général du Groupe Géopolis Forum, William Albert Kalengay avec la participation de la Directrice Générale d’Educ TV, Carine Kabututu, et du Directeur Général du média en ligne Zoom Eco, Eric Tshikuma, le Ministre du Commerce Extérieur Jean-Lucien Bussa s’est dit fier de ce qu’il a déjà accompli comme tâche sous son mandat à savoir : la protection de l’industrie locale par des décisions « politiques courageuses ». Mais il reconnait en même temps que d’énormes défis restent encore à relever, notamment moderniser la Foire Internationale de Kinshasa, réduire la dépendance de l’importation et faire à nouveau de la RDC un pays plus exportateur qu’importateur. En dessous, lisez l’intégralité de l’entretien. Dans un entretien sans tabou le ministre Jean Lucien Bussa a une fois de plus démontré qu’il avait de la passion pour le service de la République et qu’il était à l’aise dans ce secteur qui rebute plus d’un. Faisant un bilan de son action, il a aussi profité pour casser la tête à la rumeur sur les 100 milles tonnes de ciment ayant bénéficié d’une autorisation, en fixant le contexte de la décision.

William Albert KALENGAY (WAK) : Vous avez pris des mesures il y a quelques mois, nous étions là avec vous quand vous annonciez ces mesures, et nous vous remercions de nous rappeler parce que nous étions à l’annonce. Nous sommes donc aujourd’hui un peu les témoins de l’évolution. Qu’est-ce qui a été à l’origine de la prise de toutes ces mesures ? Je rappelle d’abord par exemple que vous avez décidé de réguler les importations avec l’objectif de protéger l’industrie locale. C’était ça le premier objectif. Est-ce que vous aurez pu prendre ces mesures si vous devez les prendre aujourd’hui ?

Jean Lucien Bussa (JLB) : Merci Willy pour la parole et merci à vous tous pour avoir voulu m’interroger sur l’évaluation des mesures que j’ai prises bien que je suis encore vivant. Et malgré la pandémie, Dieu nous prête vie pour que nous puissions nous retrouver davantage. Et donc, à l’époque lorsque nous prenions ces mesures, nous sommes dans quelle situation ? Quel est le contexte de l’époque ? Le contexte de l’époque, c’est qu’à l’Ouest du pays, nous avions de plus en plus des problèmes au niveau des frontières, en particulier à Lufu, la contrebande, les importations frauduleuses, du ciment, des barres de fer, des boissons gazeuses. Rappelez-vous de la fameuse Cuca, qui avait envahie complètement la ville, et ces produits de contrebande ont créé une espèce de dumping. La pratique de prix très bas détruisait complètement notre industrie locale. Et d’une part, vous avez l’industrie naissante. Je pense aux cimenteries et aux entreprises brassicoles.. ces groupes industriels ont commencé même a fermer comme à Boma et à Moanda. A l’Est du pays, nous avons aussi la sucrière de Kwilu Ngongo qui était en dessous de sa production à l’époque. Comment pénétrer le marché intérieur et faire face au dumping ? Il fallait une mesure radicale. Et je me rappelle que mes prédécesseurs n’avaient pas pris une telle panoplie des mesures. Je veux dire que la contrebande était systématisée et elle est devenue même systémique. Et donc il fallait détruire ce système et prendre des mesures adéquates. Dans ces différentes mesures, l’objectif était de protéger notre industrie qui était en difficulté par rapport à cette espèce de dumping. Et donc à l’époque où nous prenons ces mesures, j’ai posé un certain nombre des conditions. La première : que la qualité de nos produits soit égale, soit supérieure aux produits concurrents. Deuxième : qu’on ne puisse pas avoir une discontinuité dans l’offre intérieure. Troisième : que la tendance des prix devrait être baissière jusqu’à atteindre un point d’équilibre et compatible à la moyenne des pays africains. Quatrième : la pénétration du marché intérieur, Kinshasa n’étant pas la République Démocratique du Congo. Il y a des consommateurs dans toutes les provinces qui ont aussi besoin d’accéder aux produits de qualité à des prix compétitifs et bas. Voilà donc le contexte dans lequel nous avons pris ces mesures.

Carine KABUTUTU : Monsieur le ministre, certains avertis vous reprochent un protectionnisme étriqué avec une industrie locale incapable de servir le marché intérieur. Là, je rebondis sur la quatrième condition. Et donc, quelles sont les solutions durables ? Là, c’est d’un côté. Et de l’autre côté, il y a la fraude aux frontières. Quelles sont les solutions durables prévues par les politiques publiques ?

JLB : C’est vrai que je suis qualifié par plus d’un observateur africain, la plupart mes collègues ministres africains en particulier les ministres des pays frontaliers, me considèrent comme un ministre protectionniste. Il faut assumer le protectionnisme. Lorsque les conditions intérieures ne permettent pas l’industrie locale d’émerger, il fallait protéger ces emplois permanents, il fallait protéger la contribution de ces entreprises dans la production intérieure brute, aux recettes de l’Etat, et il fallait un Congo qui a la capacité d’être compétitive dans la perspective de couverture des marchés africains. Voilà pourquoi je suis fière d’être considéré comme un protectionniste. Ma conviction n’a pas changé par rapport cela.

CK : Mais deux ans après, qu’est-ce que cela donne ? Quel est le résultat ?

JLB : Le résultat, je vais prendre produit par produit. En ce qui concerne le sucre, je vous avais dit que nous avons pris la mesure parce qu’il y avait la sous-production et il fallait protéger le marché, et après plusieurs années nous n’avons plus été en mesure de faire face à la demande intérieure. Le sucre est un produit de consommation de masse. Il est utilisé dans plusieurs produits, le thé, le café, que sais-je encore. Après évaluation de la capacité de Kwilu-Ngongo qui a rencontré les conditions que j’avais posées et dont j’ai parlé ici. La qualité est bonne, mais l’offre n’était pas suffisante pour faire face à la demande intérieure de plus en plus croissante. Par conséquent, les mesures que nous avons prises n’avaient pas que pour vocation de protéger l’industrie, mais les consommateurs qui ont droit d’accéder aux produits de qualité et aux meilleurs prix de façon ininterrompue. Et donc, par rapport à Kwilu-Ngongo, on n’a pas pris de nouvelles mesures, on a pu ouvrir le pays aux importations de sucre pour rencontrer la demande intérieure. Et la question de Kwilu-Ngongo est là, lorsqu’on vient me demander de protéger, je dis qu’il faut me démontrer que vous êtes capables de faire face au marché intérieur. Si vous n’êtes pas capables, on ne va pas servir le peuple.

Deuxième produit, je vais parler de l’huile de palme. On aurait aussi pris des mesures pour faire face à la concurrence intérieure. Et là-dessus, il y a aussi un souci de l’offre intérieure. Le rapport que j’ai maintenant démontre que le pays a non seulement la capacité de faire face à la demande intérieure et des pistes d’exploitations. Et donc, par rapport à ça, on est en train de réfléchir, j’ai indiqué aux entrepreneurs de ce secteur qu’on devait se voir incessamment pour discuter en vue de protéger les producteurs d’huile de palme. J’ai parlé aussi de la bière et des boissons gazeuses. Tout congolais sait que la Cuca avait envahi la ville de Kinshasa. A la limite, c’était un facteur de dépravation des mœurs. Aujourd’hui, vous savez qu’aucune canette Cuca ne circule sur le territoire national. Et donc même l’entreprise de brassicole a pu rencontrer la demande intérieure étant donné que l’offre est insuffisante, la qualité étant meilleure et le prix étant compétitif. De ce côté-là, je suis prêt même à annoncer qu’on va proroger la mesure pour continuer à protéger cette industrie-là. On en arrive au ciment. Les cimentiers aussi ont réussi sur plusieurs conditions. Vous vous rappelez lorsque je prends la mesure sur le ciment. J’ai dit que messieurs les industriels vous ramenez le prix vers la moyenne des pays frontaliers. Brazzaville, c’est 5.3 USD le sac de ciment de cinquante 50Kg. Donc, si nous approchons la moyenne des pays africains, ça va être satisfaisant pour les congolais de la capitale, mais aussi surtout pour les congolais de l’intérieur. On peut voir que cette condition a été donc en partie rencontrée. La troisième partie, c’est la discontinuité de l’offre intérieure. Ça aussi, je peux dire qu’elle a été rencontrée à 80 % à mon avis. Parce qu’à l’intérieur du pays pour ne citer que trois provinces, la grande province de l’Equateur, la grande province du Kasaï et la grande province Orientale, ont encore des difficultés à pouvoir bénéficier suffisamment de l’offre intérieure provenant des industriels dans les conditions souhaitées par les consommateurs. Je veux dire le besoin d’approvisionnement de ces trois grandes provinces qui aujourd’hui sont au nombre des 13 était estimé exactement à 400 000 tonnes. On peut dire exactement selon le dernier rapport du ministère de l’économie à 369 019 tonnes. Lorsque nos industriels ne sont pas encore parvenus à réaliser le tiers de cette demande intérieure. Voilà une condition qui n’est pas complétement remplie mais en même temps ces grandes provinces, le grand Kasaï et le grand Equateur, sont approvisionnées en partie à partir de Congo Brazzaville et de l’Angola par le biais de l’informel et de la fraude à l’importation. Alors, une question économique, faut-il empêcher l’homo economicus, l’homme économique rationnel, de pouvoir s’approvisionner, de procéder au rapport qualité-prix et meilleur alors que nous avons frappé d’interdiction.

Alors par rapport aux cimentiers, le challenge a été gagné à près de 80 % à mon avis. Mais il y a deux problèmes qui se posent. Un, l’approvisionnement intérieur par rapport à ce que je viens de dire tout à l’heure 369 019 tonnes. On n’est pas parvenu à mettre 100 000 tonnes sur cette partie par an. Deuxième challenge, c’est le prix. Le prix d’un sac de ciment actuellement à Gbadolite est à 35 000 FC. Ça veut dire 18 USD.

CK : Donc, on peut dire qu’il n’est pas compétitif ?

JLB : Avec ce prix, le consommateur ne trouve pas son compte. Alors que l’industriel est protégé. Et on continuera à protéger. Mais il faut un juste équilibre. Tant qu’on a une industrie protégée et compétitive et les consommateurs qui ont le pouvoir d’avoir le produit à des prix compétitifs les plus bas. Et il est incompréhensible qu’à Kinshasa vous avez à 9 USD le sac et à Gbadolite vous l’avez à 23 USD. Et quel est le problème, c’est l’insuffisance de l’offre entre autres.

WAK : Nous aurions appris que vous avez subi des pressions puissantes des importateurs qui estimaient que vous étiez le sniper qui a cassé leur business. Est-ce que c’est exact ? Est-ce que vous avez subi ces pressions ou vous compensez avec eux ?

JLB : Lorsque vous êtes à ce niveau de responsabilité des décisions économiques d’intérêt national, vous avez à faire un choix rationnel et prendre de risque. Le choix rationnel, c’est de dire : que nous produisent les industries locales ? Quel est le bénéfice que le pays a, à disposer d’une industrie locale florissante ? Les bénéfices tels que les emplois, les recettes fiscales et autres. Et les activités qui dépendent de ces industries, notamment l’agriculture, le sous-traitant, etc. Je pense que c’est plus important que détruire cette industrie en donnant la place aux importateurs de ces mêmes produits. Vous savez que dans ce pays, si on importe le ciment d’Asie, on peut le vendre à 5 USD. C’est un choix qu’il faut opérer dans un pays. Est-ce un pays se développe par l’importation ou il se développe par la production intérieure ? On a fait ce choix. Mais ce choix a brisé certaines affaires. C’est clair. Mais, c’est un choix national. J’ai dit qu’il n’est pas possible lorsqu’on a acheté le ciment de l’Asie et le sucre de je ne sais où, ce qu’on recherche est une marge bénéficiaire. On peut s’approvisionner auprès de l’industrie locale et égaliser la même marge. Donc, je pense que le risque a été minimisable. Lorsqu’on a un champ économique majeur à opérer, les bénéfices sont plus importants que les risques. Je suis désolé. Mails il en sera ainsi. Si on doit protéger l’industrie locale, les ex-importateurs de ces produits doivent se reconvertir en distributeurs des produits locaux.

Eric TSHIKUMA (ET) : D’après les chiffres de la FEC, les industries du ciment de l’Ouest de la République Démocratique du Congo ont une production annuelle de 300000 tonnes. Et ces industries sont pleinement fonctionnelles et produisent. Vous avez dit tout à l’heure qu’elles n’arrivent pas à desservir ou à servir le marché intérieur. Ne pensez-vous pas que le vrai problème se situe au niveau des transports et des voies de communication pour acheminer le ciment dans les territoires reculés parce qu’il ne se pose un sérieux problème de voie de communication. Vous êtes ici à Kinshasa et vous allez à Ingende ou à Budjala, par quel mécanisme vous vous y rendrez…C’est très difficile. Et les opérateurs économiques ne sont pas nombreux à s’hasarder dans le secteur de transport pour desservir l’intérieur. Le problème identifié par le gouvernement ne devrait-il pas avoir pour solution l’amélioration du circuit de distribution à l’intérieur ?

JLB : Je voudrais vous répondre à la question et indiquer que lorsque nous parlons de limitation de l’importation du ciment et du sucre par exemple, nous parlons de l’Ouest du pays. Je voudrais que l’opinion retienne que l’Est du pays n’était pas concerné l’arrêt de l’importation du ciment et du sucre parce qu’à l’Est du pays on n’avait pas suffisamment des capacités pour réaliser ces défis. Rappelez-vous que lorsque j’ai pris ces mesures, plus d’un congolais s’interrogeait sur notre capacité à atteindre nos buts. Et on se demandait même si le prix n’allait pas augmenter, j’avais rassuré. Et personne n’avait cru. Aujourd’hui, tout le monde est convaincu que nous avons atteint nos objectifs. On ne les a pas atteints de façon totale. Je voudrais que lorsqu’on est en train de réfléchir, que nous contextualisions la situation économique du pays. Lorsque ces industriels ont investi comme les économistes disent toute chose étant égale par ailleurs, c’était dans les conditions de développement infrastructurel et dans les conditions de demande solvable suffisante ou insuffisante. Mais avant, il n’y avait des mesures de restriction. C’est-à-dire avec les mêmes infrastructures, avec le même contexte en termes de demande solvable, avec ce pays, ils ont dit qu’ils prennent le risque d’investir.

WAK : Mais ça n’exonère pas les importateurs. Et ils ne sont pas des transporteurs…

JLB : J’en arrive. Je voudrais introduire pour qu’on prenne l’écart de raisonnement d’aujourd’hui et le jour où on a décidé d’investir dans ce secteur-là. J’ai dit que c’est la seule explication. C’était une des explications par rapport à la compétitivité de nos industriels. Et je suis tout à fait d’accord que si nous améliorons nos infrastructures routières, ferroviaires, fluviales et autres, nous arriverons à desservir totalement le pays. Autre terrain sur lequel, nous pourrions trouver les réponses. La question de 23 USD à Gbadolite doit trouver sa réponse. Au-delà de la question de l’infrastructure, l’industrie congolaise fait face à d’autres problèmes : tracasserie administrative, une fiscalité peu alléchante, un faible encadrement de l’Etat. Oui, ce sont des problèmes réels. Mais la RDC n’est pas le seul pays à avoir ces problèmes. Il faut maximiser sous contrainte. Et je pense que l’Etat a sa part. L’une des parts de l’Etat, c’était de protéger l’industrie. Ce n’est pas facile de prendre une telle décision. Mais c’est exaltant de l’avoir prise. En tenant compte de ce développement de l’infrastructure. Mais aujourd’hui, le défi est là. La part du marché de l’industrie cimentière de l’Ouest est de plus de 95%. La part du marché, c’est de 95 %. Maintenant le challenge, faisons en sorte en tant qu’industriel de créer les conditions de compétitivité interne. Et en tant qu’Etat donner aux industriels un environnement économique propice à la croissance activités industrielles et à la diversité économique.

ET : Mais lorsque le gouvernement envisage déjà de suspendre le partenariat stratégique, ça pose un problème. Puisque là les industries ne bénéficient que grâce aux partenariats de la suppression des droits de douane, mais les industries qui produisent dans les pays voisins, vous citez le cas du Brazzaville ou de l’Angola, bénéficient de beaucoup d’allègements fiscaux dans le cadre d’une politique incitative et promotrice de leurs industries respectives. Ce qui n’est pas le cas avec la RDC. Pourquoi le gouvernement ou vous, au niveau du ministère du Commerce Extérieur, ne travaillez pas en synergie avec d’autres membres du gouvernement pour mettre en place des mesures qui accompagnent effectivement les industries locales ? Est-ce que vous êtes dans une dynamique d’ensemble ou d’une approche globalisante ?

JLB : Non. Je pense qu’il y a toujours possibilité de mieux faire. Le code d’investissement que nous avons offre des avantages fiscaux aux opérateurs économiques, aux investisseurs, y compris ceux qu’on a protégé. Et aussi, on a une fiscalité incitative. Mais il y a question de dire est-ce que c’est suffisant. Je pense comme ministre du commerce extérieur, qui doit travailler sur la compétitivité de notre économie, de nos produits par rapport aux pays du monde. Il faut passer davantage. Parce que s’il n’y a pas d’incitation aux investissements, il n’y a pas d’économie productive. Je prends le secteur agricole. L’agriculture, partout dans le monde, est subventionnée. Nous devons arriver là. Au niveau du gouvernement, la vision est très claire. Et d’ailleurs par rapport à la fiscalité, le ministre des Finances est en train de travailler sur le sujet. Moi ici, j’ai créé ce qu’on appelle l’agence nationale pour la promotion de l’exportation. L’objectif de cette agence, c’est d’impulser les politiques incitatives en faveur des exportateurs y compris sur le plan de la logistique. De sorte que lorsque les produits sont mis sur le marché international, les produits sont compétitifs par rapport aux pays voisins. Il faut des études qui nous permettent finalement de comprendre pourquoi dans ce pays-là tel produit coute 10 USD et chez il coute 13 USD. On doit éliminer les différences structurelles qui nous mettent dans une situation où on n’est pas compétitif alors qu’on a des produits de qualité. Donc, je crois que la question pertinente. Je pense que le gouvernement y réfléchit. Les indications étaient données au Conseil des ministres. Parce que le ministre des Finances travaille sur le sujet. Moi-même, je travaille sur le sujet qui me concerne.

CK : Vos mesures sont arrivées à échéance. Est-ce que vous allez les proroger ?

WAK : Nous avons appris que vous avez été pendant un an président de l’association des ministres de commerce en Afrique. Nous vous félicitons pour le mandat que vous avez assumé. Mais en même temps, vous êtes en train de reconnaitre que nous avons des problèmes en interne. Les industriels, même s’ils produisent assez suffisamment, mais ils n’arrivent pas à pénétrer le marché. C’est à ce moment-là que le Congo estime qu’il peut se jeter comme ça dans la ZLECAF. Et entrer dans une association qui ouvre toutes nos frontières. Déjà nos industries n’arrivent pas à gagner nos marchés intérieurs. Lorsque tous les produits vont entrer chez nous, vos mesures de protection vont disparaitre. Alors, l’adhésion de la RDC à la ZLECAF tue votre nature de ministre protectionniste. Vos amis vont se moquer de vous…

JLB : Il est clair et je suis convaincu que si notre industrie n’est pas protégée, on aura des difficultés. Et donc, par conséquent. Déjà avec les brassicoles et au regard des résultats que j’ai, je vais proroger les mesures. Mais pas avec le sucre. Je le dis tout à l’heure, la production de Kwilu-Ngongo n’est pas en mesure de couvrir la demande de la partie Ouest. Ce n’est pas possible. Et donc, il faut plutôt d’autres incitations en sa faveur pour nous permettre de croitre. En ce qui concerne le bar de fer, on est en train d’examiner la question pour voir aussi les préoccupations que nous avons exprimées par rapport à l’offre intérieure. De sorte que si nous prorogeons les mesures, que les conditionnalités soient claires et bien respectées. En ce concerne le ciment gris, il est clair que nous allons protéger l’industrie locale. Mais nous ne le ferons pas au détriment des consommateurs. Le congolais lambda qui veut construire sa maison d’une chambre et un salon puisse avoir du ciment et le bar de fer à sa portée et aux prix qui rejoignent une certaine moyenne des prix référentiels en Afrique. On va continuer à protéger et à insister en même temps sur le fait qu’ils doivent porter les produits là où se trouvent les consommateurs, mais le prix doit être un prix qui permet d’accéder à ce produit quelle que soit la bourse. En ce qui concerne l’huile de palme, nous sommes en train de travailler là-dessus de manière inclusive avec tous les opérateurs du secteur pour voir comment nous faisons pour protéger et que le Congo ne puisse pas, par le biais des consommateurs, y éprouver des difficultés de ce point de vue. Alors par rapport à la ZLECAF, c’est vrai que j’ai passé la main au ministre Sud-Africain pour présider la réunion des ministres africains des commerces. Evidemment, nous sommes en train de travailler encore sur la perspective de l’opérationnalisation de la Zone de libre-échange continentale africaine.

WAK : Est-ce que nous sommes prêts, nous aussi ?

JLB : J’en arrive. L’objectif est noble : d’avoir un marché africain commun. L’objectif est noble de capter l’opportunité que nous offre ce marché de 2 milliards des consommateurs. Et d’avoir le produit intérieur brut africain accru, multiplié par cinq par exemple. Maintenant, la question récurrente, est-ce que la RDC est capable de s’ouvrir au marché africain ? Mais, la RDC est déjà ouverte au marché continental et au marché africain. Nous commerçons avec les pays voisins. Nous commerçons avec l’Asie, l’Amérique et l’Océanie. Ça, ce n’est pas une question. C’est une évidence. Maintenant la question est de savoir quel est le volume du commerce de la RDC en Afrique ? C’est 0,07%. Donc, c’est insignifiant de sorte que nous devrions profiter de cette couverture pour accroitre notre participation au commerce intra-africain. Il est de 0, 07 %. C’est nul. Donc, je pense plutôt qu’il faut saisir l’opportunité et regarder comment nous faisons en termes de stratégies intérieures pour prendre ces marchés à notre faveur. Deuxième chose, avec qui nous commerçons sérieusement en Afrique ? C’est seulement avec l’Afrique du Sud. Et après l’Afrique du sud, c’est la Zambie. Et ces deux pays, viennent l’Angola et le Congo Brazzaville et d’autres. C’est marginal comme statistiques. Mais qu’est-ce que nous prenons de l’Afrique du Sud et de la Zambie ? Mais nous prenons les intrants d’Afrique du Sud, les maïs et quelques produits chimiques. Voilà ce que nous prenons là-bas. Est-ce qu’avec la zone de libre-échange continentale, nous allons inverser la tendance ? Que l’Afrique du Sud prenne aussi chez nous et que nous prenons aussi chez eux. Ce sont des questions qu’il faut poser. Et ce sont des questions qui nous reviennent au niveau national. Mais j’aimerai revenir là-dessus. Je pense qu’à mon avis et déjà au Conseil des ministres, le projet d’ordonnance qui met en place le comité national de la mise en œuvre la zone de libre-échange continental qui soit présidé par le premier ministre comprenant plus des 20 ministres dans ce comité technique. Quelle est la mission essentielle de ce comité ? C’est réfléchir et mettre en œuvre des stratégies pour tirer les meilleures parties de notre appartenance à la zone de libre-échange continentale. Donc, le pays dispose d’un instrument pour réfléchir sur le sujet. Et donc, on va échanger quoi ? On va inter-échanger les produits d’origine mais aussi des produits que chaque pays dit celui-là non, c’est un produit sensible. Je ne saurai pas le mettre dans le contexte de libre-échange maintenant. Nous avons exclu dans la liste des produits à échanger entre autres le ciment gris, l’huile de palme. Donc, nous avons choisi des produits qui ne peuvent pas entrer dans cette espèce de libéralisation qui risque d’anéantir notre industrie naissante et émergente. Le temps que nous puissions prendre une panoplie des mesures pour la rendre compétitive. Mais je rejoins Eric sur la décision d’avoir une politique fiscale et une politique de protection. Il nous faut une politique d’accès au crédit dans ce pays. Il faut revisiter la politique d’accès au crédit dans ce pays. A quel taux obtenons-nous le crédit ici ? 14 % pour les crédits en Franc congolais et 20 % pour les crédits en dollars américains. Et dans d’autres pays, c’est en deçà de 5%. Si un opérateur a un coût de crédit trop élevé, ça entre dans son coût de production. Et ça change ses charges d’exploitation. Donc, il nous faut une panoplie des politiques que nous voulons dans le cadre du comité de mise en place de la ZLECAF présidé par le premier ministre, nous mettre d’accord sur quelle politique nous faisons de nos entreprises et de nos industries. Mais déjà, nous avons pris des précautions pour que nous n’allions pas au-delà de cette échéance la tête baisée. Et donc, nous avons des produits que nous pensons protéger et aussi les produits que nous pensons avoir aussi ailleurs.

CK : La République Démocratique du Congo ne produit pas grand-chose. Alors en excluant les produits que vous appelez protégés, que nous reste-t-il à offrir à la ZLECAF ? Et puis, notre pays vit essentiellement de la douane et de ses frontières. En intégrant la ZLECAF, ne craignez-vous pas que nous puissions y laisser des plumes ?

JLB : Je voudrais aussi que l’opinion note un élément : La ZLECAF, c’est la suppression des obstacles non tarifaires, mais aussi des barrières tarifaires. Vous prenez vos produits. Vous l’emmené au Congo-Brazzaville, en Zambie, etc. Vous ne payez pas la douane vice-versa. Ça bénéficie aux populations. Les produits d’origine en Afrique vont baisser pour tout le monde. Et ça permet d’améliorer le pouvoir d’achat. Donc ça aussi, c’est une question importante. Notre commerce a aussi des difficultés parce qu’il y a beaucoup d’obstacles tarifaires et non tarifaires. Et donc, nous avons intérêt dans le commerce qui est un des leviers de la croissance économique. Et le commerce a un lien étroit avec l’investissement. L’investisseur qui trouve les meilleures conditions d’investissement au Botswana ou en Namibie alors qu’il n’a pas les mêmes conditions qu’ici en termes d’obstacles tarifaires et d’obstacles non-tarifaires, il va préférer ce pays-là. Il oubliera la RDC malgré nos potentialités en ressources naturelles. Et donc, voilà pourquoi certains pays qui n’ont pas assez des ressources, qui développent une capacité de gestion, ce qu’on appelle le capital intangible, se développent plus que les pays qui ont les ressources surabondantes comme la RDC. On devait aussi arriver à ce niveau. Et le gouvernement y travaille. Et maintenant, nous sommes dépendant des recettes qui viennent de nos frontières. Et non. De plus en plus, il faut que nous considérions que ce que nous avons comme recettes par le commerce intra-africain ne représentent pas 20 % des recettes et accises. Non. Les recettes les plus importantes que nous avons par ce mécanisme nous proviennent de l’Asie, de l’Amérique, de l’Europe, de l’Afrique. Et c’est le commerce que nous avons entre l’Afrique du Sud et la Zambie et quelques pays d’Afrique où le commerce est un peu marginal, surtout le commerce transfrontalier. Les mamans et les jeunes qui vendent des petits produits, là aussi, on devrait aussi réfléchir positivement en cherchant à dire comment on fait pour que ce que nous avons ici, nous puissions les porter en Afrique. C’est aussi le défi que nous devons relever.

CK : Qu’avons-nous à offrir concrètement en dehors des produits protégés ? Je parle du ciment par exemple. Est-ce qu’on ne peut pas amener du ciment en Bangui par exemple ? Pourquoi l’Angola doit venir ici et le Congo Brazzaville ? Et pourquoi pas la RDC ? Il faut changer des paradigmes. Carrément, il faut considérer que la RDC est capable de porter ces produits à l’extérieur…

JLB : J’ai parlé ici de la création des conditions de compétitivité. On a besoin des politiques fiscales, de crédits et de protection des produits. Il est question simplement de créer les meilleures conditions pour que notre marché devienne compétitif. Nous, la partie sud du pays, dépendons des maïs qui viennent de la Zambie. Or, nous avons de terres qui ont la capacité de produire des maïs. Nous ne pouvons pas dépendre que des marchés Zambiens. Mais le problème, c’est de faire des productions qui coûtent chers, notamment le secteur énergétique, le secteur des infrastructures. Et là, il est question que le gouvernement et ce qui est en train d’être fait, le ministre de l’agriculture a présenté au Conseil des ministres son projet de développement agricole qu’il se penche sur ce sujet-là. Donc, nous sommes capables, au-delà de réduire notre dépendance vis-à-vis des importations, de renter dans le marché des pays africains avec tout ce que nous avons comme produits. Mais attendez, est-ce qu’on va contester à la RDC d’être capable d’exporter autant des minerais ? Moi, je dis non. On est parmi les grand pays exportateurs de minerais.

ET : Ça n’a pas la valeur ajoutée…

JLB : Voilà la question. Maintenant que devons-nous faire créer des raffineries ici pour que nous créions la valeur ajoutée de nos produits et pour que nous transformions nos produits ici ? Le cobalt sert à plusieurs choses. Comment on ne peut utiliser le cobalt pour que le produit fini du cobalt soit produit en République Démocratique du Congo ? Ce sont des défis que nous devons relever.

WAK : Monsieur le ministre, nous entrons à La ZLECAF. En même temps, il existe des accords entre le pays et les pays frontaliers pour pouvoir favoriser le commerce transfrontalier. Mais selon nos dernières analyses, il se greffe à ce commerce transfrontalier un réseau de fraude. C’est-à-dire que les produits que vous avez cités ici, notamment des produits rémunérateurs et qui nous viennent des continents comme l’Asie, arrivent dans les pays voisins, se transforment en produits de commerce transfrontalier. Comment vous intégrez cette question ? Et comment il peut être une question qui ne vient pas perturber le fonctionnement de la ZLECAF ?

JLB : Comment mettre en cohérence les accords bilatéraux, les accords que nous avons signé dans le cadre de notre appartenance à la zone sous régionale (COMESA, SADC, CEEAC) ? En effet, on peut considérer aujourd’hui que les accords bilatéraux que nous avons, nous facilitent l’accès à l’enjeu de la Zone de libre-échange continental. Le résumé que nous avons de tous les accords bilatéraux et la facilitation du commerce, la levée des obstacles non-tarifaires, mais les obstacles tarifaires. Parlant du commerce transfrontalier, c’est vrai qu’avec les pays du COMESA nous avons convenu que toute marchandise qui a une valeur de 2000 USD passe par nos frontières respectives sans payer des douanes. Et la RDC a exigé même que nous puissions rabaisser ce montant à 500 USD parce que les 2000 USD commencent à être à la base de la fraude et de la contrebande au niveau de nos frontières. J’ai indiqué ça à mon homologue du Rwanda il y a trois mois. Et à mon homologue de l’Ouganda, il y a quelques jours passés. Et je l’ai indiqué à mon homologue du Congo Brazzaville et celui de l’Angola. Tout le monde sait et le COMESA sait que la RDC est en train de militer pour rabattre le montant à 500 USD au lieu de 2000 USD. Pour revenir à la question de la fraude que vous venez de soulever, il faut noter le fractionnement des marchés au niveau de nos frontières. En fait, que ça soit les règles de commerce transfrontalier ou les règles que nous avons au niveau de la Zone de libre-échange continental africain, la base est le commerce des produits d’origine.

WAK : Le public devrait comprendre ce que vous appelez produit d’origine. Qu’est-ce que vous entendez par les produits d’origines ?

JLB : L’arachide produit au Congo, le café produit au Congo, la chikwangue, l’hévéa et la banane, ce sont des produits d’origine. Ils sont donc des produits éligibles au commerce transfrontalier. Lorsque vous venez avec un colis des produits de 500 USD qui contient le pilchard produit en Espagne, ce n’est pas un produit qui rentre dans le cadre de commerce transfrontalier ni dans le cadre de COMESA, moins encore dans le cadre de la Zone de libre-échange continental. Maintenant, il y a des petits malins qui amènent des cargaisons de l’étranger et qui arrivant au niveau de nos frontières avec les pays voisins, je prends le cas de Kasumbalesa, le cas de Lufu, le cas de Aru, le cas de Goma, etc., fragmentent les marchandises et constituent des petits colis. Et ils vont mettre ça à la tête d’un monsieur et vont dire que ce sont des produits du commerce transfrontalier. C’est la fraude. C’est ce qui se passait à Lufu. Et là-dessus, nous sommes en accords bilatéraux avec pour la plupart des pays voisins pour que les uns et les autres, les douanes respectives puissent se partager la responsabilité en termes contre la lutte contrebande et la fraude de ces marchandises qui sont fractionnées. Et donc, il y a une cohérence et une progression entre les accords bilatéraux, notre appartenance que nous avons avec les organisations de la sous-région et la Zone de libre-échange continental africain. Au finish, c’est la Zone de libre-échange qui l’emporte sur tout le reste comme c’est le cas avec l’Union Européenne et d’autres organisations au niveau de l’Amérique.

ET : Monsieur le ministre, à vous entendre parler, vous êtes sincère dans vos dires en reconnaissant le fait qu’il faut comme préalable industrialiser l’économie nationale et assurer une intégration nationale, notamment sur le plan des infrastructures pour nous préparer à aller vers la Zone de libre-échange continental. Et ce sont des problèmes qui seront pris à bras le corps par comité national dont vous venez de faire allusion et qui est présidé par le premier ministre. Mais il y a deux autres mesures prises au préalable et qui ont été définies par le gouvernement au cours d’un Conseil des ministres tenu au mois de mars dernier, notamment la tenue d’un atelier des acteurs impliqués dans la mise en œuvre de la ZLECAF et ensuite le recrutement d’un consultant en vue d’accompagner le gouvernement dans la mise en œuvre de la ZLECAF. Où en êtes-vous 6 mois après ?

JLB : Déjà, le Conseil des ministres a approuvé l’ordonnance que le président de la république doit prendre pour mettre en place le comité de suivi de la mise en œuvre de la ZLECAF. Nous avons lancé par le biais du ministère du plan la demande de pouvoir avoir des consultants qui nous accompagnent sur la question. Mais en même temps, puisqu’il faut sensibiliser les acteurs économiques de la place sur l’enjeu de la Zone de libre-échange continental, j’ai une activité le 8 avec la FEC pour échanger avec elle sur les contours de la Zone de libre-échange continental, les opportunités, les contraintes, les obligations du gouvernement et aussi ce sur ce que les hommes d’affaires auront comme opportunité. Au fur et à mesure, nous sommes en train d’avancer sur la question. Vous parlez des préalables. Mais je ne parle pas des préalables. Je parle plutôt des conditions nécessaires pour rendre notre industrie compétitive. Parce que la Zone de libre-échange continental doit être opérationnalisée. Ne soyons pas le pays qui pleurniche. Soyons le pays qui agit. Parce qu’attendre d’agir avant d’avoir toute la lumière, c’est se condamner dans l’inaction. En même temps que nous sommes engagés, prenons les précautions sur le produit qui ne va pas faire l’objet de l’échange sur les 13 ans, et en même temps, nous préparons notre industrie et diversifier notre industrie. Grace à cet instrument-là présidé par le premier ministre avec les opérateurs économiques présents et potentiels d’ouvrir les nouveaux horizons et d’avoir des nouvelles approches de soutien de l’industrie locale. Et là aussi, il faut identifier les secteurs. Quels sont les secteurs sur lesquels doit s’adosser notre croissance économique ? C’est vrai que nous avons le secteur minier. Mais il faut transformer les produits. Nous avons le secteur agricole qui nous permet de répondre aux besoins de la demande intérieure. Nous avons ce souci d’intégration de la zone économique nationale à travers le développement des infrastructures. Notre collègue de l’industrie a fait adopter au Conseil des ministres des zones économiques spéciales avec des avantages fiscaux qui ne sont pas les moindres. C’est aussi un cadre attractif pour le développement industriel. Et le gouvernement n’est pas en déficit des politiques.

ET : Monsieur le ministre, vous avez évoqué la question relative à l’importation des 100 000 tonnes de ciment gris. Mais quels sont les mécanismes que vous aviez défini pour accompagner votre dérogation d’importer 100 000 tonnes en provenance de Brazzaville ? Comment cette importation va-t-elle se passer ? Est-ce que les importateurs vont souscrire ?

JLB : Tout d’abord, je pense qu’il faut désacraliser cette histoire de ciment gris. C’est 641 tonnes par province par mois et sur un an. 641 tonnes, ce n’est pas un immeuble de 6 niveaux.

WAK : Et pourtant, vous avez dit que le secteur avait bien rempli les 4 conditions.

JLB : Non. J’ai dit que la pénétration du marché intérieur posait un problème. Nous avons un besoin de pas plus 400 000 tonnes, donc exactement des 369 019 tonnes. Et l’offre intérieure n’est pas à même de porter 100 000 tonnes sur le marché.

ET : C’était pour des raisons d’infrastructures ?

JLB : Les consommateurs sont partout. Il n’y pas que ceux de Kinshasa, du Kongo-central et d’une partie du Bandundu qui ont besoin d’exister.

ET : Mais comment ces 100 000 tonnes vont les parvenir ?

JLB : Les consommateurs du grand Equateur, du grand Kasaï et de la grande Orientale ont aussi besoin d’avoir accès aux produits dans les meilleures conditions. Aujourd’hui, vous allez sur le marché de Gemena, sur le marché de Gbadolite et sur le marché de Kisangani, vous trouvez du ciment importé par la fraude. Vous allez sur le marché du Kasaï, vous trouverez du ciment apporté par l’Angola par la fraude. Est-ce qu’il faut continuer à tolérer la fraude qu’on n’a pas un mécanisme pour sanctionner un importateur qui emmène un produit dans un pays donné s’il l’a fait de manière régulière ? Donc, je pense qu’il fallait répondre à cette question. Même les 100 000 tonnes, ce n’est pas un Etat qui emmène des ciments à un autre Etat. C’est un quota plafond. Ils importent déjà là-bas. Mais il ne faut pas qu’il déborde. Il ne faut pas qu’on dépasse une certaine limite. Il y a un quota au-dessus duquel un sac de ciment ne peut pas s’ajouter si les importateurs ne sont pas prêtent à acheter là-bas. Donc, il faut que les gens acceptent d’aller acheter. Et les importateurs qui ont été détruits doivent accepter d’aller importer. Puisque certains importent déjà, il faut éviter que ça rentre dans le marché noir.

WAK : Donc, il n’y a pas des importateurs qui ont demandé au ministre une dérogation pour importer ?

JLB : Non. Ils ont toujours demandé. Et moi, j’ai dit toujours dit non. Aujourd’hui, demandez, c’est la réalité. Mais je reviens sur la question de savoir s’ils remplissent complètement. Laissez-moi vous dire que vous ne pouvez pas puisque c’est un quota plafond mais actuellement ce qui veut importer peut venir demander l’autorisation du ministre et remplir toutes les conditions exigées par tout importateur. D’ailleurs, j’ai entendu les gens dire que j’ai exonéré les taxes mais ce n’est pas compétence. C’est le travail du ministre des finances, donc du gouvernement. Donc, il n’ya aucune exonération. Ils sont exposés aux mêmes conditions des marchés. Puisqu’ils les font déjà, que ça se fasse devant tout le monde et régulièrement.

CK : Dans ce contexte de la Zone de libre-échange continental, il y a un impératif de la qualité des produits importés. Et c’est là qu’intervient l’Office Congolais de Contrôle, une entreprise sous votre tutelle mais taxée d’inefficacité et de laxisme, etc. Comment pensez-vous-y remédier ? Une autre entreprise sous votre tutelle, c’est la Foire Internationale de Kinshasa qui a fait la pluie et les beaux temps mais devenue l’ombre d’elle-même. Et vous avez annoncé avec pompe beaucoup des décisions. Entre les décisions et l’action, il peut se passer toute une vie. Où en est-on avec la réhabilitation de la FIKIN. Et à côté de la ZLECAF, il y a ce phénomène de E-commerce. Est-ce que vous y pensez ?

JLB : Je commence par le E-commerce. Mon cabinet est en train de travailler. C’est vrai qu’aujourd’hui le commerce en ligne est devenu un commerce florissant et accrochant. On est en train de travailler sur ce projet de loi. Et on veut que beaucoup d’acteurs soient impliqués, notamment les scientifiques, le ministère des PT-NTIC, la DGDA, le guichet du commerce extérieur et tous les services concernés. On veut que ça soit participatif. J’aime que lorsque j’apporte un projet au gouvernement, que tout le monde puisse donner son adhésion. Mais aujourd’hui, c’est au-delà de nécessité, c’est une obligation. Au niveau de l’OMC, de la ZLECAF et des organisations africaines, ça devient une exigence. C’est d’abord une exigence pour le pays et pour les organisations pour lesquelles nous appartenons. Je suis sûr qu’au bout des quelques jours, nous allons présenter ce projet mis en commun par les différents experts au niveau de mon cabinet. Et puis, c’est la procédure connu de tout le monde, le gouvernement, le parlement et le Chef de l’Etat.
En ce qui concerne l’OCC et contrairement à une certaine opinion, cette entreprise est un organisme de référence pour l’Afrique centrale, des pays voisins viennent faire l’évaluation de conformité ici à kinshasa. L’OCC fonctionne aussi au standard international. Les laboratoires ont des accréditations.

WAK : Alors, le succès de la contrefaçon ici au Congo ?

JLB : Vous savez que lorsqu’un bien a été produit au Congo est passé par l’OCC est opté. C’est une référence. Deuxième chose, l’OCC est aujourd’hui très alerte sur tout ce qui est importation des produits périmés. Il n’y a pas longtemps l’OCC a bloqué une cargaison des pilchards à Kasumbalesa. Et ça était dit dans le monde entier. Toutefois, la problématique de la fraude, la problématique de la contrebande n’est pas du domaine de l’OCC. L’OCC ne peut contrôler que ce qui entre par la douane officielle. Ce qui entre par la contrebande n’est pas du domaine de l’OCC. Cependant, nous avons l’obligation en tant qu’Etat régalien l’obligation de pouvoir trouver de réponse à ce problème. Pour ce qui est de la FIKIN, lorsque je suis nommé ministre, j’ai mis fin au fait les funérailles devraient se dérouler à la foire. Et j’ai demandé au DG de la FIKIN de dégager toute ces personnes qui faisaient ces activités marginales et même à la limite de l’immoralité là-bas. Et ça était fait. Nous avons nous-mêmes un travail avec le Chef de l’Etat et le premier ministre sur la modernisation de la Foire. Nous sommes en discussion avec les opérateurs économiques. Ils sont prêts à venir. Ils m’ont déjà présenté il y a quelques semaines passées un projet de modernisation de la Fikin. Avec la situation économique et des finances publiques actuelles, nous ne sommes pas forcément à même de mobiliser des ressources. Mais nous avons opté le mode selon lequel un investisseur vient et exploite pendant un temps mais nous liasse l’infrastructure.

WAK : Etes-vous satisfaits du travail que vous avez accompli jusque maintenant à la tête de ce ministère ? Si vous êtes satisfaits, qu’est-ce que vous avez échoué de faire ?

JLB : Je dois dire que je suis très satisfait comme économiste et ministre du commerce extérieur. C’est que j’ai mis en place, donc j’ai fait appliquer la théorie économique qui n’avait besoin que du courage politique pour ce faire. Aujourd’hui, certains industriels s’attaquent à moi. Alors que je suis le premier et meilleur protecteur de l’industrie parce que j’ai résolu dans la décision pour protéger l’industrie locale en considération de ce que je connais théorie du protectionnisme économique. Maintenant, beaucoup des défis sont là. J’aurai aimé que la modernisation de la FIKIN devienne une réalité sous mon mandat. J’aurai voulu que le pays retourne sa tendance en tant que pays plus qu’exportateur qu’importateur. C’est un défi. Réduire notre dépendance vis-à-vis des importations et accroitre notre présence dans les marchés internationaux. Je pense que là aussi je ne dis pas que c’est un échec mais c’est un défi que nous sommes en train de relever.

Propos recueillis par Willy KALENGAY, Carine KABUTUTU et Eric TSHIKUMA 
Texte écri par Djodjo MULAMBA 

 

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